Chapitre 2

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Notre lien visuel se rompt brusquement lorsque Carl se matérialise devant lui.

— Chérie, tu pourrais me servir un Baileys ? me lance soudain un client habitué.

Je reprends mes esprits et lui adresse un grand sourire légèrement aguicheur, celui que je réserve aux clients pour les mettre à l'aise.

— Bien sûr, Marc.

Je m'active à remplir son verre tout en réalisant que l'homme qui vient d'entrer doit être le nouveau patron. Mais pourquoi diable un homme qui semble si fortuné s'intéresserait-il à un petit club de strip-tease dans une ville comme Lakeport ?

— Voilà !
— Merci ! Alors, tu es enfin de retour au club ? Je suis passé plusieurs fois récemment, et tu manquais cruellement derrière le comptoir.

Je lui offre un sourire sincère. Beaucoup d'habitués comme Marc trouvent du réconfort en notre présence. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, tous ne sont pas de gros pervers. Certains le sont, bien sûr, mais la plupart viennent chercher un spectacle, une conversation, une présence féminine — un moment pour s'échapper du quotidien.

— T'es un amour, Marc. Disons que j'avais besoin de repos.

— Je suis ravi que tu sois revenue, en tout cas.

Leah arrive avant que j'aie le temps de le remercier.

— Ma belle, tu pourrais me préparer deux coupes ? Mon client vient de m'offrir un verre.

Leah boit rarement de l'alcool pendant le travail, comme beaucoup d'autres filles d'ailleurs. Pour les aider, elles viennent directement au comptoir, où je prends note des verres offerts par les clients afin que les comptes soient clair pour la paye du soir. J'en profite alors pour leur servir du jus de pomme avec un peu d'eau pétillante. Cela permet de vider les verres plus rapidement et de s'en faire offrir beaucoup plus. Parfois, je ne comprends même pas comment certains clients ne réalisent pas qu'il est humainement impossible de boire dix-huit coupes de champagne en une heure !

La soirée suit son cours. Les clients se multiplient et l'ambiance devient électrique. Une douleur à une de mes côtes finit par apparaître à cause de ma position statique. Je m'assois quelques secondes sur une chaise. Tous les clients sont occupés avec des filles ou à discuter entre eux, mais c'est à ce moment-là que Carl et l'homme arrivent au bar. Tandis que Carl me lance un regard complice, monsieur costume à 5000 dollars me fusille du regard.

— Je pensais que c'était ton meilleur élément. Que fait-elle assise ? siffle-t-il.

Je me lève précipitamment, prise de court et abasourdie par la dureté de l'homme. Carl se racle la gorge avant de dire :

— Sofia a eu un accident de voiture il y a trois semaines. Elle n'était pas censée revenir travailler, mais elle est quand même là.

Je lance un regard reconnaissant à Carl, tandis que l'homme continue de me fixer intensément.

— Alors, j'imagine que revenir n'était pas une bonne idée.

J'ouvre la bouche, mais aucun mot ne franchit mes lèvres. Moi qui suis habituellement la reine de la répartie, je suis complètement déstabilisée par l'hostilité gratuite de mon futur patron. Je le fixe, stupéfaite, irritée  et à la fois troublée par l'intensité virile et l'aura presque intimidante qui émanent de lui.

L'homme me scrute toujours, ses yeux perçants fouillant mon regard, comme s'il cherchait une faiblesse. Je serre les dents pour ne pas laisser échapper une remarque cinglante que je pourrais regretter, mais je ne résiste pas à l'envie de lui lancer un regard de défi. Je dois attendre de mieux cerner ce type avant de me risquer à lui répondre. Finalement, il rompt le silence, sa voix plus basse, mais toujours aussi coupante :

3.9.2025Où les histoires vivent. Découvrez maintenant