Chapitre 9

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Moi qui ne rougis jamais, je sens mes joues brûler. Je m'approche lentement, le cœur martelant dans ma poitrine. Le monstre face à moi est d'une beauté brut. Je ne devrais pas ressentir autant de chaleur à l'idée de voir son torse dévoilé, mais une impatience coupable me trahie. Je m'assois sur le bout de son bureau, ce qui me permet de lui faire face et de le surplomber légèrement. Toute l'assurance  que j'avais sur scène quelques minutes plus tôt s'évanouit devant son regard hypnotisant. J'ai l'impression d'être vulnérable quand je plonge dans le bleu profond de son regard. Ses iris sont saisissants, magnifiques et ses pupilles qui se dilatent captivent mon attention. Ils me rappellent tellement ceux d'Anton que j'ai besoin d'en avoir la certitude. Il faut que je sache si son épaule a une cicatrice qui pourrait correspondre.  Cela me permettra d'être enfin sûre. Je reprends contenance alors que j'ai la sensation que ses yeux me parlent, qu'ils tentent de me dire quelque chose.

Je pose lentement mes doigts sur le premier bouton et le défait.  Son odeur musquée aux notes boisées enivre mes sens. Troublée, je fais de même avec le deuxième d'une main légèrement tremblante lorsque je réalise que je suis peut être sur le point de découvrir que l'homme face à moi est Anton. Je m'apprête à défaire le troisième bouton mais sa paume s'enroule autour de mon poignet. Son geste est doux mais ferme m'incitant à suspendre mon mouvement.

— Je te fais de l'effet, City ?

— Vous n'êtes pas mon genre, rétorquai-je d'une voix fébrile.

Un sourire éclatant s'affiche sur son visage. La réponse est évidente mais plutôt mourir que lui avouer. On n'avoue pas au diable qu'il est séduisant. Il le sait déjà.
Il relâche délicatement mon poignet et m'enjoint de poursuivre. Je continue à défaire les boutons alors que l'atmosphère devient chaude et chargée de tension. Lorsque j'arrive au dernier bouton, je sens son ventre se contracter.

— Je vous fais de l'effet, Miller ?

Il rit.

— Pas mon genre non plus.

Un sourire en coin, j'ouvre doucement les pans de sa chemise. Un instant, je suis étourdie par la perfection de sa musculature, hypnotisée par la fermeté de ses muscles. Mais très vite, quelque chose capte mon attention, me faisant oublier tout le jeu que j'avais entrepris : sur sa clavicule, un tatouage. Une date : 3.9.2025.
Je retire rapidement mes mains de sa chemise, comme si elle avait le pouvoir de me brûler, et je le regarde, profondément désorientée.

— Vous... c'est vous qui m'avez secourue ?

Il se lève brusquement, visiblement agacé, et referme sa chemise d'un geste sec. Son soudain changement d'attitude me déstabilise encore plus, et je me retrouve à chercher un sens dans tout ça.

— Bon endroit, bon moment. Petite chanceuse, lâche-t-il, d'un ton tranchant.

— Mais...

— Mais rien du tout ! Tu n'es pas le centre du monde. Ce genre de "coïncidence" arrive tout le temps, surtout dans un trou pareil, réplique-t-il, tout en reboutonnant sa chemise avec agacement.

— Non ! Ce n'est pas une coïncidence. Vous avez dit mon prénom. Je l'ai entendu, je le sais.

Il éclate de rire, un rire froid, sans joie.

— T'as eu une putain commotion cérébrale. Comment peux-tu être sûre de quoi que ce soit ? Le problème des femmes comme toi, c'est qu'elles croient que tout tourne autour d'elles. Maintenant, sors de mon bureau et dégage de ce foutu club. Je ne veux plus te revoir ici. Tu recevras un virement pour ta charmante « contribution » de ce soir.

Je le fixe, abasourdie. Les larmes menacent de couler, mais je me force à ne rien laisser paraître. Je refuse de lui montrer la moindre faiblesse. Il a débarqué dans ma vie, m'a arraché Carl et détruit l'atmosphère chaleureuse qui faisait du Piano mon refuge, mon monde. Il a réveillé les fantômes de mon passé, m'a fait croire que j'avais peut-être retrouvé mon âme sœur d'enfance, pour tout piétiner d'un geste. Je me sens idiote, humiliée, et je comprends que mon avenir à Lakeport est désormais terminé.

3.9.2025Où les histoires vivent. Découvrez maintenant