Faucheuse en grève

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Toc toc*

- Oui, oui, c'est bien moi. Vous ne vous êtes pas trompé. Hein ? Vous ne savez pas qui je suis ? Sérieusement, on vous paie pour jouer l'ignorant ou c'est une vocation ? Ah, je vois... vous vivez sur la lune. Ça explique bien des choses.

Bon, dans ce cas, je me présente : je suis la Faucheuse. Ou la Déesse de la Mort, si vous préférez. Pas de panique, c'est juste un boulot. Comme être pâtissière ou pongiste, sauf qu'au lieu d'une pâte ou d'un pong, j'ai une faux. Vous voyez, cette grande lame utilisée pour faucher le blé ? Si ça ne vous dit rien, tant pis. Je sais, "faucher" et "faux" ne semblent pas très français, mais qu'en sais-je ? Je n'ai jamais prétendu être académicienne, et je viens de Mars.

Un prénom, moi ? Bien sûr que j'en ai un ! J'en ai même plusieurs. Les humains me nomment comme ça les arrange. Hier encore, un type m'a appelée Charon. Il m'a prise pour le passeur d'âmes, mais bof, j'ai laissé couler. Je ne suis pas du genre à m'offusquer pour si peu. Mais entre nous, je préfèrerais être appelée Sharone, ça fait plus distinguée.

Bref, je ne suis pas venue ici juste pour papoter. Je peux entrer, quand même ? C'est pas très poli de me laisser poireauter à la porte. Comment ? Pourquoi vous me regardez comme ça, tout livide ? Eh, calmez-vous, je ne suis pas là pour vous. Si vous faites une crise cardiaque maintenant, on va croire que c'est de ma faute ! Prenez ma main et entrez, vous avez l'air à deux doigts de vous écrouler.

Pfff... Vous n'êtes pas léger, dites donc. Désolée, ne le prenez pas mal. Après, comparé à moi, vous... Enfin bref, ce n'est pas important. Pourquoi ces larmes ? Attendez, je vais chercher un verre d'eau. Bougez pas, j'en ai pour deux secondes.

Revoilà... Ça va mieux ? Bon. Alors, où en étais-je ? Ah oui, la raison de ma visite. Contrairement à ce que vous croyez, je ne suis pas ici pour vous emporter. Du moins, pas aujourd'hui.

Pourquoi ? Eh bien, il se trouve que je suis en grève. Oui, vous n'avez pas encore perdu la raison. Je suis bel et bien en grève. Trois millénaires de service sans congé et même pas un demi-SMIC, vous imaginez ça ? J'appelle ça de l'esclavage. Depuis la réforme avec les dinosaures, je n'ai pas vu une seule augmentation. Vous comprenez bien que ma situation n'est plus vivable.

Bon, bref, vous avez capté, je ne bosse plus. Vous voulez quand même partir ? Non mais vous êtes sérieux ? Depuis quand des gens veulent mourir volontairement ? Vous déraillez ? Non, je ne vous emporterais pas, désolée. Ce n'est pas que ça. Vous avez vu mes ongles ? Je viens de les limer, pas moyen d'utiliser ma faux avant un bon moment.

Holà ! Reposez ce cendrier ! Pourquoi vous vous énervez ? Je ne fais que mon boulot... Ou plutôt, je ne le fais pas, justement ! Vous vous sentez exaspéré ? Écoutez, je vais m'en aller. Oh, cette perruque est magnifique ! Elle ne vous appartient pas ? Je peux la prendre ? Avec mon crâne chauve, je vais faire des jaloux.

Aïe ! Mais reposez ce cendrier, voyons ! D'accord, désolée, désolée, je m'en vais. Pas de perruque ? D'accord, pas de perruque.

Slam*

Writober 2024Où les histoires vivent. Découvrez maintenant