Le lendemain, j'avais une journée bien chargée, et heureusement, ça m'a permis de penser à autre chose. J'me suis pris deux, trois fois à repenser à elle, mais fallait que je me ressaisisse. C'était juste du business, après tout. J'suis allé chez elle pour un cambriolage, point barre. Qu'est-ce qui m'arrive à m'prendre la tête avec cette histoire ? J'habite même pas si loin d'elle, quoi, 45 minutes en voiture ? Elle est dans le centre-ville, c'est même pas mon monde, tout ça.Puis j'me mets à cogiter sur pourquoi elle a des liasses de cash chez elle. P't'être qu'elle est escorte ou un truc dans le genre, ça expliquerait les gros dépôts. J'essaye de trouver des raisons pour m'dégouter d'elle, la sortir de ma tête, mais même ça, ça marche pas. Ça m'fait même l'effet inverse, j'ai comme un truc qui me dit qu'j'aimerais l'aider. Bref, faut que j'arrête, j'suis vraiment un ouf.
Aujourd'hui, j'dois aller voir ma sœur. Depuis qu'maman est partie, y a trois ans, j'fais en sorte de passer la voir au moins deux fois par semaine. Elle est mariée maintenant, avec ses gosses, sa vie bien rangée, mais c'est tout ce qui me reste de famille. Et même si mon train d'vie lui plaît pas, j'me dis que c'est mieux de rester en contact que de la perdre complètement.
Donc, j'me pointe chez elle, on discute un peu, et comme d'hab, elle m'sert son refrain sur l'amour. "Il faut qu'tu trouves quelqu'un," elle dit, "t'es pas tout jeune, t'sais." Ça m'fait marrer, parce que ouais, en vrai, c'est aussi ce qui me travaille.
Elle finit par m'demander un service : elle a besoin d'un gros sac de riz et d'autres courses. Et là, l'idée m'vient direct. J'lui dis que j'vais aller jusqu'au centre-ville pour lui choper tout ça. Elle pige pas, elle me sort, "Mais attends, y a des magasins bien plus près ici." Moi, j'lui réponds, "Non, t'inquiète, c'est plus simple comme ça."
En vrai, j'me fous un peu de son avis. J'ai déjà en tête d'retourner dans ce coin-là, près de chez la meuf. Même si j'me trouve des excuses bidon pour ça, j'me dis que c'est l'occasion d'essayer de recroiser son chemin.
Sur la route, j'commence à cogiter. L'idée d'faire demi-tour m'travaille : je croise plein de supermarchés, et à chaque fois j'me dis, "Mais t'es sérieux ? Pourquoi tu fais ça ? C'est quoi l'plan, au juste ?" Je me sens comme un ouf, là. À force de réfléchir, j'me rends compte qu'on dirait limite un psychopathe, le mec de You qui suit les gens, tu vois ? J'essaie de m'reprendre, d'me dire que tout ça, c'est juste dans ma tête. Mais au final, j'allume une clope, j'fais taire mon cerveau, et j'me laisse guider par l'instinct, juste pour voir où ça m'emmène.
J'fais mes petites courses tranquille dans le magasin. À chaque changement de rayon, j'me surprends à penser : imagine, si elle était là, si j'la croisais par hasard. J'me dis que c'est fou, mais y a une part de moi qui l'espère quand même. Bref, une fois les courses faites, j'me dirige vers sa rue. Et bien sûr, au lieu d'rentrer direct, j'passe devant chez elle.
La première fois, rien, pas d'trace d'elle. J'me dis que c'est bon, faut que j'me casse. Mais là, sans même trop réfléchir, j'm'autorise un deuxième passage. "On sait jamais," j'me dis. Mais toujours rien, alors j'finis par m'garer juste en bas de son appart'.
Les lumières sont éteintes, y a personne.
Je reste là, planté, à m'demander ce que j'fous.C'est là que ma sœur m'appelle. "T'es où ?" Elle me demande. Je lui sors une excuse à la va-vite, "T'inquiète, y a des bouchons, j'arrive." Elle me rappelle que ça fait déjà une heure que j'suis parti. "J'suis sur la route," j'dis, "Arrête, là. T'as l'air d'une gamine, tu vas faire manger du riz aux petits à 22 heures, ils dorment déjà, non ?" Elle soupire et me lâche, "Ouais, t'façon, laisse tomber, ramène ça demain."
Après ça, j'reste là, une heure, peut-être deux, à enchaîner les clopes, les yeux rivés sur son appart' comme si ça allait m'révéler quelque chose.
Puis, tout à coup...
Alors que j'suis en pleine réflexion, j'vois le dernier bus passer. Il s'arrête au bout de la rue, pile devant l'arrêt.
Le bus se vide, les gens descendent un par un.
Et là, en dernier, elle descend. Grande, une silhouette qui impose, une grosse veste noire, et un sac sur l'épaule.
J'la reconnais direct. Mon cœur se met à battre plus fort, comme si j'étais pris en flag. C'est bien elle, aucun doute.
J'la regarde avancer, sans même s'presser, comme si de rien n'était.
C'est bizarre, j'me rends compte que j'sais pas quoi faire. Une part de moi veut partir en vitesse, mais j'suis planté là, incapable de bouger. Elle se rapproche de son immeuble, et moi, j'suis juste là, à l'observer, le souffle court, sans savoir c'que j'vais faire ensuite.
Elle est encore plus belle en vrai, et j'peux pas m'détacher d'elle du regard.
Quand je la vois, c'est comme si tout s'éclairait, tu vois. D'un coup, ça m'paraît évident : j'ai l'impression que c'est obligé, que cette meuf, elle est là pour moi, et que moi, j'suis là pour elle. C'est ouf carrément , mais j'me dis que j'dois la protéger, coûte que coûte. Là, j'me rends compte à quel point j'suis un dingue. J'connais même pas le son de sa voix, j'sais même pas qui elle est vraiment.
Elle finit par rentrer dans son immeuble, et moi, j'suis là, scotché. Je la vois passer dans son salon, puis elle ferme les volets. À un moment, elle s'arrête et jette un coup d'œil vers la rue, et là, j'te jure, mon cœur s'emballe.
J'me dis qu'elle m'a grillé, que c'est foutu. Mais non, en fait, j'vois un petit chat qui trottine au bout de la rue. Elle l'appelle par la fenêtre, il se ramène, et elle le fait rentrer chez elle.
Elle prend le chat dans ses bras, l'embrasse doucement, et le dépose par terre avant de continuer à fermer les volets. Ce moment-là, tellement mignon, tellement plein de tendresse, ça m'a fait sourire malgré moi, comme un gamin.
J'étais comme un con, à me perdre dans mes pensées, exactement comme la première fois où j'regardais ses photos.
J'ai fini par secouer la tête, comme si j'essayais de me réveiller d'un rêve bizarre.
Alors j'ai mis le contact, et j'ai pris la route pour rentrer, avec son image toujours là, collée dans mon esprit.
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De voleur à loveur
RomanceJabari n'aurait jamais pensé que le jour où son pote lui a proposé un cambriolage serait celui où il rencontrerait celle qui allait lui donner envie de changer de vie. Elle lui fait ressentir des émotions qu'il n'avait jamais connues, une connexion...