Chapitre 10 - Celle qui volait un baiser 2/2

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Summer, 17 ans

Mes trois jours d'exclusion suivis du weekend ont semblé s'étirer à une vitesse exaspérante, si bien que ça m'a rendue nauséeuse. En revanche, à Manhattan High, le temps paraît s'être précipité au point que j'en ai finalement le tournis. Je me demande même si je ne suis pas piégée à l'intérieur d'un cauchemar aux barrières trop épaisses pour que je puisse m'en échapper.

En cinq petits jours, Liam Kohl est devenue populaire.

La rumeur raconte qu'elle et Max débarquent souvent de la même voiture, les yeux rouges et l'allure désinvolte de ceux qui n'ont pas besoin de fournir le moindre effort pour être acceptés. Aujourd'hui, cela dit, –et pour mon plus grand bonheur–, c'est seule qu'elle rejoint Maël devant les portes de la grille métallique, non sans recevoir une masse de compliments sur son passage.

– T'en fais pas, on va régler ça en un rien de temps. Cette pute ne volera pas ta place.

Adossé au muret, William souffle la fumée de son joint vers le ciel. Ses mèches blondes volent au vent, le rendant trois fois plus attrayant qu'à l'accoutumée.

– Ouais, enfin, il va quand même falloir faire ça prudemment. Elle est sous la protection d'O'Donnel, maintenant, s'empresse d'ajouter Asia qui n'a pas envie de contrarier Max, pour qui elle a un béguin évident.

– Et de Gellman... interviens-je à mon tour.

Les sourcils de William se froncent pour creuser deux ridules entre ses yeux.

S'il y a bien une personne qu'il déteste, c'est Max, qui ne peut pas se voir le basketteur en peinture non plus. Leurs pères sont ennemis, leurs enfants ont grandi en fréquentant les mêmes établissements. J'imagine qu'ils étaient destinés à se haïr depuis le berceau.
C'est pour cette raison que je me suis rapprochée de William, espérant faire réagir son rival. Je réalise que cette idée stupide m'a sûrement désservie.

Mais William était mon plan B.

Lors d'une soirée où il avait un peu trop bu, on s'est embrassés. Repenser à la sensation de sa langue poisseuse caressant la mienne me retourne l'estomac. Réellement, c'est quand j'ai senti son sexe durcir contre mes fesses à travers le tissu de son pantalon que j'ai songé à m'enfuir. Tout ce que j'avais un jour trouvé attirant chez ce mec me donnait soudain envie de vomir.

Mais je ne pouvais pas. On n'échappe pas à quelqu'un comme William, au risque de s'attirer des problèmes. Alors je suis restée là, à califourchon sur ses genoux. Et je l'ai laissé me peloter jusqu'à ce que, trop éméché, il tombe comme une masse sur le canapé.

Je crois que ce soir-là, j'ai remercié le ciel. Dieu sait ce qu'il se serait passé, s'il avait été en capacité d'aller plus loin. Et le pire, c'est que je l'aurais laissé faire, trop effrayée que sa frustration lui donne l'idée de ruiner ma réputation.

C'est un constat un peu triste, je préfère ne pas m'attarder sur ce que ça dit de moi.

Tandis qu'on se dépêche pour rejoindre nos cours respectifs, je prends conscience des regards insistants dans ma direction. Les murmures s'élèvent sur mon passage, leurs expressions méprisantes et moralisatrices.

Il aura suffi d'une fausse rumeur à mon sujet pour que l'adoration se transforme en haine. Pour un crime d'homophobie que je n'ai même pas commis, qui plus est.

Liam savait pertinemment ce qu'elle faisait, et je la déteste encore un peu plus fort d'avoir tagué son propre casier avec ces horreurs.

Je m'en remettrais, mais à quel prix ? A chaque nouvel échelon gravi, je sacrifie une part de ma personnalité. Si bien que pour atteindre les sommets, j'ai fait une croix sur ma moralité.

As Cold As Summer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant