As Cold As Summer

Chapitre 14 - Mille éclats de méchanceté

Summer, 17 ans
8 ans plus tôt...

Assise en tailleurs sur le sol du gymnase poisseux, j'écoute d'une oreille peu attentive les directives de Monsieur Delacroix, notre prof d'EPS qui a choisi de nous former à l'escalade pour le premier trimestre.

L'odeur est chargée d'un mélange de sueur rance et de ce parfum indéfinissable qu'on trouve dans tous les lieux où les ados laissent traîner leurs baskets. Les murs peinturlurés de couleurs criardes sont si fins que le ballon de basket du cours d'à côté tape, tape et tape encore, faisant écho dans ma tête comme un marteau sur du métal.

Vêtue de mon ensemble rose bonbon, puisque nous n'avons pas de tenue de sport aux couleurs du lycée, je me masse les tempes. Je jette un coup d'œil à l'horloge fixée au mur, comptant les minutes qui nous séparent de la fin du cours.

– Chacun votre tour, venez chercher l'équipement dans le panier. Vous me montrerez ensuite comment faire un nœud en huit. Si vous ne parvenez pas à vous mettre d'accord, je composerai moi-même les binômes, cette fois.

Une vague de protestations éclate en réponse à son annonce. J'aurai été ravie de me retrouver avec Max pour grimper le mur, mais il n'est pas revenu au lycée depuis un moment.

En parlant d'absentéisme, Liam non plus ne s'est plus pointée depuis notre dernière entrevue. J'ai demandé à Maël de me filer son numéro, prétextant vouloir prendre de ses nouvelles mais il a refusé, comme s' il savait pertinemment à quel jeu je jouais.

Ce n'est pas qu'elle me manque, ni que je ne me réjouisse pas d'être possiblement parvenue à la faire fuir.

C'est juste que j'ai passé la semaine la plus barbante de ma vie, si bien qu'avant l'arrivée du week-end, j'ai cru mourir d'ennui.

Pourtant, rien n'a changé. Je me suis rendue à mes entraînements de cheerleading comme d'habitude, j'ai fait mes devoirs tous les soirs devant une série réconfortante, j'ai même obtenu un A+ en mathématiques. Comme si l'univers me souriait, je n'ai pas raté un seul brushing et mon maquillage était parfait du lundi au vendredi. La cerise sur le gâteau ? J'ai retrouvé ma place, les élèves de Manhattan High vénèrent à nouveau le sol que je foule.

J'ai l'habitude que Max s'absente, parfois plusieurs semaines d'affilée, ce n'est donc pas sa chaise vide dans les cours que nous partageons qui me met dans cet état apathique.

Non, c'est plus vicieux, moins facile à avouer. L'éloignement de Liam Kohl me lasse. J'avais prévu tellement de scénarios divers et variés, mais comment suis-je supposée la rendre chèvre si ma nouvelle source de divertissement n'est pas là pour les réaliser.

– Hey, t'as pu voir avec tes parents, pour le week-end prochain ? soufflé-je à l'intention de Taylor, dont le teint pâle m'inquiète un peu.

Les genoux relevés contre son torse, il conserve une expression neutre et détachée, l'air terriblement fatigué.

Tout bien considéré, il semble carrément au bout du rouleau et exténué. Ses cernes d'un violet si intense qu'on doit les voir depuis l'espace. Son visage est amaigri, même si mon ami n'a jamais été très épais. Ses cheveux en désordre, emmêlés et décoiffés. Peut-être même qu'ils sont sales, comme s'il ne les avait pas lavés depuis un certain temps.

– Taylor ? Tout va bien ?

– Mmh ?

C'est comme s'il ne m'avait pas entendue, trop enfoncé dans l'univers sécuritaire qui n'existe que dans ses pensées. Comme s'il s'y était un peu perdu, oubliant de conserver un pied dans la réalité.