Chapitre 11 - Un goût de cendre et d'éternité

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Liam, 18 ans

Les lèvres de ma mère s'agitent mais je ne parviens pas à saisir le sens de ses paroles, noyées sous le tumulte de mes pensées en désordre.

Elle m'a embrassé.

Je la déteste tellement de m'avoir volé un baiser que je n'arrête pas de penser à la prochaine façon de l'humilier. Et je ne devrais pas réfléchir de cette façon, aussi sournoise et enflammée.

C'est entrer dans un jeu auquel je refuse de jouer, mais putain... Elle m'a embrassé !

Et le pire dans tout ça, c'est que la vidéo a déjà fait le tour du lycée. En moins de vingt-quatre heures, tout le monde a pu constater à quel point ça ne m'a pas dérangé, sur le moment...

Elle m'a embrassé ! Comme si elle en avait le droit, comme si c'était à elle de décider.

Juste après avoir retourné mon passé compliqué contre moi. Et ce n'est même pas cette partie qui me dérange le plus.

Malgré les larmes qu'elle m'a arrachées, malgré la colère que son chantage vicieux a fait naître en moi, malgré la soumission à laquelle elle m'a contrainte.

Ma mère contourne la table pour s'approcher plus près de moi, espérant que sa proximité parviendra à capter mon attention. Ses pas rapides font voler des feuilles éparpillés sur la table de la salle à manger et un croquis d'une robe bustier atterrit sur mes genoux. Je l'examine, cherchant à me distraire de la pensée obsédante que... Summer Davies m'a embrassée.

– ... Je vais être obligée de t'enfermer dans ta chambre.

Ah ouais, c'est vrai. Elle est en colère parce que j'ai fait le mur, hier soir, pour rejoindre Max.

Le lendemain de l'épisode du baiser, Summer m'a forcée à déjeuner seule, au réfectoire. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'une punition puérile, je n'avais pas prévu que ma solitude forcée ait un goût d'humiliation aussi prononcé. Je n'aurais pas pu prédire à quel point il serait compliqué de repousser mes amis, sans leur donner d'explications.

Maël a mis un certain temps à se lasser de mon petit cinéma. Il n'a pas compris pourquoi je persistais à changer la routine installée entre nous, ces dernières semaines.

J'ai dû me montrer exécrable pour qu'il lâche enfin l'affaire.

La déception qui s'est lentement inscrite sur son visage a terminé de me briser le cœur.

Assise à la table face à la mienne, Summer était bien entourée.

Pourtant, elle semblait encore plus esseulée que moi. Son regard de glace creusait des trous dans ma peau, mais je n'ai pas détourné la tête la première.

En fait, aucune de nous ne l'a fait, et c'était... bizarre.

Comme si on était coincées ensembles, pour le pire et encore le pire.

Je me suis demandée quelle satisfaction elle pouvait tirer de cette situation, me suis résolue à constater que ça ne lui faisait même pas plaisir. Ou en tout cas, elle n'en donnait pas l'impression.

Il faut dire qu'elle est tellement difficile à cerner, ses émotions enfermées, cadenassées, inatteignables et inaccessibles.

Elle m'a laissé tranquille pour le reste de la journée que j'ai passé à la maudire sur dix générations, à me questionner sur la prochaine façon vicieuse qu'elle aurait de me punir... d'exister ? De la provoquer quand le reste du monde se jette à ses pieds ?

A la fin de la journée, j'ai pris le bus scolaire pour rentrer, puisque j'ai gagné ce combat contre ma mère.

Maël m'attendait à mon arrêt habituel, vêtu du blason de football brodé aux couleurs du lycée. Adossé à l'abri en verre, muni de ce sourire réconfortant qui le caractérise, il me dévisageait sous une épaisse rangée de cil de laquelle tombaient quelques larmes de pluie.

As Cold As Summer Où les histoires vivent. Découvrez maintenant