🕸️CHAPITRE 17🕸️

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— Dites-moi votre secret.

À cet instant, Margarette se figea et fut prise d'hésitation, de doute, mais aussi d'appréhension. Ethan savait-il quoi que ce soit concernant son passé ou émettait-il tout simplement une hypothèse en espérant qu'elle lui réponde tel un pari qu'il ferait avec lui-même ? Elle ne saurait le dire. Cependant, elle ne lisait ni doute, ni hésitation dans son regard tandis qu'il se tenait toujours là, penché en avant, attendant, figé.

Elle l'avait précédemment coincé, quasiment mis au pied du mur et pourtant il avait su retourner la situation avec une facilité déconcertante, car si elle se refusait à lui répondre, alors... Pourquoi lui le ferait-il malgré son insistance ?

Il lui fallait alors jouer ses cartes prudemment. Ethan Gainsbourg n'était pas un homme à sous-estimer et encore moins à prendre pour l'idiot du village.

— Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai un secret ? lança la jeune femme le plus naturellement possible en espérant que cela suffise à le faire reculer.

— Voyons, Margarette... Personne ne viendrait sciemment dans une ville comme celle-ci afin d'y finir sa vie. Vous auriez cinquante années de plus, peut-être, mais vous êtes une jeune femme charmante, ayant toute une réputation ainsi qu'un statut social.

— Ne connaissez-vous donc rien aux héritages familiaux ?

— Oseriez-vous me prendre pour ce que je ne suis pas ? Un héritage comme celui-ci se revend, il ne se garde pas. Encore moins quand on sait l'état dans lequel il se trouve présentement. Vous êtes perdante aux changes.

— Il n'est jamais trop tard pour tenter une nouvelle aventure. Essayer quelque chose de nouveau.

— Avec la chance de tout perdre par-derrière ? Je ne vous crois pas, fit le jeune homme en restant à ses côtés.

— Dans ce cas, dites-moi ce que vous croyez. Vous êtes un homme intelligent, Ethan, faites-moi donc par de vos théories. Même les plus farfelues ! Je suis tout à fait preneuse.

Mais ses théories, elle les connaissait déjà. Ethan ne savait juste pas le fond de l'histoire, même si, à l'heure actuelle, il devait forcément en avoir perçu les contours.

— Vous êtes venue, seule, dans une ville éloignée afin de profiter d'un héritage que les rumeurs qualifient de maudit. Vous ne sortez quasiment pas de chez vous et même dans cette bâtisse devenue votre propre petite forteresse, vous ne laissez pas le monde extérieur rentrer. Vous êtes régulièrement en compagnie de vous-même et il vous arrive de parler... Seule, encore une fois, et pourtant, comme si vous étiez en compagnie de quelqu'un d'autre, dressa Ethan comme s'il dépeignait le plus triste des tableaux.

— Cela fait donc de moi une folle bonne à interner si je vous suis bien.

— Ce n'est pas non plus ce que j'ai dit. Vous avez la fâcheuse tendance à me prêter des mots ou des propos qui ne sont pas les miens.

— Alors quoi ? Quels sont vos propos, allez-y.

Ethan prit une grande inspiration. Pour la première fois de sa vie, le jeune homme n'avait pas la moindre idée de l'impact qu'auront ses mots, mais il savait qu'il finirait indéniablement par la blesser.

— Je pense que quelque chose vous hante, avoua-t-il sans perdre une seconde supplémentaire.

— Comme un fantôme ? plaisanta la jeune femme.

— Plutôt comme une conscience alourdie par le poids du passé.

Margarette voulut rigoler et pourtant, son sourire peina à se dessiner. Il n'y avait aucune matière à plaisanter, car à dire vrai, Ethan l'avait particulièrement bien cernée.

— C'est une drôle de conclusion que vous tirez là, finit-elle par siffler tout en essayant de dissimuler le fait qu'Ethan avait mis dans le mille.

— Osez dire que je fais erreur et je m'en excuserai immédiatement. Osez me regarder droit dans les yeux avec cette même assurance étouffante et cependant si charmante qui est la vôtre et je retirerai ce que j'ai dit. Toutefois, je ne pense pas que vous en soyez capable.

Et s'il avait raison ? Si, pour une fois dans sa vie, Margarette ne pouvait nier ? Elle l'avait si bien fait jusqu'à présent, alors pourquoi ne pas continuer ? Pourquoi ne pas regarder Ethan avec la même certitude que celle qu'elle avait démontrée aux officiers de police lorsqu'ils l'avaient interrogée quant à la mort de James ? Ce n'était rien de moins qu'un inconnu de plus à convaincre.

Oui, rien de moins qu'un inconnu...

— Vous voyez, j'ai raison. Bien que cela ne me réjouisse pas davantage, finit par dire Ethan en voyant que Margarette était restée silencieuse.

— Et donc ? Que fait-on maintenant ? réussit-elle à lui demander tout de même.

— Rien.

Comment ça "rien" ?

Margarette le dévisagea, visiblement mécontente qu'il se soit donné autant de mal à lui faire indirectement dire la vérité pour qu'au final... Il n'en fasse rien. C'était à ne plus rien y comprendre.

— Ne me regardez pas ainsi avec vos yeux assassins, lui dit-il en se détournant d'elle.

— Comment voulez-vous que je vous regarde alors que vous venez pratiquement de...

— De quoi ? De dévoiler votre plus grand secret ? Ce n'est pas le cas, si je ne m'abuse et en outre... Vous ne m'avez rien dit. Je vous ai guidé vers une voie qui me paraissait probable, rien de plus. Cela fait des semaines que je m'évertue à vous faire comprendre que je ne suis pas votre ennemi et que je ne vous veux aucun mal, Margarette. Des semaines à me répéter inlassablement et j'avais pensé que, étant donné votre intelligence, vous auriez compris ma démarche, mais visiblement, je me trompais. Je ne cherche pas à savoir votre passé, mais j'ai suffisamment de pièces du puzzle dans les mains pour tout rassembler et me faire une idée de la chose.

Une idée ? Pouvait-il seulement imaginer ce qu'elle avait fait ? L'atrocité de son crime ?

Quelque part, cela rassura Margarette que de savoir qu'Ethan était probablement à des années lumières d'avoir la moindre idée de ce qu'elle avait dû faire pour survivre.

— Dans ce cas, maintenant que vous avez rassemblé les pièces du puzzle, je présume qu'il est temps que l'on s'occupe du vôtre, lui sortit-elle tout naturellement.

— Vous ne comptez donc pas m'épargner ?

— Étant donné que nous sommes bloqués ici pour encore plusieurs heures, je dirais... Je suggère que nous trouvions un endroit confortable et au calme afin de discuter. Afin de longuement discuter.

Une chambre à l'abri des oreilles indiscrètes, par exemple ?

— Dans ce cas, allons discuter si c'est ce que vous désirez, conclut le jeune homme dans un sourire en coin.

Le manoir de CastelrocOù les histoires vivent. Découvrez maintenant