𝐸𝑐𝑐𝑒𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒𝑠𝑖𝑎𝑠𝑡【 Taekook

Chapitre 1

Toronto, Canada 

Taehyung

J'ai toujours adoré la magie.

Pas les tours de cartes ridicules que font de pseudos magiciens dans la rue, à des anniversaires, ou même à des mariages.

Non.

Je parle des vrais tours de magie. Ceux avec de réelles disparitions, de la dissimulation, de la manipulation, ou encore des apparitions.

Petit, j'adorais laisser mon esprit se focaliser sur ces doigts qui s'émoussaient dans l'air, accompagnés de la tonalité familière d'une voix grave et pleine d'entrain, là pour m'immerger dans ces illusions qui me brouillaient le cerveau.

Ce sont les seules pensées qui m'assaillent tandis que j'observe mes céréales imbibées de lait se noyer au fond de mon bol.

J'aurais adoré m'évaporer dans l'air d'un simple coup de baguette magique pour éviter d'avoir à faire ma rentrée scolaire, bien que ce geste aurait sans aucun doute fait hurler ma mère.

Ou bien peut-être que ça l'aurait soulagée. Après tout, elle aurait évité d'être confrontée à l'allure maussade que je viens de traîner de la salle de bain à la cuisine, ainsi que l'éclat terne qui n'a pas quitté mes prunelles depuis que j'ai reçu cette fichue lettre.

Elle trône encore sur le comptoir à l'entrée de la cuisine, alors qu'il suffirait d'un seul coup de patte de Zia pour la faire tomber et glisser par inadvertance sous le meuble.

Mon cou se tord à cette pensée, et analyse la petite embrasure pour savoir si, si cette réalité se réalise un jour, je pourrais me saisir du papier avec mes doigts, une règle, ou bien encore un balai.

Mais la tête du balai semble trop large pour une ouverture si petite...

— Taehyung, on va être en retard.

Le ton ferme, malgré des sonorités adoucies et pleines de compréhension, ma mère, le bas des reins appuyé contre le rebord de l'évier, me scrute de son regard couvert de bienveillance.

De délicates mèches de la couleur des châtaignes encadrent ses joues satinées de rose, tandis que se dresse sur l'arrière de son crâne un chignon dépareillé qui tient par miracle à l'aide d'un crayon à papier.

Elle porte une longue robe raide à fines bretelles d'un vert profond, enjolivée de petits boutons en bois sur le bustier qui réhaussent sa silhouette élancée d'artiste.

Même si en vérité, les tâches de peinture qui ornent le bout de ses doigts, ainsi que les manches longues du t-shirt beige qu'elle a enfilé sous sa parure de coton, parlent à sa place.

— Oui, je sais. Je suis désolé.

Je parle tout bas, remue mes céréales qui auraient besoin d'une bouée de sauvetage, et fini par me redresser pour me grandir malgré mes épaules tombantes.

Ma mère acquiesce lentement sans cesser de me scruter, inquiète.

Je le sais puisque je vois, dans la périphérie de mon champ de vision, cette façon si subtile qu'elle a de pincer les lèvres et qui me renvoie directement à ma propre habitude que j'ébauche lorsque je suis soucieux. Ce qui arrive relativement très souvent.

Mais rassurez-vous, je ne passe pas mes journées avec les lèvres pincées.

Du moins, je n'espère pas.

Je devrais peut-être essayer de reproduire cette moue devant le miroir, pour voir à quoi je ressemble quand je l'esquisse.

Ça me préoccupe, tout d'un coup.