J'en suis à me demander qui a bien pu décider que le sucre s'appelait « sucre » et le sel « sel », surtout au vu de la ressemblance de ces deux condiments, lorsque mon père se râcle la gorge en bout de table, focalisé sur le journal qu'il lit au-dessus de son café.
— En tout cas, si ce qu'ils servent à la cafétéria ne te plait pas, je pourrais toujours venir te chercher ou te donner de quoi te faire un Tupperware, proclame ma mère occupée à ranger notre vaisselle sale dans le lave-vaisselle.
En rentrant chez moi la veille après ma journée d'intégration, je lui ai raconté comment celle-ci s'était déroulée tout en lui spécifiant que j'avais aimé manger à la cafétéria malgré l'immensité du bâtiment.
Elle avait été ravie pour moi, mais pressentait l'angoisse qui persistait dans mon cœur lorsque je lui parlais de l'université.
— Laisse-le donc tranquille. Il est grand maintenant. Et il t'a dit qu'il avait aimé y manger, intervint mon père d'une tonalité bourrue.
Pourtant d'une petite taille, le visage rond surmonté par une monture de lunette classique, on ne dirait pas que de telles sonorités pourrait sortir d'entre ses lèvres.
Mais mon père a toujours été comme ça, calme aux premiers abords, mais sec et sévère dès lors que quelque chose ne lui plaît pas.
— Tu sais pourquoi je dis ça, chéri.
La voix plus ferme de ma mère me coupe soudain l'appétit. Mes céréales au fond de mon bol ne me semblent plus si appétissantes.
Et lorsque je trempe mes lèvres dans mon jus d'orange industrielle, je n'en retiens que le goût aigre, identique au sentiment amer qui me gorge le cœur.
— Il faut qu'il grandisse tout seul, tu ne peux pas sans arrêt le couver, rétorque mon père en repliant son journal avec élégance. Je sais qu'un deuil est une étape difficile à surmonter, mais il va falloir qu'il fasse des efforts pour assurer son année.
Avant que ma mère ne puisse répliquer à son tour, les poings sur les hanches, les sourcils froncés et les lèvres pincées, je me lève à la hâte en sentant une bile acide me brûler l'œsophage.
Je laisse tout en plan en me promettant de venir débarrasser plus tard, et remonte à grandes enjambées dans ma chambre, le cœur au bord des lèvres.
Il me faut de longues minutes pour me calmer, le front pressé contre le mur frais du seul cocon que je possède encore.
Mes cuisses tremblent, mais je me contiens autant que je peux en instaurant à mon être entier une maîtrise que j'ai appris à contrôler au fil de ces derniers mois.
Inspire. Expire. Inspire. Expire.
Je me promets que la douleur va passer, que ce n'est que passager, et me le répète en boucle jusqu'à finir par y croire.
Lentement, je m'affaisse le long du mur et ramène mes genoux contre mon ventre en les entourant de mes bras.
Mes prunelles humides sont perdues dans le vague.
C'était mon premier jour de cours aujourd'hui, et le peu d'envie que je possédais d'y retourner vient de s'envoler à cause de l'étroitesse d'esprit de mon père.
Comme toujours.
S'il me soutenait au début de toutes les difficultés que j'ai traversées, il a très vite montré un désintérêt évident pour ma personne, au profit de mes études.
Il aurait souhaité que je m'en remette plus rapidement pour reprendre le cours d'une vie normale. Comme si surmonter un deuil ne vous détruisait pas assez pour ne serait-ce qu'espérer retrouver ce genre de confort.
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𝐸𝑐𝑐𝑒𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒𝑠𝑖𝑎𝑠𝑡【 Taekook
Fanfic𝐞𝐜𝐜𝐞𝐝𝐞𝐧𝐭𝐞𝐬𝐢𝐚𝐬𝐭 : (𝑛.) 𝑠𝑜𝑚𝑒𝑜𝑛𝑒 𝑤𝘩𝑜 𝘩𝑖𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑎𝑖𝑛 𝑏𝑒𝘩𝑖𝑛𝑑 𝑎 𝑠𝑚𝑖𝑙𝑒. ⸻ Intégrer la prestigieuse université de Toronto est le rêve de nombreux étudiants désireux de parfaire leur parcours académique. Cependant, c...