Chapitre 11

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— Je peux savoir ce que vous faites là ?

À peine remis du choc de notre découverte, voilà que nous devons faire face au bruit glaçant de plusieurs feuilles craquelant sous des semelles de chaussure.

Au bord de l'évanouissement, Jimin se laisse tomber sur un parpaing qui trône sur le pourtour des travaux, tandis que le grillage derrière nous s'ouvre sur notre professeur d'histoire contemporaine.

Monsieur Fraser.

Mon souffle me quitte quand je comprends qu'on risque gros, et qu'Isaé avait raison.

Nous nous tenons à deux pas d'un cadavre en pleine décomposition.

Il est évident qu'on va nous accuser. Peut-être même que je finirais mes jours derrière les barreaux, sans avoir résolu l'une des plus grandes énigmes de ma vie. Sans l'avoir vengé.

Je me vois déjà assis derrière une médiocre table en bois le jour de mon procès, secondé par un avocat qu'on m'aurait commis d'office.

J'entends les larmes de ma mère, le ton amer de mon père.

J'arrive même à imaginer le marteau du juge, ni trop lourd ni trop léger, s'abattre à répétition contre son socle sous la clameur de la foule, pour sceller mon destin.

Je suis foutu.

— On était juste...

— On voulait essayer de comprendre, c'est tout, me devance soudain Jungkook.

Innocemment et discrètement, il remet la bâche en place et s'avance à mes côtés en réajustant ses manches qui se sont relevées sur ses avants bras suite à ses mouvements.

Plongé dans une incompréhension que je ne peux que comprendre, monsieur Fraser, toujours dans son indémodable costume gris, les cheveux bruns légèrement décoiffés, ainsi que son indispensable sacoche en cuir sur l'épaule, nous fixe tour à tour comme si nous venions de tomber du ciel.

— Mais, enfin ! Vous ne pouvez pas vous promener sur une scène de crime comme ça vous chante ! Vous savez ce que vos actions peuvent entraîner ?

Je ne l'imagine que trop bien, malheureusement.

C'est idiot, mais maintenant, je parais beaucoup moins sûr de moi. J'étais prêt à tout risquer pour venir ici, y compris à être viré de cette université qui porte malheur. Mais une fois pris sur le fait, tout ce maigre courage me quitte.

— Hé bien, oui, enchaîne Jungkook qui se permet même de hausser le ton, les yeux ancrés dans ceux de notre interlocuteur.

Est-ce qu'il a perdu l'esprit ? Pourquoi se permet-il d'être si effronté tout à coup ? Enfin, plus effronté que d'habitude, ça va de soi.

— J'ai appris dans le code pénal tout un tas de choses que je peux vous révéler, continue-t-il en ignorant mes doigts qui viennent subitement presser son poignet pour lui intimer de se taire.

— Monsieur... ? s'enquiert l'enseignant.

— Jeon.

— Bien, donc monsieur Jeon, riposte notre professeur d'un ton calme mais pour le moins tranchant et transparent d'autorité scolaire. Il est inutile de me compter les maigres exploits que vous semblez avoir appris sur le bout des doigts pour argumenter vos frasques nocturnes préméditées. Je ne veux rien savoir. Votre comportement parle de lui-même, et témoigne du fait que vous n'êtes pas aussi malin que vous le pensez.

Les yeux écarquillés, je promets que j'aurais applaudi devant une telle répartie dénudée de méchanceté si je m'étais trouvé dans une autre situation.

J'adore ce professeur. Même s'il pourrait bien causer notre ruine d'ici quelques instants, mais je l'adore quand même.

Et puis, quand bien même je reste insensible à son charme qui semble frapper presque l'entièreté de ma classe, je dois dire qu'il est plus qu'épatant sous son style vintage.

— Maintenant si vous voulez bien me suivre, c'est au proviseur de définir votre sanction. Je crains, à mon grand désarroi, d'être privé de ce privilège.

La tête rentrée dans les épaules, Jimin finit par nous rejoindre.

Il tremble de tout son long.

Le cœur serré de le voir dans un tel état par ma faute, je glisse un bras autour du sien, lance un dernier regard à Jungkook qui semble scotché à la terre boueuse, puis marche sur les pas de monsieur Fraser.

J'essaie de capter les prunelles de Jimin pour le rassurer, mais il reste focalisé sur ses pieds qui foulent le sol, comme à la recherche d'une échappatoire.

Et qui pourrait l'en blâmer ? Surtout pas moi, alors que tout ce qu'il a fait était lié à mes actions.

Le ventre noué, je réalise après plusieurs secondes que personne ne me suit.

Il ne fait pas très froid mais pourtant, lorsque mon regard se déporte par-dessus mon épaule pour voir si Jungkook est derrière moi, les griffes glaciales qui m'enserrent le cœur se révèlent plus aiguisées que je ne le pensais quand j'aperçois ses poings serrés et sa mâchoire crispée.

Il scrute avec fermeté la bâche qu'il a relevée plus tôt, l'expression indéchiffrable mais brûlante d'une déception qui semble le consumer de l'intérieur.

Un autre sentiment brille dans ses pupilles, mais il m'est impossible de le déceler avec précision, surtout quand il capte mon regard et qu'il se reprend comme si de rien n'était.

Réajustant ses cheveux que la douce brise ne cesse d'emmêler, il nous rejoint en quelques enjambées, et nous suit jusqu'au bureau du directeur.

Les pensées tumultueuses, je me contente de faire profil bas sur le chemin, incapable d'imaginer ce qui m'attend sans parvenir à chasser le trouble que je viens d'entrevoir dans les pupilles de Jungkook.

Du regret. C'était du regret.

Mais pourquoi ?

Et surtout, envers qui ?


Excusez moi pour le retard, j'espère que ce chapitre vous aura quand même plus malgré sa petite taille 🥹🥺

Passez de belles fêtes de fin d'année, et à l'année prochain mes amours.

Je vous aime.


- Vee

𝐸𝑐𝑐𝑒𝑑𝑒𝑛𝑡𝑒𝑠𝑖𝑎𝑠𝑡【 TaekookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant