Chapitre 12

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Depuis que je suis né, on m'a très vite fait comprendre que ma vie serait réduit à l'esclavage, qu'un jour ou l'autre je finirais par servir les intérêts des plus riches et ce jusqu'à mon dernier souffle.

Quelle ironie, il faut croire que c'est arrivé avant que je ne le perçoive, moi qui me pensais perspicace.

C'est Alexander qui m'a fait ce sermon le jour où il m'a trouvé, il pleuvait des cordes lorsque je marchais une énième fois dans la même rue pour tenter de trouver quelque chose à manger. Le vent me soulevait tant j'étais mince mais la faim surpasse toute raison, je tentais alors de ne pas tomber à cause du sol glissant et boueux quand quelqu'un cria. Il était un peu plus jeune à cette époque, il se tenait à quelques mètres et son regard compatissant me réchauffait en quelque sorte la poitrine. J'errais depuis si longtemps que je sentais la fin approcher à grand pas, un enfant ne peut pas survivre seul. J'en étais la preuve, j'allais bientôt mourir.

Je suis incapable de me rappeler de chaque détail, mais ce dont je me souviens est lorsque j'ai passé pour la toute première fois la porte du manoir. A l'entrée, une dizaine d'enfants s'approchaient prudemment avec des yeux remplis de curiosité, et c'est cette petite tête blonde qui m'a convaincu de rester. Je savais que j'avais trouvé ma place.

Alors même si j'ai vu certains de ces enfants mourir sous mes yeux quelques années plus tard, j'ai été heureux pendant un temps. La vie et la mort berçaient mon existence comme si de rien n'était et je l'oubliais, c'était ma loi, jamais je ne pensais.

La porte se referme derrière moi et je contemple la minuscule chambre qui m'est attribuée, étroite mais deux lits s'y trouvent. Seul je m'avance et m'assois sur l'un d'eux, les murs sont en pierre gris et les toiles d'araignées occupent les coins, personne ne doit vraiment nettoyer cet endroit. Je soupire lourdement avant de baisser le regard sur mes mains entravées.

Quel esclave se verrait porter de l'or ? Ça n'a aucun sens.

Des bribes de voix me parviennent et je jette un regard vers la toute petite fenêtre, des hommes hurlent, ressemblant à des acclamations je me décide à aller voir.

Je plisse les yeux pour mieux comprendre pourquoi un terrain de combat se trouve si proche du château. il n'est pas très grand mais suffisamment espacé pour qu'on puisse se mouvoir, des gradins en bois l'entourent et certains les occupent. Au centre, deux hommes s'apprêtent à lancer les hostilités, des esclaves si je me fis à leur vêtements déchirés à certains endroits. Ils ne tiennent pas un glaive mais un manche en bois qui ne s'avère pas très dangereux. Lorsque le combat commence, plus d'acclamations se font entendre et une foule accourt pour s'asseoir et observer, d'autres restent debout et s'accoudent contre l'arène en criant des encouragements

Le roi organise des combats d'esclaves.

Si je me souviens bien, les esclaves peuvent avoir toutes sortes de tâches à effectuer : servir, promouvoir du plaisir ou encore se battre. Et si j'en crois la position de ma chambre étrangement proche de l'arène, ce n'est sûrement pas une coïncidence.

Tout se rejoint, le roi nous à en horreur, si il pouvait faire en sorte de nous réduire le plus possible il le ferait sans hésiter. En plus de faire couler notre sang, il divertit son peuple.

Mon corps réagit seul et je recule de quelques pas quand la porte s'ouvre brusquement. En me retournant, un soldat pousse un garçon avec brutalité et referme derrière lui, faisant tourner la clé dans la serrure. Il peste dans son coin, insultant le garde une fois partit avant de poser ses yeux verts sur moi.

Mon regard est attiré vers ses cheveux de feu et je ne peux m'empêcher de le détailler, voulant comprendre si c'est bel et bien un combattant. Il me dépasse de peu mais sa corpulence est plus large que la mienne.

- Je t'en prie ne te gène pas. Dit-il sur un ton moqueur.

Je relève lentement le regard et le plante dans le sien, dévisageant la manière dont il mord l'intérieur de ses joues. Il me détaille à son tour et s'installe nonchalamment sur son lit. Il retire ses bottes usées et tombe sur le matelas, soupirant de fatigue. Je n'ai pas bougé depuis qu'il est entré, je ne devrais faire confiance à personne dans l'enceinte de ce château. Même si il faisait partie des nôtres, rien ne me confirme qu'il n'a pas changé de camp entre-temps.

Ses yeux s'attardent sur mes entraves et son expression change, passant de l'ennui à l'étonnement. Il se redresse et avance vers moi, son visage maintenant à proximité du mien, il est bien trop proche. Il vacille entre mes deux pupilles en fronçant légèrement des sourcils. Agacé, je pose une main au milieu de son torse et exerce une pression pour l'obliger à s'écarter.

- Je peux savoir ce que tu fais ? Dis-je sur la défensive.

- D'où est-ce que tu viens ?

- En quoi ça te concerne ?

- Tu as des anneaux dorés. Dit-il comme si les mots lui échappaient, trop pressé de connaître ma réponse.

- Et tu n'es pas attaché.

- Personne ne l'est, ça dure seulement un temps.

- Pourquoi est-ce mon cas alors ?

- Je viens de te le dire, ce n'est que temporaire. Tu ne te poses pas la bonne question.

- Laquelle ?

- Qui es-tu pour avoir été enchaîné avec de l'or.

Je ne réponds pas, pense-t-il vraiment que j'ai la réponse ? Je ne sais même pas pourquoi on m'a épargné, ça ne devait pas se terminer de cette façon, je devais mourir en gardant mon honneur. Mais à présent je me sens entièrement dépouillé, comme si on avait voulu m'arracher la dernière chose que je possédais. Je n'ai plus envie de vivre, pas si ça signifie de passer le restant de mes jours entre ces murs.

- Je ne suis personne, tout ça est à cause de ce général qui m'a épargné pour mieux me torturer. Dis-je à voix basse.

- Tu.. Tu es l'esclave d'Ezra Akeran ? Avec un maître d'un rang aussi haut tu n'aurais jamais dû te retrouver avec les gladiateurs, ce n'est pas normal. Dit-il, autant perdu que moi.

Je m'assois sur le bord du lit se trouvant derrière moi et il fait de même avec le sien, nous nous regardons quelques instants et j'ose lui poser la question qui me trotte dans la tête.

- En quoi est-ce que ça consiste, les combats ?

- Chaque mois, un combat à lieu dans l'amphithéâtre de la capitale, il est bien plus grand que notre petite arène d'entraînement. C'est devenu une grande attraction pour tous les citoyens et voyageurs, le roi adore se donner en spectacle. Tu t'en doute c'est le premier qui ressort vivant qui gagne, suite à ça le roi peut t'attribuer un présent. Ça peut être n'importe quoi.

J'hoche la tête, assimilant chaque information. Je vais donc devoir me battre. Mes lèvres s'étirent amèrement et mes paumes s'enfoncent dans la maigre couverture qui recouvre mon lit. Me faire exécuter devant son peuple ne suffisait pas, c'est pour ça qu'il à chuchoter à l'oreille du roi, il lui fallait quelque chose de plus grandiose, de plus noble. Il à besoin de me faire plier genoux sous la douleur d'une lame, je lui ai donné du fil à retordre et il se venge à sa manière.

- Nous devons nous entraîner chaque jour, de l'aurore jusqu'au couché du soleil. Ensuite nous devons servir les nobles lors des repas ou des banquets. Les fêtes organisées par le roi sont de rares moments où nous portons autre chose que ces bouts de tissus, mais il faut encore que notre maître décide de nous y convenir.

Je n'écoute que d'une oreille en cherchant une quelconque solution pour me sortir de là, mais je n'en vois aucune. Ou du moins je n'y arriverais pas tout seul. Je perçois très bien l'atmosphère autour de ces combats, si on perd on meurt, c'est une vraie compétition. Et sans allié, je suis voué à l'échec.

- Je m'appelle Aryan.

Je n'ai pas le choix, il me trahira peut-être mais c'est le seul moyen pour que je puisse m'enfuir et les retrouver, retrouver Nate.

- Emile, content d'avoir un colocataire.

Il me sourit et je réprime le mien. Même si je suis content de ne pas finir isolé de tous, la seule chose qui m'importe est de quitter cet endroit. Et peu importe les sacrifices qui m'attendent.

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𝐋'𝐞́𝐭𝐫𝐞𝐢𝐧𝐭𝐞 𝐝𝐞𝐬 𝐜𝐨𝐧𝐭𝐫𝐚𝐢𝐫𝐞𝐬 {bxb}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant