Bien qu'Issa soit concentré sur la route, une envie irrésistible de se pencher vers Marie et de l'embrasser le traversa. Il dut se ressaisir, se répétant en lui-même :
— Ce n'est que le premier rendez-vous, calm down, man.
Il força un sourire, cherchant à dissimuler la tension qui s'était installée en lui. Ce n'était pas son style de précipiter les choses.
— Prête pour une petite aventure ? demanda-t-il d'une voix plus assurée, une étincelle d'excitation dans les yeux.
— J'adore l'idée ! s'exclama Marie, son sourire illuminant son visage, ses yeux pétillant d'une énergie contagieuse.
Ils descendirent de la voiture, et alors qu'ils marchaient vers la chaloupe amarrée, l'air marin caressant leurs visages, Issa sentit que c'était le bon moment pour aborder un sujet plus sérieux. Il voulait aller au-delà des plaisanteries et des sourires échangés. Il voulait savoir qui était vraiment cette femme qui l'intriguait tant.
— Alors, dis-moi... Qu'est-ce qui t'a amenée à mettre fin à ta dernière relation ? demanda-t-il avec une prudence calculée.
Marie marqua un temps d'arrêt. Elle ne s'attendait pas à une question aussi directe, mais elle appréciait la sincérité dans la voix d'Issa. Prenant une profonde inspiration, elle répondit : — C'était... compliqué. Elle hésita un instant, cherchant les bons mots. J'étais avec quelqu'un qui ne voyait pas les choses comme moi. J'étais une option pour lui, pas une priorité. J'ai fini par réaliser que je méritais mieux. Ça m'a pris du temps, mais ça m'a ouvert les yeux sur ce que je voulais vraiment.
Issa hocha la tête lentement, ses yeux capturant les siens. — Je comprends... Ça doit être difficile de réaliser ça.
— Ça l'a été, admit-elle, la voix un peu plus tremblante qu'elle ne l'aurait voulu. Mais c'était nécessaire. Je ne voulais plus de demi-mesures.
Il respecta son honnêteté, sentant que cette conversation dépassait le cadre habituel des premiers rendez-vous. Il se rapprocha légèrement d'elle alors qu'ils approchaient de la chaloupe.
— Et maintenant ? demanda-t-il, baissant le ton. Qu'est-ce que tu cherches dans une nouvelle relation ?
Marie s'arrêta un instant, fixant l'horizon, son regard se perdant dans les vagues qui ondulaient doucement.
— Je veux quelqu'un de vrai. Quelqu'un qui sache ce qu'il veut et qui soit prêt à s'investir. Je ne veux plus me perdre dans une relation où je suis constamment en train de me demander où je me situe. Je veux construire quelque chose de solide, de sincère.
— Je comprends... murmura Issa. Il sentit un léger frisson d'appréhension monter en lui. Il se gratta la nuque avant de poser la question qui lui brûlait les lèvres. Et moi ? Qu'attends-tu de moi, exactement ?
Marie tourna lentement la tête vers lui, ses yeux brillant d'une intensité nouvelle. Elle prit un moment pour le regarder, comme si elle cherchait à sonder ses intentions.
— Honnêtement ? dit-elle calmement. Je ne sais pas encore. Elle sourit légèrement pour détendre l'atmosphère. Je veux te connaître, vraiment. J'apprécie notre complicité, mais je ne veux pas me précipiter. On a tout le temps devant nous, non ?
Issa sourit, visiblement soulagé.
— Oui, tu as raison. Je veux aussi avancer à ton rythme. Je ne suis pas là pour jouer, mais je comprends que ça prend du temps.
Marie acquiesça, son visage se détendant un peu plus.
— La communication, c'est essentiel pour moi.
Leurs échanges semblaient les rapprocher à chaque mot prononcé. Alors qu'ils montaient à bord de la chaloupe, un silence confortable s'installa entre eux. Ce n'était pas le genre de silence gênant où l'on cherche désespérément quelque chose à dire. Non, c'était le genre de silence qui laissait place à la réflexion, un moment pour assimiler la profondeur de leur conversation.
Assis l'un à côté de l'autre, Issa la regarda avec une sincérité nouvelle dans les yeux.
— Tu sais, commença-t-il, le ton doux mais ferme, cette journée est vraiment spéciale pour moi. Je pense que si on s'y prend bien, on pourrait construire quelque chose de beau.
Marie le fixa un instant, touchée par la simplicité et la franchise de ses paroles.
— Moi aussi, je le pense.
Un sourire complice éclaira leurs visages. Leurs mains se frôlèrent légèrement, un geste anodin mais chargé de promesses.
Pendant ce temps, à plusieurs kilomètres de là, dans la chambre de Fatoumata, l'ambiance était bien différente. Elle faisait les cent pas, nerveuse, son téléphone à la main. Sa frustration grandissait à chaque seconde qui passait sans nouvelles d'Issa.
— Issa mo badola... murmura-t-elle entre ses dents. Il aurait pu au moins m'envoyer un message pour dire comment ça se passe.
Elle s'arrêta devant la fenêtre, ses doigts tapotant contre le verre. Elle jeta un regard agacé vers son téléphone qui refusait toujours d'émettre la moindre vibration.
— J'espère qu'il n'est pas en train de faire une bêtise, encore. Fatoumata soupira bruyamment. Il peut être tellement borné parfois.
Elle se tourna de nouveau vers son lit, s'y laissa tomber, fixant le plafond, ses pensées virevoltant dans sa tête.
— Allez, Issa, dis-moi que tout va bien.
De retour sur la chaloupe, la mer calme offrait un cadre paisible aux deux nouveaux complices. Le moment semblait suspendu, loin des inquiétudes de Fatoumata. Issa brisa finalement le silence : — Marie, Fatou m'a brièvement parlé de toi, mais j'aimerais que ce soit toi qui te présentes.
Marie sourit légèrement avant de répondre :
— Je m'appelle Marie, comme tu le sais déjà. J'ai 30 ans, et je suis traiteur. Cuisiner, c'est ma passion depuis toute petite. Un jour, j'ai pris le risque de transformer cette passion en métier, et jusqu'ici, je ne regrette rien. C'est mon équilibre. Et toi, qu'est-ce que tu fais dans la vie à part impressionner ta sœur avec tes tenues ?
— Haha, bien joué. Issa ricana. Je suis ingénieur en informatique. Mais contrairement à toi, ce n'est pas ma passion. Mon truc à moi, c'est la musique, être DJ. Mais dans mon milieu, ce n'est pas vraiment bien vu. Alors j'ai choisi un chemin plus stable. Mais bon, en dehors du travail, j'adore passer du temps avec des amis, sortir pour manger... et passer du temps en famille. Le dîner du vendredi chez mes parents, c'est sacré !
— Toi DJ ? s'étonna-t-elle en riant. Nourowoko dé. J'aime ça. Moi aussi, la famille est très importante. Ça me fait plaisir de voir que tu es proche de la tienne.
— Oui, on est une famille soudée, mais parfois... Il hésita avant de continuer. Parfois, c'est un peu envahissant. Ma sœur, par exemple, ne peut pas s'empêcher de s'assurer que tout va bien dans ma vie. Elle est très protectrice, presque trop parfois.
Marie éclata de rire.
— Je comprends, les sœurs peuvent être comme ça. Mais au fond, c'est mignon. Ça montre qu'elle tient à toi.
— C'est vrai, dit Issa en souriant, pensant à Fatoumata. Mais je suis sûr qu'à cet instant précis, elle se demande comment se passe ce rendez-vous.
Marie sourit, amusée.
— Eh bien, j'espère que je ne la décevrai pas, plaisanta-t-elle.
Issa rit doucement.
— Tu fais déjà une excellente impression.
Ils échangèrent un regard complice, leurs cœurs s'allégeant un peu plus à chaque sourire partagé. Leurs conversations légères et sérieuses avaient créé une connexion solide, et alors qu'ils voguaient sur l'eau tranquille, chacun se surprit à penser que cette journée pourrait bien marquer le début de quelque chose de spécial.
Issa et Marie venaient à peine de poser pied sur le sable doré de l'île de Gorée. Leurs pas étaient lents, rythmés par le clapotis des vagues. L'air marin, chargé de l'odeur du sel et de l'iode, caressait leurs visages. L'île, avec ses bâtiments colorés et ses ruelles pavées, semblait figée dans le temps, offrant une parenthèse de tranquillité loin du brouhaha de Dakar.
— C'est tellement beau ici... souffla Marie, ses yeux scrutant l'horizon.
— Oui, ici, on dirait que tout ralentit, répondit Issa en esquissant un sourire.
Ils marchèrent un peu plus loin, leurs pieds s'enfonçant dans le sable chaud, jusqu'à une petite zone où des tentes étaient disponibles à la location. Une fois la tente louée et installée, ils s'assirent, prêts à profiter de l'après-midi. Mais leur moment de répit fut rapidement interrompu par l'arrivée d'une bande de vendeurs ambulants, qui, comme toujours, surgissaient de nulle part. Les plus audacieux, portant des étals entiers sur leurs épaules, s'approchèrent d'eux en exhibant leurs articles : bracelets, colliers, et autres babioles colorées.
L'un d'eux, plus insistant que les autres, s'avança avec une rose rouge à la main.
— Allez dieudale ko madame, mériter nako dé ! déclara-t-il en souriant largement, son regard pétillant d'enthousiasme.
Issa et Marie échangèrent un regard amusé mais légèrement gêné. Le sourire en coin de Marie traduisait une certaine gêne, bien que la situation ait son petit côté cocasse. Elle leva les yeux vers Issa, comme pour vérifier comment il allait réagir.
— On n'est pas en couple, murmura-t-elle avec un rire discret.
Le vendeur, cependant, ne lâcha pas l'affaire. Il continuait de les suivre, la rose en avant, insistant sur le fait que Marie méritait bien un tel cadeau. Issa soupira et passa une main dans ses cheveux, l'air un peu désespéré par la persistance du marchand.
— Allez ! Sa madame doit bien mériter une belle rose comme celle-ci, insista le vendeur, son sourire indéfectible.
Ne voyant pas comment se défaire de lui, Issa finit par céder. Il sortit un billet de sa poche et le tendit au vendeur, qui déposa la rose dans sa main avec un grand sourire satisfait.
— Ouf, il est persévérant hein, dit Issa en riant.
Marie prit la rose des mains d'Issa, son sourire taquin ne quittant pas son visage.
— Très persévérant, mais sans lui je n'aurais pas eu de fleur aujourd'hui, plaisanta-t-elle avant de porter la rose à son nez pour en sentir le parfum.
Issa secoua la tête, amusé par la situation. Même dans l'imprévu, Marie arrivait à voir le côté positif...
Pendant ce temps, à Dakar, Fatoumata était assise dans le salon avec leur mère. Elles savouraient un thé tout en discutant. Le sujet principal de la conversation, une fois de plus, était Marie. Fatoumata ne pouvait s'empêcher de parler de cette jeune femme qu'elle appréciait tant pour son attitude et son authenticité. Elle sortit son téléphone et montra encore une fois la photo de Marie à sa mère.
— Non seulement elle est jolie, mais en plus dafa dioulité, lou rare de nos jours, insista Fatoumata en faisant défiler les photos sur son écran.
Sa mère haussa les sourcils, observant l'image avec un intérêt grandissant.
— J'espère que ton frère saura se comporter en vrai gentleman avec elle, dit-elle d'une voix douce. Je sais que dangua kham kou bakh, so ni qu'elle est bien rek, je te crois et te fais confiance.
Fatoumata hocha la tête, mais remarqua une certaine tension dans le regard de sa mère. Elle semblait préoccupée, le regard perdu dans ses pensées.
— Ma, lou khew ? demanda Fatoumata, sa voix empreinte de curiosité et d'inquiétude.
Sa mère soupira doucement avant de répondre, ses yeux toujours fixés au loin.
— J'espère que ton frère légui bayina yimou done def USA rek, murmura-t-elle, sa voix remplie de craintes non formulées.
Fatoumata fronça les sourcils, touchée par l'inquiétude de sa mère. Elle posa doucement sa main sur celle de sa mère pour la rassurer.
— Ah, dofoul dé, répliqua-t-elle avec une certitude tranquille. Issa est plus mature maintenant, il a changé depuis qu'il est revenu. Il a appris de ses erreurs.
Mais, malgré sa propre conviction, une ombre de doute traversa l'esprit de Fatoumata. Elle espérait sincèrement que son frère avait vraiment changé.
Sa mère la regarda, son regard était rempli d'une sage inquiétude, celle d'une mère qui sait que le cœur humain est parfois imprévisible.
— J'espère que tu as raison, ma fille, murmura-t-elle, avant de poser doucement sa tasse sur la table.
Un silence pesant s'installa entre elles, toutes deux pensant à Issa, espérant qu'il saurait naviguer entre ses désirs et ses responsabilités...
*Image générée artificiellement
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La Femme de ma Famille
Historia CortaIssa, un jeune homme ayant vécu des années aux États-Unis, retourne au bercail. Sa mère, désireuse de le voir s'établir et convaincue qu'une relation stable l'aidera à changer, s'acharne à lui présenter plusieurs femmes. Malheureusement, toutes ses...