08. Les seules choses qui ne me quitteront jamais.

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La faim me creuse l'estomac. Mon esprit est embrumé. Je me relève de mon troisième malaise, la peur au ventre. Ma tête tourne, je manque une nouvelle fois de tomber sur le sol.

Où est passé mon père ? Le champ n'est plus entretenu depuis déjà quelques jours, les dettes s'entassent, et mes réserves de nourriture commencent à manquer.

« Je reviens, cela ne sera pas long. Prend soin de toi, ma puce.»

Mon père n'avait jamais de mal à tenir ses promesses, je commençais à douter que ses paroles en soit une. Où est-il ? Je ne peux pas vivre sans lui.
Quelqu'un toque à la porte de notre vieille grange. Je me m'avance péniblement, la vision trouble, se teintant de noir. Je manque de fer. Le vieux plancher grince sous mon poids.
J'ouvre la porte, les paupières tombantes.

Colombine Brinebeau, n'est-ce-pas ?

Certainement. Qui êtes-vous ? Demandais-je, les sens réveillés.

Général Brown, Mademoiselle.

Le Général laisse passer un silence, s'attendant sans doute à ce que je le reconnaisse. Hors, ce n'est pas le cas. J'étudie minutieusement les caractéristiques physiques de cet homme. Un visage rond, bourré de graisse, des cheveux noirs, d'où s'échapper de petits cheveux plus clairs, une bouche rosée et pulpeuse, et des yeux noisettes. Il portait une combinaison d'un vert foncé, parsemé de poches dissimulées ici et là. Des nombreux badges étaient brodés sur sa poitrine. Un militaire, donc. J'apercevais plusieurs autres hommes de même tenue, patienter dans son dos, le visage sérieux.
Je pouvais confirmer que je ne le connaissais pas.

Le Général a sorti un petit paquet d'une de ses nombreuses poches, et me l'a tendu en baissant respectueusement la tête.
J'ai empoigné le paquet, en dénouant lentement le cordon. J'ai laissé échapper un cris d'effroi.

Mes condoléances, murmure le Général, la tête enfoncée dans sa poitrine.

Les larmes dévalent mes joues. Le silence plane. Oh non. Oh non. S'il-vous-plaît non... non. C'est impossible...

J'ai le regret de vous annoncer que votre grange nous appartient désormais. Votre père avait bien trop de dettes, chuchote Brown, en posant son bras sur le mien.

Un frisson de dégoût me parcourt l'échine. Je ne sais pas comment réagir. Où vais-je aller ? Quelle vie vais-je mener désormais ?

Laissez moi quelques instants, murmurais-je.

Le Général hoche la tête, avec une expression faussement compréhensive.

Autant qu'il vous en faudra.

Je me détourne de lui, en leur ferme la porte au nez.

***

Les mains posées sur le meuble de bois, le regard planté dans la glace en face de moi, j'observe le reflet de cette jeune femme si mal en point.
Mon reflet me parvenait affreux: mes cheveux bruns trempés de sueur, mes yeux dénués d'éclat, fatigués, mes avant-bras couverts de cicatrices. Je ne ressemblais à rien.

Mes coudes se sont mis à trembler et mes genoux ont flanché sous mon poids.
Je me suis écroulée sur le carrelage de la pièce. J'ai vaguement porté mon regard sur la porte close, vérifiant qu'elle soit bien fermée.
Ma tête tournait, la colère m'a envahie.

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