04. Jaune soleil

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— Deux semaines plus tard —

Le monde fait silence autour de moi. Je ne parviens pas à savoir s'ils sont heureux ou ennuyés de me voir partir.

Après la nouvelle de mon mariage sous-contrat, ma tantine et Sullivan m'ont laissée près de deux semaines pour m'acclimater à la nouvelle, chose bien plus simple à ordonner qu'à faire ! Toute cette superficie m'énerve autant que m'attriste. Je suis perdue. Je ne sais plus qui je suis, qui je deviendrais, et pourquoi je vis encore.

Quant à Florid Rian, je suis sans nouvelles de lui. Ce qui est sans doutes bien mieux comme ça. Il s'est comme volatilisé.

Depuis que l'on m'a mise au courant (d'une manière bien fâcheuse, je l'admet), je n'ai plus goût à rien, plus l'impression de vivre. Je me sens prisonnière, enchaînée, comme du temps où j'étais esclave. Tout cela m'empêche de respirer.
C'est comme si mon âme sortait de mon corps pour se moquer de moi et de ce que je deviens.
Quelle ignoble personne je fais. Naïve. Ces femmes t'ont abandonnée, trahie. Ne te relève pas. Meurs. Tu ne mérites rien.
Ma gorge se serre. Je me mord la lèvre, retenant mes larmes à grand peines.

Je passe mes journées assise sur mon balcon, à regarder le soleil se lever et se coucher, sous la pluie ou sous la neige. Je ne parviens pas à à croire tout cela. Que l'on m'achève ! Que fais-je encore debout sur cette terre ?

Tu aurais dû mourrir à la place de Karmen, me crie ma conscience.

Je ne peux m'empêcher de la croire, malgré moi.

Toc. Toc. Toc.

Quelqu'un toque à la baie-vitrée. Je soupire, les yeux clos.

Colombine...

— Mademoiselle Brinebeau, l'ai-je vite coupé, pour bien lui faire comprendre que je ne suis pas d'humeur.

J'ai immédiatement reconnu ce fort accent suédois. Je lève à peine les yeux sur Florid, qui prend place sur le sol, près de moi.
Je sens le regard persistant de Florid, qui m'étudie de la tête aux pieds, se demandant sans doutes ce qu'il fait enchainé à une femme si laide.

Votre délais est écou... commence l'homme, avant que je ne le coupe d'une main sur la bouche.

C'est très agréable de vous entendre prendre la parole, puisque nous ne comprenons absolument aucun mot de ce que vous baragouinez, mentis-je en français parfait, sans même le regarder, le ton empli de rancœur.

La mâchoire de l'homme se contracte et ses sourcils se froncent. Il décale la main brusquement et semble s'enfoncer dans le mur de mécontentement.

S'il n'a pas compris ce que je viens d'énoncer, il a bien senti le sarcasme de ma voix. Il n'est pas idiot.

Le silence s'installe, à mon plus grand bonheur. Je crois que Florid n'ose plus prononcer le moindre mot.

Me détestes-tu ? lancé Florid au bout d'un moment.

C'est très drôle de d'écouter son français approximatif. Je m'éclaircis la voix, mais suis coupée par les rayons du soleil, qui percent l'horizon obscur. L'attention de Florid se redirige immédiatement vers le paysage, qui s'éclaircit peu à peu. Nous savons tout deux que je ne lui répondrais pas.

***

Pour la première fois en deux semaines, je suis descendue aux bains. Ma tantine m'a ordonnée de me laver, afin de faire bonne impression, et que je ne l'humilie pas. J'ai poussé la porte, la mort dans l'âme.

Immédiatement, un grand brouhaha m'est monté aux oreilles. La pièce était bondée, si pleine que j'eu du mal à envisager me baigner ici. J'ai traversé la vapeur, en retirant mes vêtements petit à petit. Je me suis immergée dans une cuve d'eau froide, reculée de toutes celle déjà occupées.

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