05. Domaine d'Oberlaine

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Le son des roues sur les pavés, mêlés du bruit des sabots claquant le sol m'apaisent autant que me terrifient. Mes yeux se baissent sur la robe à peine rosée que m'a confectionnée Agnes. Elle est composée d'un corset blanc, décoré de dentelles, et de manches qui m'arrivent à peine aux épaules. Le jupon est un peu plus foncé, et me cache entièrement les jambes, à la demande exaspérante de Sullivan. Qu'il est culoté ! Je ne peux détacher le regard de la merveille qu'a crée Agnes. Elle s'est réellement surpassé, et dépasse de loin mes minces attentes.

Après trois jours de voyage en calèche, Florid Rian m'annonce lassement notre arrivée au Manoir, qui, semble-t-il, ne lui appartient pas. Le soleil commence à peine à se coucher, et darde sur nous ses rayons ardents.

Nous sommes sur la propriété du Duc d'Oberlaine, m'informe Sullivan.

Les chevaux s'arrêtent, le cocher descend de son siège, et je le vois du coin de l'œil, s'étirer en grognant de contentement.
Il arrive à m'arracher un léger rictus, qui disparaît rapidement lorsque Florid ouvre grand la porte de la calèche, à la façon d'un gentleman. Je n'aime pas l'homme à laquel je suis liée.
C'est une des choses qui me rendent furieuse contre moi même.

Je n'accepte pas la main qu'il me tend, et descends de la charette sans demander mon reste. J'entends Florid grommeler son mécontentement dans sa barbe.
Je caresse distraitement les chevaux en étudiant le paysage qui s'offre à moi.

Un grand portail de fer m'empêche d'avoir la vision claire, mais je distingue un océan de fleurs et d'arbres qui sévissent derrière le beau et grand portail.
Je crois apercevoir un bout de mur en pierres blanches, dissimulé derrière le feuillage d'un arbre trapu.
Un immense claquement sonore et terrifiant me sort de ma rêverie. La grande porte est ouverte.

J'entends le ricanement moqueur de Sullivan, puis je fais volte-face en traversant lentement le domaine d'Oberlaine. Le chemin qui mène au Manoir me semble s'étendre sur des kilomètres. La terre battue qui le constitue est agréable au toucher. Je crois que je vais apprécier cet endroit, alors même que j'en devient prisonnière.

***

Enfin, j'ai une vue panoramique du Manoir, qui est six fois plus grand que ce que je m'étais autorisée à imaginer.

Le Manoir me fait plus penser à un château, au vu de sa superficie, qui dépasse l'entendement. Les murs sont construits hauts et élégamment, en briques blanches. De grandes fenêtres laissent passer la lumière à l'intérieur du Manoir, illuminant le riche mobilier. Une porte à double battants de bois n'attend qu'à être ouverte et passée. Le toit est à peine visible de là où je me trouve, mais j'aperçois de belles tuiles grises dépasser de la gouttière. Du lierre taillé à la perfection s'enroule un peu partout sur les murs, le décorant élégamment.
Le Duc doit être bien plus riche que son rang ne l'indique.

Florid Rian me bouscule de l'épaule, m'invitant violemment à avancer. Je grince des dents en serrant les poings. En refusant sa main, j'ai du me le mettre à dos. Je suis si frustrée que j'en pleurerais.

Je passe le pas de la porte, en m'attardant sur les battants, sculpté si finement qu'on les prendrait pour des œuvres d'art. J'y passe les doigts, en savourant l'instant.

Plus j'avance à travers le couloir, plus je m'émerveille de la beauté du lieu, qui me fait découvrir un autre monde, bien plus riche et beau que le mien. Ce Manoir réussirait à me rendre casanière. Je m'imagine déjà vivre ici jusqu'à ma mort.

Je baisse les yeux du plafond décoré d'une fresque, et tombe nez à nez avec Florid Rian, qui m'étudie, sourcils froncés. Cet homme me fait réellement peur, autant qu'il m'intrigue. Je décide de ne pas lâcher son regard avant lui, de lui tenir tête. Alors je fronce les sourcils, prends appuis sur mes deux pieds, et lui rend son regard persistant les mains sur les hanches.

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