2. La Valse des Malotrus

Chapitre 3 : L'Éternuement de la Discorde

— Mamie arrive aujourd'hui.

Un livre à la main, Aurore regarda son frère comme si une deuxième tête lui avait poussé. Elle tentait de s'enfuir dans les jardins, pour lire sous le couvert des arbres en cette belle journée, mais se contrariant l'avait intercepté.

— Mamie ? Mais pourquoi ? Les festivités ne débutent que demain !

Il déplia le message entre ses doigts fins, l'air particulièrement tendu. Dans sa tenue fort peu aristocratique, il faisait plus penser au jardinier qu'au noble de naissance. Une chemise blanche ample était rentrée dans un de ses pantalons d'un marron hideux, qui mettait en valeur sa morphologie athlétique. Les fées peuvent-elles être obèses ? Aurore s'était parfois posé la question. En dépit des quantités qu'il pouvait ingurgiter, ce saligaud restait d'une minceur irritante.

— Pour, je cite, « prévenir tout faux pas et la ruine des Millicent ».

— Je me sens visée, là.

— Et moi ? grimaça-t-il. Tu te souviens de la scène qu'elle m'a fait, quand petit j'ai éternué ?

Ah, oui. Souffrant d'allergies à l'époque, il avait éternué en plein milieu d'un repas de famille. Cela avait provoqué l'apparition de ses ailes de fée, créant un scandale de la part de leur grand-mère. Seule la Duchesse avait pu la faire taire.

En fait elle l'avait quasiment jeté dehors.

Mais passons sur les instincts protecteurs de leur mère.

— Ça va être horrible, souffla Aurore. Au plus ça va, au plus ces bals me semblent cauchemardesques.

— Je suis tout à fait d'accord avec toi. Oh, au fait, Erik t'attend pour ta première leçon.

Tiens, cela tombait bien. La jeune femme fourra son livre dans les mains de Florentin, avant de partir d'un pas décidé vers le château. Un entraînement au combat était le bienvenu. Elle avait besoin de se défouler après une nouvelle aussi désastreuse.

— Les Rituels Mortuaires ? Mais c'est quoi cette lecture !?

Elle ignora l'exclamation de son frère. Suite aux événements de la nuit, elle avait décidé de faire quelques recherches sur les morts revenant à la vie de façon malséante. Il y avait dans ces pages profusion de vampires, mais point de cadavres agressifs.

Néanmoins, elle n'abandonnerait pas aussi facilement. Elle devrait simplement se montrer plus prudente avec sa grand-mère dans le château. Ce ne serait pas une mince affaire, pourtant...

— Bonjour, mademoiselle de Millicent.

La voix grave, un brin moqueuse, du Maître d'Armes la tira brusquement de ses réflexions. Les cheveux humides d'un probable bain, une cigarette à la bouche, il était assis sur l'un des coffres de la salle d'entraînement. Avec son sol de bois et ses murs nus, la pièce respirait l'utilité militaire. Une chose pratique pour leur famille. Des râteliers d'armes s'alignaient le long des murs, des rideaux dans le fond permettaient aux dames de se changer à l'abri des regards. Elle se souvint de ses années d'entraînement avec Florentin, avant qu'il n'obtienne son titre de Marquis. Ils s'affrontaient toujours alors, à la façon des humains. Afin de passer inaperçu dans les batailles, puis dans les duels de la vie mondaine. Ils avaient dû préparer son frère à son nouveau titre et leur petite sœur au combat. Aliénor... Elle lui manquait.

— Bonjour, monsieur Erik. J'ai été surprise d'apprendre que vous vouliez déjà me faire la leçon. Vous êtes arrivé hier.

Il haussa les épaules en se relevant. Ah, oui. Une taille et une carrure colossale. Il était plus impressionnant encore que le Duc. Toutefois, son attitude sans menace lui donnait une allure pacifique. Si on oubliait la hache d'hier soir.