~𝑨𝒍𝒍 𝑰𝒔 𝑬𝒑𝒉𝒆𝒎𝒆𝒓𝒂𝒍~ {𝘖𝘣𝘢𝘯𝘢𝘪 𝘟 𝘖𝘤 𝘍𝘦𝘮𝘢𝘭𝘦}

Nine

Obanai

-Grand frère ! Regarde ma robe comme elle est belle !

  Yusumi tournoyait devant moi, laissant son habit vert pastel se soulever au vent. Cette petite fille innocente était ma sœur de 10 ans. Ma seule sœur. Ma seule famille aussi. Je l'aimais plus que tout.

  Non, mes parents ne sont pas morts, non... Je dirais qu'ils vivent plutôt dans leur monde...

  La Famille Royale Anglaise ne peut pas se permettre de vivre comme les autres familles.

  Eh oui, tout ça vous dit quelque chose ? La souveraineté ? La prestance ? Les concessions ? Je connais tout ça. Je n'avais que 14 ans, et pourtant j'ai l'impression d'en avoir vécu 50. J'existais sans vraiment vivre ma vie, l'ombre de moi-même effacé par celle des autres. De mes parents. De ma sœur.

  Ce jour, je m'en rappelle comme si je l'avais revécu des centaines de fois. Je l'avais serré tellement fort dans mes bras car je savais que ça serait la dernière fois que je pourrais être seul avec elle.

  Tout avait été prévu.

  Nous étions partis ensemble dans la Salle de Réception, là où tous nos invités nous attendaient.

  Ils regardaient ma sœur avec une admiration fayote et intéressée qui me dégoûtait au plus au point. C'était moi le plus grand fan de ma sœur. Pas pour son argent, ni son titre.

  Juste parce qu'elle me souriait comme personne ne me souriait jamais.

  Certains me regardaient de travers, ou m'examinaient comme les articles d'un supermarché. J'avais fait l'effort de mettre un costume, pourtant il faisait tâche sur mon corps maigre.

  Tout est compréhensible : elle était majestueuse. J'étais pitoyable.

-Yusumi, ma mère s'extasiait devant elle et la porte dans ses bras. Ma fille ! Viens t'asseoir près de ton oncle. Tu te souviens, c'est lui qui t'a confectionné cette robe. De vrais doigts de fées !

  Je m'asseyais sur un coin sombre des tables puis pouffais dans ma barbe.

  C'était moi qui avait confectionné cette robe.

  Quand cet ordure laissait ses marques et ses blessures sur moi.

-Ne me flattez pas, ma sœur. Ce dernier souriait d'un air tellement faux qui ne fit tiquer que moi. J'ai toujours eu un don pour la couture !

  Non. C'était mon talent. Mes oeuvres. Ça aurait dû être moi là-bas, mangeant avec ma sœur. Je n'aurais pas dû être la brebis galeuse de ma famille. J'aurais dû faire plus attention à ça, à tout ça...

  C'était le seul à me voir. Le seul à s'être un peu intéressé à moi. Il venait jouer avec moi toutes les semaines. Je l'aimais, je l'aimais comme si c'était mon père... Je l'aimais plus que mon père... J'étais tellement fier de pouvoir être de sa famille...

  J'ai vite déchanté quand il avait commencé à abuser de moi. J'avais quoi, 9 ans ? Je ne comprenais pas vraiment la gravité de la situation... Enfin oui je savais que se faire toucher par un membre de sa famille n'était pas normal, mais je ne disais rien. Jusqu'à ce fameux jour où j'ai du assouvir les besoins d'une femme mariée. Elle en avait 35. Elle était consentante. Moi non. Et pourtant quand on a appris qu'elle était enceinte de moi elle a plaidé le viol. Le viol d'un enfant de 9 ans.

  Vous trouvez ça culotté ? Moi aussi. Pourtant elle a eu gain de cause. Je n'ai pas eu de condamnation, vu mon âge et les avocats de mes parents. Mais leur jugement alors qu'ils étaient démunis de toute l'histoire m'avait assez touché.