chapitre 7

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Il y a 13ans
Lilith
TW : Accident de voiture

Je viens tout juste de lui dire, les mots m'ont échappé presque sans que je les réfléchisse, comme un secret qui devait absolument sortir. J'ai dit à maman que j'ai mal partout, que chaque centimètre de mon corps me fait mal comme si quelque chose d'invisible me pinçait ou me cognait sans arrêt. Je n'ai pas osé lui dire combien c'était difficile chaque jour, parce que même moi je ne comprends pas. Est-ce que c'est normal ? Est-ce que tout le monde ressent ça ? Ou est-ce que c'est moi qui ai quelque chose de cassé ?

Au moment où elle a entendu ça, les yeux de maman ont changé. Ils sont devenus plus grands, brillants d'une lueur que je n'ai pas l'habitude de voir. Elle m'a attrapée par la main, fermement mais sans me faire mal, comme si j'étais soudain une chose fragile, un trésor précieux.

— Allez, viens Lilith, on va voir un docteur, tout de suite.

Elle ne me laisse même pas le temps de mettre mes chaussures correctement ; elle est pressée, et ça me fait bizarre de la voir comme ça. En général, elle me dit de faire vite, mais là c'est comme si elle avait encore plus d'urgence que moi. On arrive dehors, et l'air frais me frappe le visage. Elle me guide jusqu'à la voiture, me fait monter à l'arrière, et claque la portière d'un coup sec avant de monter côté conducteur. Je m'assois là, mon sac serré contre moi, en essayant de comprendre ce qui se passe.

Le moteur démarre presque aussitôt, et elle appuie sur l'accélérateur sans attendre, comme si on était en retard quelque part, sauf qu'on n'avait rien prévu. Elle conduit vite, les yeux fixés sur la route, ses mains blanches autour du volant. Moi, je regarde par la vitre, les rues défilent si vite que j'ai un peu le tournis, mais je n'ose rien dire. Je sens la tension qui flotte dans la voiture, une sorte de silence lourd qui m'écrase un peu, comme si parler allait tout briser.

Après un long moment, je prends mon courage à deux mains, et je chuchote presque.

— Maman, tu crois que c'est grave ?

Elle garde les yeux sur la route, ses sourcils froncés comme si elle était en train de réfléchir à quelque chose de très compliqué. Ses mains crispées sur le volant me donnent l'impression qu'elle veut être forte, mais elle a peur elle aussi. J'ai l'impression de voir des petites rides sur son visage, des signes d'inquiétude que je n'avais jamais remarqués avant.

Elle respire profondément, essaie de sourire, mais ce sourire ressemble un peu à un masque, quelque chose qu'on met pour faire croire que tout va bien même si ce n'est pas vrai.

— Non, Lilith, ce n'est sûrement rien... mais on va vérifier, juste au cas où. Tu comprends ?

Je hoche la tête, même si je ne suis pas tout à fait sûre de comprendre. Elle ne dit rien d'autre, alors je me recroqueville un peu sur mon siège, regardant mes genoux, mes mains moites qui se serrent et se desserrent. Le cœur me bat si fort que j'ai l'impression qu'il fait du bruit, un bruit que maman pourrait entendre.

Le trajet me semble durer une éternité, mais peut-être que c'est moi qui suis trop nerveuse. Je me perds dans mes pensées, en repensant aux autres enfants de ma classe. Eux, ils n'ont pas l'air de ressentir ce que je ressens, ils sont toujours en train de courir et de rire sans se plaindre de rien. Est-ce que c'est moi qui ai un problème ? Est-ce que je suis différente, abîmée ?

Assise à l'arrière de la voiture, je serre mon sac contre moi en regardant le paysage défiler si vite qu'il me donne presque le vertige. Les rues, les arbres, les lampadaires illuminés par la nuit, tout passe comme un film. À l'avant, maman garde les yeux fixés sur la route. Le silence devient tellement lourd que je sens que je dois le briser, mais ma voix tremble un peu quand je prends la parole.

Until thenOù les histoires vivent. Découvrez maintenant