Du bout de mes doigts calleux, bien trop écharpés par le roc qu'ils s'efforcent de porter, suintent de légères gouttes d'un nectar qui ne m'est que trop peu cher. Mon âme me quitte à pas d'hommes et de géants, si bien qu'en dépit de mon jeune âge, je rêve la nuit de mon tombeau seulement pour me réveiller la bouche remplie de terre ; mon corps flottant indolemment aux côtés des nénuphars et au coeur des eaux troubles marécageuses, je souris en offrant à l'insu de mon plein gré ma chair aux bestioles fort affamées. Ainsi j'assiste, rempli d'une béatitude incommensurable, à l'enterrement de ma feue personne et creuse six pieds sous terre, dans l'espoir de trouver ne serait-ce qu'une once d'appartenance. Mais je suis fatigué. Fatigué suis-je. Trop... Fatigué. Tellement qu'il m'est devenu impossible de larmoyer étant donné que les gouttes glissant sur mes joues pèsent des tonnes. Tellement qu'il m'est inconcevable de ressentir autre chose que de la haine, du dégoût et par moments une certaine sensation de nostalgie quelque peu saugrenue. Tellement, tellement fatigué que mon piètre cœur de valétudinaire ne se contracte et ne bat pour nulle autre ombre, désireux d'une consolation inassouvie, trépignant d'impatience, me quémandant de le guérir. Ô cœur, comme je désire soulager les affres t'ayant étiolé ! Comme je brûle d'envie de nous soigner ! Mais j'en suis incapable, pardonne moi je t'en conjure. Ce malheur d'esprit m'exhorte à enfanter toutes sortes de supercheries. Ô cœur, je te comprends. Tes amis t'ont abandonné, ta famille te renie, ton créateur t'est inconnu, perdu dans les tréfonds et les abysses, moi-même, Ô cœur, pardonne le moi, moi-même t'ai trahi. Comment ai-je pu ? Comprends moi, longtemps ai-je voulu appartenir, malgré tes conseils, malgré tes avertissements, j'ai désiré, Ô coeur, j'ai désiré être un autre et me méconnaître, oui, me saboter, m'adonner à cette tempête, à cette folie emportant tout ceux m'entourant, mais je ne sais par quel moyen, cet orage ne sut me décontenancer, ne sut me séduire comme il le fait si bien par sa suave mélopée. Cœur, crie ! Crie mais personne ne t'écoute, tend la main pour ressentir la vacuité. Ressens-tu le néant lorsque tu tends la main ? Non, ne pleure pas, cœur ! Reste dans cette piteuse cage que j'ai construite pour toi s'il te plaît, c'est ton seul refuge. Je sais que tu veux te jeter dans les bras d'un Soleil... Je suis conscient du froid t'ayant gelé... Veux-tu te réchauffer, cœur ? Ah! Comme je souffre à l'ouïe de tes sanglots, à la vue de tes états d'âmes moroses et maussades ! Souris coeur, montre moi ton beau sourire. Regarde ce néant, comme nous l'avions fait tant de fois ensemble, et souris. Acceptons-nous, notre destinée, notre solitude, notre nature, notre monstruosité, notre candeur, notre naïveté, notre conscience, notre triste existence et sourions ensemble. Qu'a-t-on si ce n'est l'un et l'autre ? Cœur, sois en conscient à présent, tes proches sont morts, même s'ils te saluent chaque matin, te touchent ou te demandent de leur manifester du réconfort car lorsque tu en réclames, tu te condamnes à te chagriner, de toute façon, tu ne sais que trop bien que tu n'en recevras guère. Coeur, souris à ce mal existentiel. Celui qu'est de n'être apprécié que des défunts n'ayant connu notre monstre. Celui qu'est de savoir, qu'à la dernière expiration, nous ne serons entourés que par les âmes des autres solitaires ayant succombé au crève-cœur. Celui qu'est de savoir que nous sommes remplaçables, et que la nuit, lorsque même les esprits les plus imaginatifs s'encensent, nous ne pénétrons aucun d'entre eux et seront à jamais jetés au bagne, le bagne d'une présence oubliable.
Souris, Ô sublime cœur !
AHMAD MEHDI RKIOUAK ©
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Litanies
PoetryDans Litanies, je vous invite à une traversée sans retour. Ici, il n'y a ni certitudes, ni réponses, seulement des échos, des fragments d'une vérité que l'on cherche sans jamais vraiment atteindre, une tentative de saisir l'intangible et décrire l'i...