𝐑𝐎𝐒𝐄 𝐄𝐍 𝐅𝐄𝐔

𝐂𝐇𝐀𝐏𝐈𝐓𝐑𝐄 : 58

"Les cœurs qui s'aiment trop fort finissent parfois par se blesser sans le vouloir."

Papa et maman se disputaient, comme toujours ces derniers temps, et leur colère résonnait contre les murs qui, autrefois, vibraient des éclats de rire et des histoires murmurées.

Maman parlait fort, trop fort, comme si crier pouvait l'empêcher de s'effondrer.

Papa, lui, restait silencieux, encaissant chaque reproche avec une résignation douloureuse, comme un boxeur fatigué refusant de rendre les coups.

Il ne voulait sans doute pas que l'on entende sa voix brisée, mais je sentais la tension s'insinuer dans chaque recoin de la maison, pesante, suffocante.

Je ne comprenais pas pourquoi ils se déchiraient ainsi.

Je les avais vus s'aimer, tendrement, passionnément.

Comment l'amour pouvait-il devenir une guerre ?

Pourquoi les mots qui avaient un jour construit notre foyer semblaient-ils maintenant le fissurer ?

Et puis, il y avait cette lueur étrange dans les yeux de maman.

Ce n'était pas seulement de la colère. C'était autre chose.

Une peur sourde, cachée derrière ses cris, comme si elle redoutait autant les mots qu'elle lançait que ceux qu'elle taisait.

-Dois-je te rappeler qu'on a des enfants ? La voix de papa s'éleva enfin, grave et tremblante. On ne peut pas continuer comme ça.

Chaque syllabe était un coup porté à mon cœur d'enfant, une cloche résonnant dans la nuit, annonçant un changement que je ne voulais pas comprendre.

Hésitante, les pieds nus sur le sol froid, je fis irruption dans la pièce.

-Papa... soufflais je, encore engourdie de sommeil.

Il tourna la tête vers moi, et aussitôt, sa voix se fit plus douce, comme un chant lointain tentant d'apaiser la tempête.

-Mon trésor...

Il tendit les bras, et sans réfléchir, je courus m'y réfugier.

Son étreinte était chaude, rassurante, un rempart fragile contre l'orage.

Maman, elle, détourna le regard. Comme si elle ne voulait pas que je la voie ainsi, brisée.

-Vous... vous vous disputez... murmurais-je en resserrant mes petits bras autour de lui, cherchant à retenir quelque chose qui semblait vouloir nous échapper.

-Non, mon ange... Sa main caressa doucement mes cheveux. On t'a réveillée ?

J'acquiesçai d'un léger gémissement et enfouis mon visage contre son torse, respirant l'odeur familière de son pull.

Il me porta jusqu'à ma chambre, là où chaque objet racontait une histoire, un souvenir heureux que papa avait pris soin de construire pour moi.

Il me borda avec tendresse, ajustant la couverture sur mon corps frêle.

-Papa... pourquoi maman est en colère ? demandais je d'une voix à peine audible, le cœur serré.

Il marqua une pause.

- Des fois... Les adultes... il commença, mais je savais déjà que les mots qui suivraient seraient trop compliqués pour moi, trop lourds à porter.