Chapitre 4

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VICTORIA

-       Pensez-vous que le fait de potentiellement le revoir vous impacte ? me demande ma psychologue.

    J'hésite entre mentir pour éviter son discours moralisateur sur la mauvaise gestion de mes émotions, et l'impact négatif que cela a sur ma santé. Le problème c'est qu'après deux années, elle commence un peu trop à me connaître. Mes yeux parcourent l'horizon du cabinet à la recherche d'une réponse écrite en rouge sur blanc pour moi, mais rien.

-       Je dirais que cela fait renaître quelques souvenirs en moi, mais je ne pense pas que cela m'importe autant que ça, dis-je évasive.

    Je vois son regard désapprobateur se lever au-dessus de ses lunettes. Je suis démasquée. Elle écrit dans son carnet de psy des phrases dont je ne verrais jamais la couleur, mais qui semble me définir puisqu'elle passe son temps à y rédiger des paragraphes durant nos séances. Sans doute n'a-t-elle jamais vu un cas aussi désespéré que le mien ?

-       Victoria, je pensais que vous et moi avions passé ce cap du mensonge. En toute honnêteté, je crains que vous ne fassiez une rechute. La semaine dernière encore, nous étions en train d'aborder le sentiment d'échec permanent que vous ressentez au sein de votre quotidien. Souhaitez-vous reprendre votre traitement ?

-       Je ne pense pas que cela soit une bonne idée. J'ai l'impression que votre traitement me fait gonfler comme une baleine. J'ai pris 1 kg depuis la dernière fois et mes jeans en 36 se font de plus en plus petits. En plus, je ne vais pas mieux pour autant, je réponds désinvolte.

   Je sais qu'elle n'y est pour rien, que c'est contre moi-même que je suis en colère, mais je ne peux pas m'en empêcher. Je sens les nerfs monter petit à petit, et je préfère prendre les devants.

-       Écoutez, je pense qu'il vaut mieux que je parte. Nous en parlerons à la prochaine séance.

-       Attendez ne....

    Je ne la laisse pas finir sa phrase. Je me lève en récupérant mon sac à main sur le côté de la chaise, ouvre la porte et sors en refermant derrière moi. D'un pas déterminé, je sors de la clinique, ne faisant pas attention à ce qui m'entoure.

   Le bruit, les odeurs, les gens, rien ne parvient à me détourner de ma porte de sortie. Dans ma course contre l'angoisse, je heurte quelque chose, ou quelqu'un. Mon pied se prend dans la béquille d'une fille qui tombe, m'emportant avec elle.

-       Aïe ! Vous auriez pu faire attention ! crie-t-elle vers moi.

   Allongée au sol, la fille que je viens de renverser forme une étoile de mer avec ses membres. J'aperçois le plâtre à son pied, et je me précipite pour l'aider. Je lui tends ma main pour l'aider à se relever, et heureusement pour moi elle accepte la main que je lui tends.

-       Je suis vraiment désolée ! Je n'ai pas fait attention à ce qu'il y avait autour de moi. Je suis désolée, dis-je paniquée.

    J'essaie de reprendre mes esprits, en concentrant mon attention sur la fille qui se remet tant bien que mal sur sa béquille, et qui finalement me sourit.

-       Ne vous en faites pas ! Il y a des choses plus graves dans la vie ! dit une voix dans mon dos.

    Je me retourne, et aperçois un homme avec deux gobelets dans les mains se dirigeant vers moi. Lorsqu'il arrive à notre hauteur, il met sa main sur l'épaule de la fille qui doit être sa copine en veillant à ce qu'elle n'ait rien, puis lui donne un des gobelets. Il finit par se tourner vers moi.

-       Ma sœur ne regarde pas forcément où elle met ses pieds, ne vous en faites pas vous n'êtes pas totalement responsable de sa chute.

    Il me sourit, et je vois ses yeux bleus s'illuminer.

Grey LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant