Chapitre 8

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HÉLIO

   Dans le bus pour rendre visite à ma sœur, je repense à cette soirée, disons... atypique.

    Malgré ma tentative de maîtriser mon imagination, j'admets avoir plus d'une fois compté les possibilités de lien entre Victoria et Roman. Après plusieurs essais, la seule vérité que je tire de mes probabilités est que ce ne serait pas si étonnant qu'ils aient eu une aventure, puisque Roman est un homme remplissant toutes les cases des standards de beauté, et Victoria est, quant à elle, la femme la plus intéressante que j'ai rencontré jusqu'ici.

Pourquoi cela me dérange autant...

   À travers la vitre, la ville offre un paysage de personnes toutes différentes et je me demande si parmi toutes ces femmes qui accompagnent leur copain, mari, ou conjoint, se trouvent des trompeuses ou des menteuses. Remarque : l'un ne va pas sans l'autre.

Mon téléphone vibre dans ma poche, m'obligeant à quitter ma rêverie.-

- Allô ?

- Hélio, où es-tu ? Maman me demande si tu as pu récupérer mes médicaments cet après-midi, et si tu comptes toujours me les amener ! s'inquiète Ava au téléphone.

- Du calme soeurette, je suis en route ne t'en fais pas tu auras tes médicaments, je la rassure.

- Heureusement que tu n'es pas livreur parce que crois moi que je ne te mettrais pas plus de deux étoiles pour la qualité du service !

- Deux étoiles ? Tu ne serais pas un peu radine sur les bords ? J'arrive dans quelques minutes, sois tranquille Ava, à tout à l'heure, je lui dis en raccrochant.

Depuis qu'elle a ses crises d'épilepsie, Ava doit prendre des médicaments tous les jours, sinon elle augmenterait son risque de décès. Ma sœur peut parfois sembler capricieuse, mais m'imaginer sans elle est inconcevable. Elle est celle qui a su trouver les mots au moment où j'en avais le plus besoin. Et même si je sais que mes parents ont toujours été présents pour moi, la relation parent-adolescent est parfois dure à gérer. Surtout pour un garçon en crise comme j'ai pu l'être...

Je dois beaucoup à Ava...

    J'aperçois la station où je dois descendre, et appuie sur le bouton d'arrêt.

  Lorsque je sors du bus, le vent frais me rappelle que l'hiver ne va pas tarder à arriver, et qu'Ava a élu la meilleure saison de l'année celle où Noël est célébré. Je passe devant une épicerie ouverte 24/24, et aperçois la tablette de chocolat préférée d'Ava.

    Loin de moi l'idée de valoriser les pots de vin, mais le chocolat sera sûrement le meilleur médiateur possible à mon retard de ce soir. Je récupère une tablette, et ajoute à cela un paquet de framboises pour ma mère qui adore ça. Comme ça, j'ai deux fois moins de possibilité de passer un sale quart d'heure. Parfait.

***

J'ai à peine le temps de passer la porte de l'appartement qu'Ava me saute dessus laissant tomber ses béquilles.

- Dis-donc toi, j'ai bien l'impression que ta jambe va beaucoup mieux non ? je lui dis en la rattrapant.

Elle aperçoit le tote-bag pendu à mon bras, et devient aussitôt inspecteur gadget.

- Tu as acheté quoi ? dit-elle en sautillant sur sa jambe libre.

- Si tu vas t'asseoir sur le canapé je te montre, petit chimpanzé.

Elle récupère ses béquilles plus vite que je n'ai le temps de récupérer mon souffle, et court s'asseoir sagement. Les filles de quatorze ans sont peut-être des adolescentes pour la société, mais je pense que ma soeur est une exception parce que mis à part ses ongles peints, elle ressemble à une enfant de dix ans.

Laissant mes chaussures dans l'entrée, je la rejoins dans le salon où sont assis mes parents côte à côte. Ils sont la représentation même de ce que je voudrais comme relation.

Ma mère étant la cheffe non nommée de cette maison mais clairement revendiquée, elle est aidée constamment par mon père qui au premier regard semble être froid, mais apparaît comme un papa poule encore plus protecteur que ma mère.

Ensemble ils forment ce que je considère comme une exception dans notre génération de jeunes, où la stabilité, l'honnêteté et l'amour semblent être un critère de recherche rare à trouver.

- Bonjour mon grand, me lance mon père, comment ça va en ce moment à la coloc ?

-Tu ne viens pas beaucoup nous voir. Tu manques beaucoup à ta sœur, dit ma mère.

- À ma sœur ou à toi, maman ? lui dis-je en riant.

- Les deux ! répond ma sœur, depuis que tu es parti, elle n'arrête pas de faire le ménage dans ta chambre, en disant toujours que c'est sale et qu'elle a besoin d'être nettoyée. Mais si tu veux mon avis, elle sent tes caleçons en cachette, ajoute-elle en riant.

- Sale gamine, tu avais promis de garder ta langue, dit ma mère en attrapant Ava avant de lui faire des chatouilles.

Je récupère le sac à mes pieds, et sort le chocolat en le tendant à Ava.

- Tiens pour toi, petit chimpanzé.

Ava attrape la tablette de chocolat, et sautille sur place assise dans le canapé. Les filles..

Je fouille à nouveau et en extirpe le paquet de framboises que je tends cette fois-ci à ma mère.

- Pour toi, maman.

- C'est adorable Hélio. Merci d'avoir pensé à ta pauvre mère qui a besoin de réconfort, dit-elle fort en direction de mon père.

Cette ambiance m'a manqué. Mais je sais que j'apprécie plus leur présence lorsque je ne les vois que quelques heures dans la semaine. Raison pour laquelle j'avais décidé de quitter le logement familial.

Heureusement pour moi, Andrea que je connais depuis le lycée, m'a prévenu qu'une place dans sa colocation se libérait, et comme elle se situe à une trentaine de minutes en transport de chez mes parents, c'était le compromis parfait.

Au départ nous étions tous les deux, puis Roman a emménagé il y a bientôt deux ans avec nous, et depuis nous sommes tous amis.

- Ava, avant que j'oublie, tiens tes médicaments ! je lui tends le paquet restant dans le sac. N'oublie pas de les prendre, et j'irai te chercher les prochains dans la semaine.

Les soins d'Ava coûtent cher, mais sa santé passe avant tout. Voilà pourquoi dès que je peux je donne un coup de main au bar avec Andrea, cela me permet de lui offrir une chance de soulager sa douleur.

En réalité, mes parents gagnent tous les deux bien leur vie, et pourraient tout à fait payer les soins d'Ava, mais j'en fais une affaire personnelle.

Au fond c'est sûrement à cause de moi qu'elle est malade....

***

Grey LoveOù les histoires vivent. Découvrez maintenant