James serrait ma main dans la sienne, la chaleur de son contact m'ancrant dans le moment présent. Sa voix douce mais ferme s'éleva, brisant le silence pesant de la pièce.
« C'est-à-dire que tu t'es complètement évanouie en arrivant devant chez moi. Inquiet, je t'ai amenée à l'hôpital... Ils pensent que c'est parce que tu n'as pas mangé. Tu devrais faire plus attention. »
Je clignai des yeux, essayant de rassembler mes pensées, mais rien ne faisait sens. L'ambulance, l'éclat froid des urgences pédiatriques, le banc, Soul, la roseraie... Tout cela semblait si réel, si tangible, et pourtant j'étais ici, dans cet hôpital blanc et impersonnel. Je sentais l'air frais de la petite chambre m'éclater au visage comme si la seule barrière entre le froid et mon corps était la mince couverture bleu ciel qu'on prête aux patients.
« Mais... comment... » commençai-je, ma voix à peine un souffle.
James m'aida à m'asseoir sur le lit, ses mains glissant derrière mon dos pour me soutenir. Je le regardai, cherchant des réponses dans ses yeux.
« Comment ai-je pu être devant chez toi alors que... que j'étais... ailleurs ? »
Il fronça les sourcils, perplexe, mais avant qu'il ne puisse répondre, un médecin entra dans la pièce. L'homme, un quadragénaire à la mine austère, portait une blouse immaculée et un regard chargé de mépris. Il consulta rapidement le dossier dans ses mains avant de poser ses yeux sur moi, froids et distants.
« Vous êtes enfin réveillée, » dit-il sèchement. Il approcha, sans me laisser le temps de répondre, et commença son examen. Ses gestes étaient mécaniques, dénués de la moindre compassion.
« Écoutez, mademoiselle, si vous tenez vraiment à passer l'arme à gauche, ne plus manger n'est certainement pas la solution la moins douloureuse. Vous pourriez au moins essayer d'être plus subtile. »
Ses mots frappèrent comme une gifle, l'écho de sa voix résonnant dans ma tête. Je sentis mes yeux s'embuer de larmes, ma gorge se nouer sous l'impact de sa cruauté. Je tournai la tête vers James, espérant qu'il dirait quelque chose, mais lui aussi semblait choqué par les paroles du médecin.
« Vous n'avez pas à lui parler comme ça, » finit-il par dire, sa voix pleine de colère.
Le médecin haussa les épaules, indifférent.
« Je fais simplement un constat. Si elle veut se détruire, qu'elle le fasse ailleurs qu'ici. Nos ressources sont limitées. »
Je ne pouvais plus supporter sa présence. Je repoussai la couverture, mes jambes tremblantes sous mon poids, et descendis du lit.
« Avelia, attends ! » s'exclama James, mais je ne pouvais plus l'écouter.
Je sortis en titubant, mes pieds glissant sur le sol froid de l'hôpital. Mon cœur battait à tout rompre, chaque pas m'éloignant un peu plus de cet environnement oppressant. Les regards des infirmiers et des patients dans les couloirs semblaient me transpercer, mais je ne m'arrêtai pas. Je ne voulais plus qu'on me regarde comme une trouble-fête, comme une folle dérangée qui a pour seul objectif que de faire chier son monde. Ce n'est pas moi.
Lorsque je franchis enfin les portes des urgences, une bouffée d'air frais me frappa le visage. J'inspirai profondément, comme si je n'avais pas respiré depuis des heures. Mais l'air ne parvenait pas à chasser le poids dans ma poitrine. Je m'adossai à un mur à l'extérieur, mes jambes cédant sous moi. La tristesse m'envahit, une sensation que je ne connaissais que trop bien. C'était comme une douce copine qui me tenait par la main depuis ma plus tendre enfance. Aussi loin que je me souvienne, elle m'a toujours accompagnée. A l'école, aux anniversaires, à Noël ; jamais elle ne s'en allait pour me laisser un temps soit peu de répit.

VOUS LISEZ
Celles et Ceux
Science FictionUne jeune femme, en quête de stabilité dans sa vie d'adulte, se retrouve perturbée par des trous de mémoire inexplicables. Chaque épisode semble la rapprocher d'une réalité cachée qu'elle peine à comprendre. Un jour, l'odeur d'un parfum familier déc...