Caterina - 13 ans, Italie
— Tu es une bonne à rien. J'ai honte d'avoir eu une fille. Dieu a voulu me punir, tu es faible, Caterina.
Un autre coup. La douleur est insupportable, mais les larmes ne coulent plus. Je suis engourdie. Encore un coup. La ceinture frappe, encore et encore. Le cuir s'abat sur mon dos, sûrement aussi rouge que le sang qui coule à l'intérieur de moi.
Mon père m'apprend « la vie », comme il dit. Parce que j'ai échoué. Encore.
— Tu n'avais qu'une seule chose à faire, une seule, et tu en es incapable. Tu ne me sers à rien. J'aurais dû avoir un fils.
Mon regard est vide, et dans ma tête, je supplie pour que quelqu'un l'arrête. Que tout cela s'arrête. Que les coups ne laissent plus de cicatrices, ni sur mon corps, ni sur mon esprit. J'ai mal, papa, mais pas seulement au dos. Mon cœur saigne.
— Tu aurais dû obéir, petite sotte. Tu aurais dû le tuer. Encore une fois, j'ai dû m'en charger.
La détente, Caterina. J'aurais dû appuyer sur la détente. Mais ces yeux... ces yeux criants et suppliants, je n'ai pas pu. J'avais un homme innocent devant moi, un homme que je devais abattre de sang-froid. Je n'ai pas pu.
Bam. Encore un coup. Combien sont-ils maintenant ? Treize, je crois. Il en reste encore dix-sept.
J'ai mal, papa, mais pas seulement au dos...
Caterina - Présent - États-Unis
Je me réveille en sursaut, haletante, ce souvenir du passé continuant de hanter mes nuits. J'ai l'impression d'étouffer, mais je ne suis plus la gamine faible que j'étais. Je prends une grande inspiration pour me calmer, puis je me lève. Il est cinq heures dix du matin.
SUPER.
Je me dirige machinalement vers la salle de bain. J'ouvre l'eau, me débarrasse de mes vêtements de nuit et m'engouffre rapidement sous la douche. L'eau est chaude. Je monte encore la température. J'ai besoin d'oublier, ne serait-ce que pour un moment. Ça commence à brûler, mais cette douleur n'est rien comparée à celle que je ressens chaque jour.
Nous sommes tous assis autour de la table pour le déjeuner. J'observe Daniela et Matteo du coin de l'œil. Elle se tortille légèrement sur sa chaise, sous le regard amusé de Matteo. Je lève un sourcil, deux options me viennent à l'esprit : soit il la met mal à l'aise et je vais devoir lui arracher un œil, soit ils viennent de s'envoyer en l'air et je n'ai rien vu venir. L'idée me fait sourire.
Je tapote nerveusement sur mon téléphone. Je dois envoyer un message pour confirmer ce stupide rendez-vous que j'ai accepté.
Moi à Juste Will : Salut. Toujours Ok 17h.
Je repose mon téléphone, peut-être un peu trop bruyamment, ce qui attire l'attention de tout le monde.
— Mal dormi, Regina ? — me demande Matteo.
— Ouais, je t'ai entendu ronfler.
Le brun éclate de rire.
— Impossible que j'aie ronflé cette nuit.
— Si, tu ronfles — intervient Daniela.
Je manque de m'étouffer avec mon verre d'eau. Ric, quant à lui, reste silencieux, se contentant de manger calmement. Mon téléphone vibre.
Juste Will à moi : Hey, j'espère que tu vas bien. Encore merci, nous serons là.
*
Je ferme les yeux, inspire profondément, puis sors de la voiture. Une putain de baby-sitter, c'est ce que je suis devenue. Je repère Will devant la façade, accompagné d'une petite blonde, toute menue et frêle, avec une innocence qui me serre le cœur. Elle me rappelle toutes ces filles que j'ai vues tomber tout au long de ma vie.
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Esposito
RomanceSi l'on en croit les histoires sombres, l'homme est toujours le méchant, celui qui emmène la fille innocente dans son monde des plus dangereux. Dans mon cas, c'est moi qui ai entraîné dans ma chute ces hommes qui n'auraient jamais dû tomber. Attenti...