Recommandation musicale : A thousand years de Christina Perri
— Alex ! me suis-je exclamé.
Le garçon a pilé net. Les enfants qui l'accompagnaient se sont figés, les yeux grands ouverts.
Je prends un instant pour l'observer. Ses joues étaient sales et ses boucles couleur blé collaient grassement à son front.
— Iris ! T'es pas morte ?
Son air était si penaud que je n'ai pu m'empêcher de rire. Je me suis avancé et l'ai serré brièvement dans mes bras. Alex s'est crispé un instant avant de se détendre et de répondre à mon étreinte. Il sentait la terre et l'herbe fraiche. Je me suis libéré en riant.
Les enfants m'ont sauté dessus, chacun voulant m'embrasser, me raconter leurs aventures, me demander si j'étais bien réelle.
Je me suis efforcé de ne pas les compter, mais je devais me rendre à l'évidence : ils n'étaient plus que six en comptant Alex.
Je les ai parcourus du regard. Il y avait Amanda et sa tresse auburn, Zéphir et sa peau mate, Calixte, le bavard du groupe et Lise avec ses jolis yeux bridés. Mon sang s'est glacé dans mes veines lorsque j'ai posé le regard sur le dernier enfant. C'était Noé, le petit frère d'Amy. Sa longue frange blonde lui cachait la moitié du regard. J'ai hésité à lui parler du corps de sa sœur. J'ai avalé ma salive avec difficulté, me forçant à répondre à son sourire. Cela pouvait attendre.
— Comment êtes-vous arrivés jusqu'ici ? demande Luz, les yeux brillants.
Alex a entrepris de nous expliquer comment Cassius, agacé de notre retard, les avait envoyés en renfort à la Surface. Ils avaient erré deux jours à la Surface avant de tomber nez à nez sur une jeune femme. Alex avait décidé de la suivre jusqu'à ce repère et depuis, ils tentaient de trouver un moyen de s'y introduire discrètement.
Il ne le dit pas, mais j'ai deviné aisément que Cassius n'espérait plus nous revoir.
— Il plaçait moins d'espoir en la bande des Moustiques qu'en vous trois, mais il faut croire qu'il avait tort. Nous sommes sur la même piste.
Il a croisé les bras et a affiché un air fier. Luz lui a donné un coup de coude pour le faire redescendre.
— La bande des Moustique, ai-je relevé en rigolant. Sérieusement ?
— C'est notre nom, bravache le jeune homme. Je t'aurais bien proposé de faire partie du groupe, mais quelque chose me dit que tu ne valides pas l'idée.
Je me suis efforcé de garder mon sérieux. Mon livre sur les animaux lui aurait évité cette situation ridicule.
— Alex, sais-tu au moins ce qu'est un moustique ?
Il a haussé les épaules, passant une main dans ses boucles pour se donner une contenance.
— Peu importe, a-t-il répliqué d'un ton assuré. Cassius nous a appelés comme ça le jour où il nous a envoyés à la Surface. J'ai trouvé que ça sonnait bien.
Les enfants ont acquiescé en souriant, tous apparemment très fiers de porter le nom d'un insecte suceur de sang aux pattes fragiles. Ne voulant pas les contrarier, je me suis contenté de rigoler.
Le visage d'Alex s'est assombri. Il s'est mordu la lèvre.
— Où... où se trouve Ange ? a-t-il balbutié, redoutant la réponse.
Ayant deviné ses pensées, je me suis empressé de le rassurer. Je lui ai raconté nos aventures.
Nous avons passé quelques minutes à discuter, mettant en commun nos plans respectifs. Étant donné que la principale stratégie des Moustiques était l'improvisation, nous avons décidé de nous rabattre sur le plan de Tarek. Les enfants se sont emballés à l'idée de pouvoir aider à sauver leurs parents, et Luz et moi apprécions la nouvelle compagnie.
Soudain, un sifflement d'oiseau a résonné dans la forêt.
J'ai reconnu le sifflet de Tarek. J'ai fait signe aux enfants de se taire et, chacun brandissant son arme, nous nous sommes approchés silencieusement du chalet. Les arbres semblaient se resserrer autour de nous, nous engloutissant dans leur obscurité oppressante. La tension était palpable dans l'air. J'ai lutté pour stabiliser ma respiration malgré les battements de mon cœur qui résonnaient à mes oreilles.
Un frisson m'a parcouru l'échine lorsque nous sommes arrivés devant la lourde porte en bois du chalet. Devions-nous les prendre par surprise ? Ou bien toquer poliment et négocier la libération de nos familles ?
Sans un mot, Luz s'est approché de la porte, son poignard à la main. Elle a lentement fait pivoter la poignée. La porte a grincé, brisant le silence.
Nous sommes entrés à pas prudent dans une pièce sombre, seulement éclairée par la faible lueur qui se glissait à travers les fissures des volets fermés. Une odeur d'humidité et de pourriture flottait dans l'air, créant une atmosphère suffocante.
— Oui bonjour ?
J'ai sursauté, manquant d'empaler la pauvre Lise sur mon épée. La voix venait de la gauche.
Un vieil homme se tenait derrière un petit bureau, à moitié camouflé par une pile de papier. Il a levé un sourcil.
— C'est pourquoi ? a-t-il demandé, l'air pas plus surpris que ça. Êtes-vous des travailleurs volontaires ?
J'ai décidé d'opter pour l'honnêteté.
— Euh, non... on aimerait bien retrouver nos familles.
Il a hoché la tête et fouillé dans son placard, les mains tremblantes. Le vieillard a récupéré une feuille de papier.
— Très bien. Vos noms ?
J'ai cligné des yeux, interloquée.
— Nos noms ? ai-je répété, pas certaine d'avoir bien entendu.
L'homme s'est contenté de hocher la tête, tapotant nerveusement le bord du bureau du bout des doigts.
— Procédure standard, a-t-il expliqué d'un ton presque las. Je dois vérifier si vos familles figurent dans nos registres.
J'ai échangé un regard avec Luz et Alex. Ce n'était pas du tout ce à quoi je m'attendais. Où étaient les hommes en armes, le Minotaure redoutable et les cachots sombres ?
— Iris Shatner, ai-je fini par lâcher.
Mes amis ont donné leur nom un par un.
— Très bien, a-t-il marmonné en parcourant son registre. Hmmm... Shatner... Ah, oui. Vos parents sont bien ici.
Un poids s'est soulevé de ma poitrine. J'ai senti mes genoux faiblir et je me suis agrippée au bord du bureau. Ils étaient vivants.
— Où sont-ils ? ai-je demandé, la voix plus tremblante que je ne l'aurais voulu.
— Vous ne pouvez pas les voir tout de suite.
J'ai froncé les sourcils.
— Pourquoi ?
Il a soupiré, l'air las.
— Parce qu'ils travaillent. Ici, on ne dérange pas les travailleurs sans l'accord du chef.
— Le chef... Le Minotaure ?
Il a acquiescé. J'ai échangé un regard avec Alex.
— Nous aimerions parler à ce Minotaure, si c'est possible, a expliqué le jeune homme.
— On verra s'il accepte de vous recevoir. Il est en pleine discussion avec un visiteur. Suivez-moi, vous n'avez qu'à passer par les escaliers.
Le vieillard s'est levé avec difficulté, les mains appuyées sur son bureau en bois. Son visage affichait une expression légèrement agacée, comme si nous le dérangions dans son travail.
Il a sorti une grande clé de son trousseau et s'est avancé jusqu'au mur. Au premier regard, je n'ai rien vu. Et puis, je l'ai remarqué. Une porte quasi invisible, dissimulée à travers les lattes de bois.
Les mots de Tarek Davies me sont revenus à l'esprit : "Bien sûr que non, derrière le chalet".

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𝐋𝐚 𝐒𝐮𝐫𝐟𝐚𝐜𝐞
Science FictionIris vit à Subterra, une cité enfouie sous terre dans laquelle son destin est déjà tracé. Tout va changer lorsqu'un groupe de citoyens dont font partie ses parents et son meilleur ami disparait mystérieusement durant la grande Réminiscence. Pour r...