ᏴᎡᏫᏦ-ᎬN(Ꭰ) [TERMINÉ]

~Forty-five

Severus Rogue était mort. Cet homme qu'elle avait côtoyé tant d'années avait péri sous le joug glacial d'un Jedusor au sang maudit. 

Harry avait récupéré ses larmes, Nissy l'accompagnait vers le bureau du directeur où se trouvait, le savait-elle, une pensine. 

Hermione et Ron n'avaient rien dit quant à sa soudaine apparition dans la bataille, sans doute parce que ça n'avait pas été la nouvelle la plus urgente.

-"Attends-moi ici." Il lâcha sa main, s'apprêtant à entrer.

-"Attends."

Il se retourna, la fixa, ne prenant pas la peine de regarder Ron et Hermione s'asseoir côte à côte sur les marches en ruines des escaliers. 

-" Il nous a accordé un repos à condition qu'on te livre." dit Nissy sérieusement. "Il faut qu'on réussisse à monter ça contre lui. On va t'utiliser comme appât et pendant qu'il sera occupé avec toi, je viendrais par derrière pour le tuer."

-"Le tuer ?" demanda-t-il. "Et comment ? Il nous manque un horcruxe."

Elle se pinça les lèvres, réfléchissant. Harry la laissa faire un instant, l'observant calmement ; il aimait ça chez elle, il aimait cette rage de vaincre, il aimait qu'elle n'essaie pas de le protéger mais qu'elle l'utilise au contraire pour arriver à ses fins. Il n'était pas un objet précieux à ses yeux mais une arme qu'elle se devait de bien manier.

Pourrait-il faire de même, l'utiliser en appât pour sauver le monde entier ? Non, sans doute que non. 

-"Je vais chercher le dernier horcruxe pendant que tu regardes les souvenirs de Rogue." Elle tapota son épaule en lui intimant de monter les marches du bureau.

-"Comment peux-tu savoir que le dernier horcruxe est à Poudlard ?" demanda le garçon tandis qu'elle lui tournait déjà le dos. 

Elle se retourna, ses cheveux longs caressant l'air de leur danse sensuelle. 

-"Je le sens, Harry, je sens cette part de lui qui hurle dans l'enceinte de l'école."

Oui, elle arrivait à sentir les horcruxes qui hurlaient pour leurs vies, se sachant menacés. Elle ne les avait jamais senti durant ses années à Poudlard, mais il eut suffit que tout dérape, il eut suffit que l'Elu bouleverse leur équilibre pour qu'ils se mettent à l'appeler. 

Elle plissa le nez, serrant sa baguette et se mit à dévaler les marches pour se dépêcher.

Harry avait oublié ; c'était bête, sans doute, mais il avait oublié à quel point elle était magnifique, même poussiéreuse. Son âme prenait le dessus sur son apparence, si bien qu'elle brillait à ses yeux pour bien plus que seulement ses fossettes ou son sourire d'ange. Ca lui revenait parfois dans des moments bêtes, il se surprenait à se souvenir d'à quel point elle était belle, d'à quel point son apparence seule suffisait à éclairer la pièce. 

Comment avait-elle fait, pour avoir l'apparence d'une déesse et l'âme d'une guerrière ? C'était injuste, parfois, de voir à quel point la vie avait gâté certains. Il eut fallu que la vie contrebalance tous ses avantages en lui donnant une famille maudite et un objectif bien triste. 

Ne méritait-elle pas de vivre ? 

Ne méritait-il pas de vivre ? 

L'enfant sous l'escalier, l'enfant abandonné. 

L'enfant dans une maison en noir et blanc, l'enfant mal aimé. 

L'un avait survécu car ses parents avaient protégé leur petit monde, l'une était née car ses parents voulaient la sacrifier au nom d'une vengeance qu'elle n'avait jamais goûté. 

L'un devait rendre ses parents fiers, l'autre devait rendre ses parents fiers. 

L'un devait sauver le monde, l'autre devait sauver son honneur. 

L'honneur, qu'était-ce que l'honneur ? Qu'était-ce autre que la rancœur d'un cœur qui ne lui appartenait pas, qu'était-ce autre que la haine d'une famille qu'elle n'avait pas choisi d'avoir ? 

Le monde, qu'était-ce que le monde ? Qu'était-ce autre que des inconnus qui ne connaissaient ni son nom ni son histoire, qu'était-ce autre qu'une poignée d'ignares qui attendaient qu'on les sauve en s'endormant le soir ? 

Pourquoi se sacrifier pour sauver le monde alors que le monde ne se sacrifierait pas pour lui, pourquoi se sacrifier pour l'honneur alors que l'honneur doit se trouver dans ce qui la fait sourire ? 

Arrêter de s'oublier pour une prophétie qu'il n'avait pas demandée, arrêter de s'oublier pour un affront qu'elle n'avait pas vécue. 

Vivre, comme deux adolescents attendant le repas du soir. 

Vivre, comme deux amoureux attendant les embrassades du soir. 

Il se devait de vivre pour ses parents qui n'avaient pas pu le voir grandir, pourquoi devait-elle mourir pour des parents qui n'avaient jamais voulu la voir grandir ?

Pourquoi une femme aussi belle qu'elle, une femme aussi pure qu'elle s'était vu fille de deux âmes aussi abjectes ? 

Il aurait tant souhaité lui montrer la beauté du monde au travers de ses lunettes brisées, aurait tant souhaité lui prouver que le monde avait besoin d'elle pour tourner, que le monde n'avait pas besoin de son sacrifice. 

Mais il ne pouvait pas, parce que lui devait se sacrifier. 

Mais lui ne pouvait pas, parce que lui devait absolument la sauver, elle, son monde entier. 

Depuis quand avait-ce changé, depuis quand  il n'arrivait plus à se passer d'elle dans ses pensées ? L'amour, il n'avait jamais cru y avoir droit, lui qui en avait reçu bien trop jusqu'à ce que ses parents en meurent. 

Il descendit une marche, le visage sec après avoir plongé dans la pensine. 

L'amour, il n'avait jamais pensé en recevoir, mais voilà qu'il avait Ron, et Hermione, et tant d'autres. Aimer, il n'avait jamais pensé en être capable, mais voilà qu'il avait détesté cette Gryffondor qu'il croyait superficielle, et qu'il avait fini par l'aimer d'un amour qu'il ne s'était jamais connu. 

Et alors il comprenait son père, il comprenait sa mère. 

-"J'y vais." souffla-t-il la gorge serrée. 

Hermione sut, elle avait toujours su. Elle l'enlaça, gémissant, tirant sur son haut comme pour l'empêcher de partir. 

Il comprenait son père, il comprenait sa mère. 

Alors qu'il marchait dans la nuit, les bras ballants, il comprenait pourquoi ils s'étaient sacrifiés, pourquoi ils s'étaient battus au lieu de se faire discrets. 

Il voulait se battre pour tout ceux qu'il aimait, il voulait mourir pour celle qu'il aimait. 

Il voulait protéger Ron, Hermione, Neville, Ginny, Luna, Georges, il voulait protéger tout ceux à qui il tenait. 

Mais elle, pour elle... pour elle il voulait mourir, pour elle il voulait se tenir droit et fier face à la mort, pour elle il voulait affronter les flammes de l'enfer, pour elle il se tenait face à Voldemort, les mains vides, le regard ferme. 

-"Le garcon qui a survécu." souffla Voldemort.

Comment pouvait-il avoir un lien de parenté avec Nissy ? C'était insensé. Elle était la lumière, il était les ténèbres. 

Harry ferma les yeux, refusant que son dernier souvenir soit ce visage qui le dégoûtait. 

Il sentit la chaleur étouffante du sortilège verdâtre qui s'abattit froidement sur la forêt, et eut une fugace pensée tandis que son corps chutait. 

Il était le dernier horcruxe de Tom Jedusor. 

Nissy avait eu tort sur toute la ligne ; ça n'avait jamais été à elle de se sacrifier. 

Ça avait toujours été à lui.