ᏴᎡᏫᏦ-ᎬN(Ꭰ) [TERMINÉ]

~Thirty-five

Navis avait rencontré Aaron un jour de pluie. 

Les orages grésillaient dans le ciel noir, au-dessus des deux jeunes adolescents qui s'observaient silencieusement. 

-"Je te protègerai." hurla Aaron, pointant sa main sur son torse. 

Navis ne disait rien, observait l'homme qu'elle était destinée à épouser. Sa mère avait tout prévu, Aaron était d'une famille de sang-pur, d'excellents sorciers de père en fils. 

Navis n'avait pas le choix, elle n'était qu'un rouage du mécanisme, n'était que la demi-soeur de celui qui avait décimé toute sa famille. N'étant qu'une sang-mêlé, elle n'était pas assez forte, elle devait se lier avec un sang-pur pour que son descendant puisse les venger. 

Voldemort, le nom que s'était donné son demi-frère, avait tué tous ceux qu'elle aimait alors qu'elle n'était qu'une enfant : son père, Tom Jedusor, son grand-père, sa grand-mère, et meme son chien. Sa mère avait réussi à s'enfuir en la prenant avec elle, mais que pouvait-elle faire ? Navis n'était pas assez puissante pour aller le tuer. Elle devait placer ce fardeau sur les épaules de son héritier. Elle devait trouver un géniteur puissant pour son héritier ; pour l'héritier de sa vengeance. 

Aaron n'avait pas le choix, il devait épouser cette fille qui ne parlait pas. Elle avait ce visage pale et rond, ces cheveux si noir qu'il avait peur que ce ne soit que des abysses profondes, et des yeux de feu, c'était la première chose qu'il avait remarqué. 

Il n'avait pas de grands rêves : terminer l'école, gagner assez d'argent pour vivre confortablement, c'était tout ce qu'il avait toujours demandé. 

Mais voila, la vie pouvait être bien différente. Ses parents lui avaient déjà parlé de cette fille, de celle qu'il devait épouser, mais c'était la première fois qu'il la voyait.  

Elle, porteuse d'un fardeau ? Elle avait les épaules bien trop chétives pour ca. Il soupira, gonflant le torse. 

Il serait celui qui lui donnerait un fils, un fils grand et fort capable de supporter ce poids qu'elle peine à garder. Ils allaient être les grands héros de la nation, allaient sauver le monde du monstre qu'était ce Voldemort. 

Ce fut la première rencontre de Navis et Aaron, avant que cette dernière, pour rester dans l'anonymat à jamais, ne parte faire ses études en France, loin de tous, loin de lui. 

Aaron protégea le secret de Navis durant toute sa scolarité, n'en parla à personne, pas même à son meilleur ami Arthur qu'il aimait tant. 

-"Tu vas voir ta copine ?" Devant les rougeurs de son ami, Aaron eut un rire et ébouriffa ses cheveux. "Vas-y, on se retrouve tout à l'heure pour le diner." 

Il lui donna un coup dans le derrière pour le faire déguerpir au plus vite et ricana, passant ses bras derrière sa nuque d'un air désinvolte. 

C'était leur dernière année. 

Qu'allait-il se passer, après ? 

Aaron n'en était pas certain, mais tout ce qu'il savait était qu'il voulait garder Arthur près de lui. Et Navis, évidemment. 

Elle rentrait de France en juin. Il ne restait que quelques mois avant qu'il ne la revoie, elle hantait ses rêves et ses cauchemars, ils ne s'étaient vu qu'une fois mais elle était restée dans sa mémoire comme un fantôme refusant de quitter le large. Ils s'envoyaient des lettres quelques fois, enfin c'était surtout lui qui parlait de sa vie et elle qui répondait vaguement.

"J'adore ce bo-" 

"J'ai encore eu une note pourrie-"

"Tiens, où est passé-"

Aaron écoutait tout, depuis qu'il avait appris la légilimencie et qu'il l'avait développé lui-meme. C'était un passe-temps, certes, mais aussi une mine d'informations insatiable. 

"J'ai hâte de lui retirer ses vet"

"Quel gros co-"

"Ça alors, si j'avais su qu'il restait un J-"

"Encore du po-"

Aaron fronça les sourcils, revint sur les pensées de l'élève précédent. 

"-franchement, ça a du bon d'être le facteur de Gryffondor. Quand je vais dire à Léolio qu'il reste un membre Jedusor, il va pas en croire ses oreilles ! Comme quoi, c'est vraiment n'importe quoi ce que raconte la Gazette du Sorcier."

Aaron se figea, dans le couloir. Il se tourna, observant chaque personne comme une machine de guerre, s'enfonçant plus profondément dans chacune de leurs pensées pour déterminer à qui appartenait celle qu'il venait d'écouter. 

Là, c'était lui, le garçon aux livres qui quittait le couloir. 

C'était de sa faute, c'est lui qui avait commencé à écrire à Navis en promettant que c'était sûr et que personne ne pourrait lire leurs échanges. Qui aurait cru que le facteur de Gryffondor s'amusait à les ouvrir ? Il pesta, s'en voulant. 

Il ne devait absolument pas le laisser dévoiler le secret. Navis risquait d'être en danger, et il se le refusait, il en allait de leur survie à tous. Navis était la clef, la clef de tout, la clef de la survie du monde, ça les dépassait, ça le dépassait, ça la dépassait. 

Quitte à tuer le monde entier pour le réduire au silence, il protégerait Navis. Il protégerait la génitrice du sauveur du monde. 

Quitte à tuer ce pauvre élève de Poudlard devant les yeux de Arthur. 

Quitte à perdre son meilleur ami pour toujours. 

Quitte à ce que son enfant ne soit pas un garçon. 

Pas un garçon ? 

-"Bonjour, ma chérie."

Aaron eut un tendre sourire, prenant son enfant dans ses bras pour la toute première fois. Il observa son visage endormie, ses tous petits doigts fripés sous son linge de soie.

-"Bonjour, ma Nissy." souffla-t-il en la berçant tendrement.

C'était elle, ce tout petit bout, ce bébé qui était à peine plus grand que sa main ? C'était elle qui était censée devenir l'allégorie de la vengeance, c'était elle qui devait soulever ciel et terre pour porter le fardeau de sa mère ?

Il leva les yeux vers Navis qui venait de donner vie à l'être le plus pur qu'il ait jamais vu. Peut-être espérait-il qu'une part d'elle se sente coupable tout comme lui se sentait coupable. Peut-être espérait-il qu'elle abandonne, qu'elle attende d'avoir un garçon.

Mais il ne vit dans son regard que l'impatience. L'impatience que sa fille grandisse et qu'elle puisse lui apprendre à se battre. L'impatience que ce bébé remplisse son rôle : les venger, tous.

L'impatience que quelqu'un autre qu'elle prenne le fardeau de devoir éliminer celui qui avait déshonorer leur nom. L'impatience que quelqu'un d'autre porte le blame d'un nom tâché de larmes.