~Forty

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Elle ne devait rien regretter. Elle ne pouvait pas regretter.

Il lui laissa encore le bénéfice du doute. Elle était une experte en mensonge, c'était certain.

-"Tu mens." répondit-il alors. "Je le vois dans ton regard, que tu mens, tout comme je le voyais chaque fois que tu me mentais à Poudlard : lorsque tu disais aimer les échecs pour me plaire, lorsque tu prétendais être nulle en potions."

Elle plissa le nez, un réflexe qu'elle détestait alors que lui adorait.

-"Si tu avait été sincère, je t'aurais laissé faire. Je ne veux pas aimer quelqu'un qui n'a pas de but dans la vie. Mais toi, tu me prouves chaque jour le contraire. Tu me prouves chaque jour que tu veux être bien plus que ça."

Il soupira, comme ayant pris une décision qui semblait déterminer le dénouement du monde. 

D'un revers de la main il attrapa le poignet de Nissy et entailla son pouce. 

C'était marrant, elle s'était entraînée pour être plus forte que quiconque, et elle l'était, mais face à lui sa garde était toujours baissée. 

Il entailla son propre pouce et le colla contre celui de Nissy en une fraction de secondes. 

Perdue un instant, elle se détacha immédiatement, les yeux grands ouverts.

-"Qu'est-ce que tu as fait...?" murmura-t-elle, la gorge serrée. 

-"Si j'ai bien suivi les cours de McGonagall, ton sang reste environ deux mois dans mon organisme ? Libre à toi de te tuer, mais sache que tu m'emporteras avec toi désormais."

C'était un pari qu'il était prêt à risquer, et ce parce qu'il savait qu'en réalité il n'allait pas perdre.

Elle serra les dents, sentant cette fois-ci ses larmes rouler sur ses joues sans arriver à les chasser. 

Elle s'avança, dans un accès de rage et le gifla d'une force phénoménale. 

Il la laissa faire, redressant sa tête et elle le prit par le col avant de le pousser violemment contre le mur, laissant un tableau tomber lourdement sur le sol. 

Il la laissa faire, redressant son haut froissé et elle prit son épaule pour le pousser sur le sol, serrant les dents entre ses soubresauts de larmes. 

Il la laissa faire, redressant ses lunettes et elle frappa la table de son pied. 

Ce n'était pas censé se passer ainsi. Toute sa vie, elle n'avait été éduquée que dans l'unique but de se venger de quelque chose qu'elle n'avait jamais vu arriver. Elle n'était que l'arme parfaite de sa mère. 

Elle devait tuer Voldemort. Si elle ne le tuait pas, elle n'avait rien, elle n'avait pas de but, elle ne servait plus à rien. 

Mais si elle tuait Voldemort, elle tuait Harry. 

Il était la seule chose qu'elle s'était autorisée à avoir, malgré l'interdiction de sa mère. Il était la seule personne qu'elle s'était autorisée à aimer. 

Elle ne pouvait pas, la simple idée de lui faire du mal la répulsait, rien que lui crier dessus déchirait son cœur, comment faire, que faire, que choisir, qui choisir ? 

Il avait tout gâché, elle n'était plus rien si elle ne pouvait pas tuer Voldemort, elle n'était qu'une fille parmi les autres, une fille qui n'avait pas de rêves, pas d'avenir. 

Elle se laissa glisser sur le sol, n'arrivant plus à bouger, laissant ses hoquets raisonner dans la pièce, ses larmes rouler en quantité jusque sur le plancher, recouvrant son visage d'un épais masque de glace. 

Harry se releva, s'approchant d'elle sur les genoux pour finalement l'enlacer avec une douceur inébranlable, caressant ses cheveux d'une main tendre et passant l'autre sur le flanc de sa taille. 

Par delà la fenêtre sombre volait un papillon, Nissy ne le voyait pas bien avec ses yeux embués. Ce fut d'abord une ombre brune, il avait des ailes larges, d'un brun pâle ourlé de noir, bordées en dessous d'un feston délicat, presque effacé, comme des dentelles passées à l'eau de pluie. Des tâches blanches, floues, ponctuaient le silence de ses battements.  C'était une femelle Nymphale du Pourpier, qui n'avait rien à faire en Angleterre. Décidement, elle en voyait beaucoup ces temps-ci, des papillons qu'elle n'aurait jamais pensé avoir la chance de croiser. C'était un papillon menteur, qui imitait un papillon toxique pour se protéger, alors que son vol timide et tenace trahissait son innocence. 

Harry sentit finalement, après plusieurs minutes de silence entrecoupé des respirations saccadées de la jeune femme, qu'elle venait de poser son menton sur son épaule avec un désespoir épuisé.  

Il continua à caresser ses cheveux et sa taille, sans rien dire. 

Elle s'était résignée, il le savait. Elle s'était résignée à n'être plus rien, à le sauver lui quitte à ne pas se sauver elle, car elle n'avait plus de vie désormais que sa vie entière venait d'être abandonnée. 

Hermione, accroupie à l'étage près des escaliers, se recroquevilla un peu plus sur elle-même. 

Elle n'avait jamais cru Nissy, elle avait toujours su qu'elle avait approché Harry avec des arrières pensées, avait toujours su que Nissy était étrange, que quelque chose en elle la dérangeait. Nissy Jedusor, Nissy Warz, peu importait, Hermione ne l'aimait pas. 

Mais Nissy n'était plus.
Nissy n'était plus, car Nissy n'était là que pour se venger, elle était le monstre ; le monstre vengeur de sa mère, de son père, n'était qu'une baguette à taille humaine, n'était que le prolongement de la haine. 

Harry voyait bien au-delà, voyait la vérité que Nissy n'était pas prête à accepter. 

Elle n'avait pas une once de noirceur en elle, si ce n'était celle dans laquelle elle s'enfermait pour plaire aux démons qui l'entouraient.

Elle croyait cacher en elle un monstre sous des sourires d'éclat, mais enfouissait plus profondément encore les pleurs de sa pauvre âme. 

ᏴᎡᏫᏦ-ᎬN(Ꭰ) [TERMINÉ]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant