Celui que j'attendais...

-Arrête de t'en faire,Diane,redit mon père en me regardant dans les yeux
Je voulais bien suivre son conseil mais ce n'était pas tous les jours que je m'apprêtais à faire quelque chose hors du commun pour prouver à un garçon qu'il était plus qu'un béguin pour moi.
J'enfoncai mes ongles dans la paume de ma main.
-Et si Joline n'avait pas réussi à le convaincre ? questionnai-je
-Elle te l'aurait déjà dit,ça fait quand même une demi-heure qu'on attend.
-Et si c'était lui qui refusait tout simplement de parler à tous les gens que je connaissais?
Un lent sourire étira les lèvres de mon père.
-Je veux bien croire que tu l'aimes, ce garçon mais si à cause de lui,tu te fais toutes ses idées alors j vais croire qu'il n'en vaut pas la peine.
Alors je lançai à mon père d'un trait:
-Ça fait plus de deux semaines que j'essaie de le contacter,de contacter sa famille et il n'y a rien qui a changé. Il ne m'aime plus,c'est clair. Vous vous êtes tous trompés en pensant que c'était le cas. Et là, si je reste encore une seconde de plus,tous ces gens vont croire que je suis dérangée!
J'attrapai mon manteau,mon foulard que je nouai autour de mon cou, ignorant mon père qui essayait de m'arrêter.
-Diane...
-Papa ,je sais que tu voulais me soutenir et je te remercie infiniment mais Kévin n'est pas fait pour moi. J'ai laissé passer la chance que j'avais de lui dire ce que je ressentais pour lui alors...
-Bon sang!Tais-toi un peu et regarde derrière toi!coupa sèchement mon père
Malgré moi,je me tournai vers l'entrée du Tim Hortons et je vis Kévin qui pénétrait dans la salle suivie d'une Joline excitée. Je me mis à trembler. Je voulais partir. Je savais que ce n'était pas une bonne idée depuis le début,mais encouragée par ma famille,mon amie et son copain pis Troy,j'avais fini par croire que ça l'était.
En voyant le visage fermé de Kévin en ce moment,je me dis qu'il avait toutes les raisons de m'en vouloir. Une simple peur d'aimer,ça pouvait passer mais avoir peur que l.l'autre ait le pouvoir sur nous s'il sait qu'on l'aime,ce n'était plus la même affaire. Je regardais ce beau garçon pour qui mon coeur avait craqué et je m'efforçais de me dire qu'il valait la peine...
-C'est à ton tour, Diane,déclara mon père doucement
Sur ce,il empoigna sa guitare. Troy ,tapi dans un coin jusqu'ici ,me tendit un microphone en me murmurant :
-T'es capable !
Je pris l'objet de sa main en tremblant. Non je n'étais pas capable, pas de ça en tout cas. Je regardai mon père et il me lança un de ces regards d'avertissement comme quand j'étais petite et qu'il ne voulait pas que je fasse quelque chose d'interdit. J'avalai ma salive et il entreprit de jouer les premieres notes de la mélodie. Je regardai les regards qui convergeaient tranquillement vers nous. Et celui de Kévin aussi. Joline me montra son pouce et alla s'asseoir dans une place libre. Alors les paroles de la chanson me montèrent sur les lèvres :
-No,I can't forget this evening or your face when you are leaving but I guess that's just the way the story goes...
Je me laissai entraîner par la mélodie et les paroles glissaient sur ma langue comme l'eau au fond de la gorge. J'allai à la rencontre de Kévin,qui n'avait pas bougé d'un poil de devant la porte d'entrée comme s'il ne comptait pas rester. Je me placai devant lui. Pendant un court instant,je vis quelque chose éclairer son visage et cela me donna la force de lui dire:
-I can't live if living is without you.I can't live,I can't give anymore.I can't live if living is without you.I can't give,I can't give anymore...
De toute ma vie, je n'avais jamais trouvé le courage pour regarder un garçon dans les yeux mais en ce moment ,pendant que j'exprimais mes sentiments à travers cette chanson,je n'avais pas la force d'enlever mes yeux de ceux de Kévin. Mon amour pour lui me poussait à faire des choses incroyables ! La preuve,j'étais dans un Tim Hortons et je chantais devant lui une chanson de Mariah Carey. Si ça,ce n'était pas l'amour alors je ne saurais dire ce que c'était. Je me tus et je laissai mon père donner les dernières notes de la mélodie. J'entendais les applaudissements autour de moi,des hourras mais je ne voyais que Kévin à travers la buée qu'il y'avait dans mes yeux. Lui aussi me regardait et il avait un visage impénétrable. Pourtant ça ne m'arrêta pas.
-J'ai demandé à Joline de t'amener ici,parce que tu ne réponds pas à mes appels et j'avais besoin de te parler.
-À un moment,j'étais disponible mais ça,tu t'en foutais complètement ! riposta t-il en mettant ses mains dans ses poches
Je hochai péniblement la tête et mes larmes redoublèrent.
-Je sais. Je ne suis qu'une peureuse. Je l'accepte. Mais ce n'est pas de ma faute...
Je respirai un moment avant de continuer:
-Ce n'est pas de ma faute si je me protège pour ne pas souffrir après.
-Diane,on a déjà parlé de tout ça et tu connais mon avis. Alors si t'as rien d'autre à ajouter,le mieux est que je parte.
Sans me laisser le temps de comprendre ce qui se passait, il me contourna et poussa la porte d'entrée. Je sentais qu'il m'échappait à nouveau et cette fois,j'étais décidée à ne pas le laisser partir. Je lui lançai alors d'une voix vibrante d'émotions :
-Je t'aime moi aussi,Kévin !
Ceci le cloua sur place. Je m'étais attendu à tout de sa part,de l'étonnement dans ses yeux,ou de l'émerveillement mais,je ne m'attendais pas entendre ce rire faux venant de lui. Ça me glaça le sang. Il se tourna vers moi avec un rictus,et s'approcha dangereusement de moi.
-Tu y vas un peu fort,Diane. Tu ne sais même pas ce que cela veut dire. Ce ne sont pas juste des mots...
-Je sais!criai-je,énervée
Ce fut moi qui séparai la mince distance qu'il y avait entre nous et je lui avouai:
-L'amour,Kévin,c'est quand mon coeur chavire quand il te voit ou quand il entend ta voix. L'amour, c'est ce petit serrement de coeur que je ressens à chaque fois qu'on se quitte,à chaque fois qu'on est plus ensemble. L'amour,c'est quand je rêve d'être avec toi quand je suis seule. L'amour,Kévin,c'est tout ça.
-Qu'essaies-tu de me dire,Diane ?
Soudain, un élan de timidité s'empara de moi. Je baissai mes yeux pleins de larmes sur mes bottes et je marmonnai:
-Tu sais très bien de quoi je parle. Pourquoi t'es aussi dur avec moi?
Lentement,une main douce me prit le menton et força ainsi ma tête à se relever.Mon regard embué rencontra les beaux yeux de Kévin. Miracle!Il me souriait. Avec une telle tendresse que je me sentis fondre. Mon coeur palpita à l'intérieur de ma poitrine.
-Je veux te l'entendre dire,Diane,muramura t-il doucement
Je soupirai malgré moi. Comme si le fait d'avoir gardé ce sentiment au fond de moi pendant tout ce temps était un lourd fardeau et le seul moyen de m'en débarrasser était de l'avouer.
-Je t'aime, Kévin,déclarai-je
Je vis son visage s'éclairer,son tendre sourire s'étirer encore plus.
-Plus que ce garçon-là?
Je souris en sachant qu'il faisait référence à Troy.
-C'est mon ami,rien d'autre. Il m'a aidé à tout organisé pour aujourd'hui. J'ai pas pensé à lui plus qu'à un ami depuis que j'ai fait ta connaissance...
Les lèvres de Kévin sur les miennes et le rapprochement de nos deux corps me coupèrent la parole.
Mon premier baiser! Seigneur! Et j'avais tout un tas de gens qui en étaient témoins. Je ne savais pas comment m'y prendre. Je laissai le contrôle à Kévin et comme je l'avais vu maintes fois dans les films d'amour,je passai mes deux bras autour du cou de Kévin. Je me sentais si bien,collée à lui,sentir son coeur qui battait contre le mien,sentir ce courant qui était notre amour se communiquer de l'un à l'autre. Cette sensation de pur bonheur que je ressentais me poussa alors à croire que le bon,je l'avais trouvé sans l'avoir vraiment cherché.
Quand nos lèvres se séparèrent enfin,Kévin me prit le visage entre ses mains avec un sourire tendre. Je pouvais lire tout l'amour que j'y avais lu la première fois qu'il m'avait dit qu'il m'aimait.
-Tu chantes vraiment très bien.
Gênée, je ris.
-Il fallait que je fasse quelque chose pour te prouver que j'étais capable moi aussi de prendre des risques.
Il me caressa doucement la joue et me dit de façon à ce que je fus la seule à l'entendre:
-Je t'aime,Diane.
Je souris,heureuse. Oui,il valait la peine d'avoir fait tout un spectacle pour lui. Je regardai en arrière de moi avec un sourire et je vis mon père,Troy et Joline qui me souriaient tendrement. Du bout des lèvres,je les remerciai.
-Je pense qu'on s'est assez donnés en spectacle. Ça te dirait d'aller dans un endroit plus tranquille?
Je hochai la tête. Il n'était plus question que je le laisse partir n'importe où sans moi.