Chapitre 4

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Pendant qu’Edward consolait sa fille bien-aimée, Guy rejoignit ses hommes, essayant tant bien que mal de leur cacher sa confusion. Il enfourcha sa monture sans un mot, avant de la lancer subitement au galop. Les soldats le suivirent du mieux qu’ils purent, compte tenu de leur chargement. En effet, si la plus grande partie des taxes récoltées le matin était déjà partie à Nottingham, ce qu’ils transportaient là était le reste.

Gisborne était à la fois triste et en colère : blessé de se faire rejeter par la femme qu’il aimait et furieux qu’elle ait eu l’audace de le repousser une nouvelle fois. Comment Marianne osait-elle se comporter ainsi avec lui ? Il n’était pas n’importe quel homme; il était Messire Guy de Gisborne, le bras droit de l’homme le plus puissant de tout le Comté de Nottingham. Mais s’il était en colère après la jeune femme, il ne pouvait se résoudre à la haïr. Il l’aimait. Il l’aimait tant que cela lui faisait mal de la voir parfois si proche et si lointaine à la fois, mal de voir ses cadeaux refusés, mal d’être sans cesse repoussé.

Parfois, lorsqu’il était dans cet état de frustration, il s’imaginait la posséder contre son gré, lui faisant ainsi chèrement payer la souffrance qu’elle lui infligeait en le rejetant. Mais comme à chaque fois que de telles pensées venaient hanter son esprit, Gisborne les chassa, horrifié par ce que son imaginaire lui suggérait. Non, jamais il ne pourrait faire le moindre mal à Marianne, jamais il ne pourrait la forcer. Il préférait assouvir ses besoins d’une autre manière, même s’il avait la désagréable sensation de lui être infidèle en partageant son lit avec une autre.

Tout à ses pensées, Guy ne se rendit pas compte que ses soldats et lui se trouvaient à présent dans les profondeurs des bois de Sherwood. Il avait fait preuve d’une grande imprudence en s’aventurant dans cette partie de la forêt. Cela faisait un moment déjà que les gardes chuchotaient entre eux, mais aucun n’avait osé s’adresser à Gisborne pour le prévenir du danger qui les guettait. Ils préféraient encore affronter Robin des Bois et sa bande plutôt que faire face à Messire Guy. Ce dernier prit conscience tout à coup dans quelle situation ils se trouvaient. Il se maudit intérieurement de s’être laissé distraire par sa colère. Il s’apprêtait à leur ordonner de faire demi-tour lorsqu’il entendit soudain le sifflement d’une flèche passer à quelques centimètres de son oreille.

- Gisborne ! cria une voix.

Il n’eut pas besoin de tourner la tête pour savoir qui l’appelait ainsi. A une dizaine de mètres de là, en haut d’une pente se tenait Robin, ancien seigneur de Locksley. Il le tenait en ligne de mire de la pointe de sa flèche. Bien que Guy sache pertinemment que le hors-la-loi ne le tuerait pas de sang-froid, il savait également que celui-ci n’hésiterait pas à tirer si sa vie ou celle d’un membre de sa bande était en danger.

D’un rapide coup d’œil, il jaugea leur position. Ses soldats et lui étaient au nombre de six face à autant de hors-la-loi, mais ces derniers avaient l’avantage de la situation en les encerclant.

- Vous allez gentiment laisser tomber vos armes et retourner d’où vous venez. Nous serons heureux de restituer aux villageois ce qui leur appartient. Gisborne, il est inutile de préciser que tout geste malheureux de ta part ou de celle de tes hommes ne ferait qu’empirer les choses, ajouta Robin.

- Je te connais Locksley. Tu es tout sauf un assassin. Jamais tu ne nous abattras de sang-froid, répondit Guy en dégainant son épée avant de la brandir devant lui.

Il n’eut pas le temps de réaliser ce qui se passait. La douleur fulgurante qu’il ressentit tout à coup à la main droite le fit brusquement lâcher son arme, qui tomba à terre dans un bruit sourd. Guy regarda sa main et vit qu’une flèche avait déchiré le gant en cuir qu’il portait, en laissant une entaille sur le dos de celle-ci. La blessure n’était pas profonde, mais du sang commençait à s’en écouler.

Plus que de douleur, Gisborne souffrait de son orgueil blessé. Sans parler du fait que le Shérif allait lui faire payer chèrement la perte de la taxe récoltée, peut-être le ferait‑il même exécuter. Guy se dit qu’il n’avait plus grand chose à perdre. Il sauta de cheval et fit face à son ennemi.

- Je vais ramasser mon épée. Tue-moi si tu es un lâche ou viens prendre ce que tu veux en te battant avec honneur.

- C’est toi qui me parle d’honneur Gisborne ? lui lança Robin en se rapprochant de lui.

Guy commença à regretter de l’avoir provoqué, mais il était trop tard. Il ne quitta pas Robin des yeux tandis qu’il se penchait pour prendre son arme.

- Mais tu as raison, jamais je ne m’abaisserai à tuer un homme désarmé, même s’il s’agit de toi, continua Locksley en laissant tomber son arc et en dégainant son épée.

Un instant plus tard, les deux hommes s’affrontaient. Ils furent aussitôt imités par les autres, les hommes de Robin et les soldats de Gisborne n’attendant qu’un signe pour faire de même. Le lieu fut rapidement transformé en champ de bataille. Tout comme Guy, Robin avait été un soldat et en tant que tel, il était parfaitement formé au maniement de l’épée.

Mais Guy n’avait pas réfléchi suffisamment : si lui-même était prêt à risquer sa vie pour avoir enfin une chance de se débarrasser à tout jamais de son ennemi juré, ses soldat n’étaient pas assez motivés pour l’imiter et accepter de mourir pour un tyran aussi odieux que le Shérif. Dans le combat qui suivit, les hors-la-loi prirent rapidement le dessus et bientôt tous les soldats furent désarmés.

- Il me semble que tu es seul à présent Gisborne, ironisa Robin en cessant le combat.

Guy tourna la tête et put constater que son ennemi disait vrai. Tous ses hommes se trouvaient à présent à la merci des hors-la-loi. Il fut donc forcé de déclarer forfait. Il abaissa son arme, sans toutefois la lâcher. Robin reprit :

- Parfait. Vous pouvez à présent disposer. Je suis dans mes bons jours, vous pouvez rentrer à Nottingham avec vos chevaux, mais sans la taxe naturellement.

Têtes baissées, les soldats remontèrent en selle.

- C’est aussi valable pour toi, ajouta Robin à l’intention de son adversaire.

Guy rengaina son épée et remonta à cheval sans un mot. Lui et ses hommes s’apprêtaient à se remettre en route lorsque Robin l’interpella une dernière fois.

- Au fait, toutes mes amitiés à notre Shérif bien-aimé !

Gisborne n’avait qu’une envie, celle de redescendre de cheval pour faire ravaler ses propos à son ennemi, mais il se retint. Il n’avait nulle envie de subir une nouvelle humiliation. Ravalant sa rage, il fit signe à ses hommes et ils reprirent le chemin de Nottingham, sous les rires de Robin et sa bande. Guy ne desserra pas les dents de tout le trajet de retour. Cette fois-ci, ce n’était pas sur Marianne que son imagination reportait sa colère, mais sur Locksley, à qui il rêvait de faire subir les pires tortures.

De son côté, William Blake avait également eu une journée mouvementée. Mais contrairement à Gisborne, il était pleinement satisfait du déroulement de celle-ci. Tout s’était passé exactement comme il l’avait souhaité. La mission confiée par le Shérif avait été facile à remplir. C’est donc satisfait, un sourire aux lèvres, qu’il fit son entrée dans la grande salle du château. Vaisey était assis à table, en train de dîner. Il interrompit son repas en l’apercevant.

Blake se rapprocha de Vaisey et ce fut sur un ton triomphal mais très calme qu’il lui annonça la nouvelle.

- C’est fait.

A suivre…

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