Pensif, Vaisey se tenait assis à son bureau dans ses appartements, une lettre posée devant lui. Cette simple feuille de papier était la cause de sa mauvaise humeur matinale. Elle lui avait été amenée par un coursier à l’aube. Le Shérif avait à peine fini de lire la missive qu’il s’était précipité chez Gisborne pour déverser sa fureur sur lui.
L’expéditeur de la lettre n’était autre que le Prince Jean lui-même, le frère du Roi Richard. Le Prince avait décidé de lever un nouvel impôt à Nottingham et comptait venir en personne récupérer l’argent. Malheureusement pour le Shérif, les finances de la ville étaient au plus bas, en partie à cause de Robin des Bois. Il voyait mal comment il pouvait taxer davantage le peuple qui était déjà assez pauvre. Le Prince allait être furieux et bien évidemment, c’est Vaisey qui serait en ligne de mire et qui risquerait sa place, et même sa tête.
Debout devant le bureau, Gisborne restait silencieux, les bras croisés. Il n’avait pas soufflé mot pendant que Vaisey lui expliquait la situation. Depuis le temps, il avait compris qu’il valait mieux attendre que la tempête se calme d’elle‑même et c’est donc ce que Guy avait fait. Le Shérif avait à présent fini de déverser toute sa colère et s’était levé.
- Prenez tous les soldats nécessaires avec vous. Je ne veux pas savoir comment vous allez procéder, mais ramenez-moi cet argent.
Etonnamment, Vaisey avait prononcé ces mots d’un ton calme, plat, mais qui néanmoins était très clair. Il ne tolérerait aucun échec de la part de son lieutenant.
- Bien Monseigneur.
Sur ce, Guy prit congé et sortit des appartements du Shérif en se demandant comment il allait bien pouvoir rassembler une telle somme. Il allait devoir faire usage de la force, comme à son habitude. Mais comment allait-il prendre de l’argent à des gens qui n’avaient plus rien, même en les menaçant des pires tortures ?
Dehors, Gisborne ordonna à un palefrenier de seller son cheval et fit signe à une dizaine de gardes armés de l’accompagner. Quelques minutes plus tard, il s’apprêtait à enfourcher sa monture lorsque soudain, il la vit. Elle était là, à quelques mètres de lui. Marianne, la femme qu’il désirait si ardemment venait dans sa direction, montant fièrement en amazone une magnifique jument blanche. Guy se demandait ce qu’elle venait faire au château, car on ne l’y voyait que très rarement, comme si cet endroit lui déplaisait. Mais finalement, peu importait pourquoi, elle était là, plus belle que jamais, portant une robe bleu pâle qui mettait son teint et sa silhouette en valeur, ses cheveux auburn retombant librement sur ses épaules.
De son côté, Marianne venait également d’apercevoir Guy. Elle aurait préféré l’éviter, mais là, il était trop tard. Elle se força à sourire et paraître la plus aimable possible lorsqu’elle arriva à sa hauteur, ne pouvant délibérément passer à côté de lui sans s’arrêter. Il lui tendit les bras, prêt à l’aider à descendre de sa monture. Avec réticence, Marianne le laissa faire et il parut ne pas s’apercevoir que son corps entier s’était crispé lorsqu’il avait posé ses mains autour de sa taille, la soulevant de selle comme si elle ne pesait pas plus qu’une plume.
Troublé par ce contact, Gisborne garda le silence une fois que les pieds de Marianne eurent touché le sol. Il avait encore l’impression de sentir la chaleur de son corps contre ses paumes. Il essaya de se rappeler la dernière fois qu’il avait eu l’audace de la toucher et de l’effet que cela avait produit sur ses sens. Ce fut Marianne qui brisa ce silence en le saluant.
- Messire Guy…
- Marianne… Que nous vaut le plaisir de votre visite ? lui répondit-il dans un souffle rauque, en se penchant légèrement vers elle.