Debout face au mur, la tête baissée, les mains plaquées contre la pierre froide, Gisborne ferma les yeux, persuadé que tout ceci n’était qu’un effroyable cauchemar. Il allait bientôt se réveiller, sa douce Aurore blottie contre lui, la tête nichée au creux de son épaule. Du revers de la main, il lui caresserait délicatement la joue, alors la jeune femme ouvrirait à son tour lentement les yeux. Guy goûterait à nouveau la douceur de ses lèvres avant de lui refaire tendrement l’amour et lui donner du plaisir. Mais la dure réalité reprit vite le dessus et il fut forcé de réaliser que tout cela ne se reproduirait jamais plus. Aurore était la fille de Vaisey de Hamleigh, Shérif du Comté de Nottingham, et en tant que telle, il devait la considérer comme intouchable. Intouchable… Il était déjà trop tard. Gisborne frissonna à l’idée que le Shérif s’aperçoive que non seulement il avait parcouru le corps de sa fille dans les moindres détails, mais qu’en plus, il lui avait également ravi sa virginité.
Guy ne craignait pas pour sa vie, mais pour celle de sa bien-aimée car Vaisey était capable de tout, surtout du pire. Sa bien-aimée… Ces mots claquèrent tel un coup de fouet dans sa tête et une vérité s’imposa brutalement. Si Aurore avait découvert d’amour physique dans ses bras, il venait quant à lui de réaliser ce qu’aimer voulait vraiment dire. Pourtant, ce n’était pas la première fois qu’il chérissait quelqu’un. Jusqu’au soir précédent, il pensait ressentir un amour profond pour Lady Marianne, mais il comprenait dès lors que cela n’avait jamais été le cas. Certes, il éprouvait des sentiments sincères pour la jeune femme, mais il réalisa tout à coup qu’il voyait en Marianne celle qui sauverait son âme torturée et le purifierait de tous ses pêchés. Ce que Gisborne ressentait pour Aurore allait bien au-delà de l’amour charnel et il était intimement persuadé qu’elle partageait cet amour. Il voulait la protéger, la chérir, il tenait à elle plus que tout au monde. Il l’aimait, c’était aussi simple que cela, même s’il était incapable d’en expliquer la raison. Tout d’abord, il lui fallait trouver un moyen de sortir de cette situation mais à cet instant précis, il était incapable de réfléchir à quoi ce que soit. Profondément absorbé dans ses pensées, il n’entendit pas que quelqu’un se rapprochait de lui.
- Messire Guy ?
C’était une voix douce, une voix de jeune femme qui lui était familière, mais il ne bougea cependant pas d’un pouce.
- Guy… Est-ce que vous allez bien ? lui demanda-t-elle, inquiète.
Il sentit à présent qu’une main se posait sur son bras avec bienveillance.
- Guy, parlez-moi, je vous en prie…
Il reconnut à présent la jeune femme et poussa un soupir. Il n’y a pas si longtemps, il aurait tout donné pour l’entendre lui parler ainsi et qu’elle pose ses mains sur lui. Gisborne ouvrit lentement les yeux et tourna la tête vers celle qu’il avait cru tant aimer.
- Marianne…, murmura-t-il dans un souffle.
Il vit l’inquiétude briller dans ses prunelles et se dit qu’il devait montrer une bien triste image de lui-même pour recueillir autant de sollicitude.
- Etes-vous souffrant ? Souhaitez-vous que j’aille chercher de l’aide ?
La main toujours posée sur son bras, Marianne l’observait avec anxiété. Jamais encore elle ne l’avait vu dans cet état. Elle se dit qu’il avait dû recevoir une nouvelle dont la gravité ne faisait aucun doute pour qu’il reste là, sans réaction, alors qu’elle lui prodiguait un geste d’affection. Durant les rares fois où Guy et elle avaient eu un contact physique, elle avait à chaque fois perçu un trouble manifeste de la part du lieutenant. Alors qu’à cet instant, il se tenait là, immobile, sans faire le moindre mouvement. Marianne fut sur le point de rajouter quelque chose lorsque Gisborne sortit de sa torpeur en dégageant doucement le bras de son étreinte, avant de lui faire face.
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