L'amour par intra-veineuse

Chapitre 19: À feu et à sang

On veut bien être méchant, mais on ne veut point être ridicule.
Molière

Eleanor

J'attendais discrètement devant les portes de l'hôpital. C'était ici que travaillait Noah. Même s'il y avait peu de chances de Noah me repère, je n'aurais pas dû me trouver là. C'était trop risqué. Ça faisait des années qu'il ne m'avait pas vue donc il ne me reconnaîtrait sûrement pas. Mais je préférais tout de même faire profil bas. Au cas où.

J'aurais pu rester à l'hôtel, je ne logeais pas très loin. Mais j'étais venue parce qu'il fallait que je sache si Noah avait changé depuis la dernière fois que je l'avais vu. C'était il y a dix ans. Puérilement, j'espérais qu'il était devenu gros et moche. Il y avait très peu de chance que ça se soit produit, mais on pouvait rêver non ? C'était le souhait intime de chaque fille concernant ses ex, en particulier si cet ex avait quitté sa vie avec perte et fracas.

Ca avait été plus fort que moi, mon instinct m'avait guidé jusque devant cette porte d'hôpital. J'avais eu besoin de savoir si la trahison de Noah se reflétait dans ses traits. Je souhaitais de tout mon coeur qu'il ait l'air misérable et qu'il payait chaque jour pour m'avoir laissée seule. J'en doutais pourtant, car il n'avait jamais accordé d'importance à quoi que ce soit. Malheureusement je n'avais appris ça qu'une fois qu'il eut disparu de la circulation. Même mon amour pour lui l'avait laissé de marbre.

Notre rencontre... ou plutôt notre séparation, m'avait métamorphosée. Je n'avais plus rien de la petite fleur fragile que Noah Després avait abandonnée. Je m'était forgée un caractère, des remparts me protégeant de son abandon. Aujourd'hui il avait changé de nom et se faisait Harper. Mais pour moi il restera toujours Noah Després, l'homme qui avait brisé ma vie. À son départ, il n'avait laissé derrière lui que des promesses stupides de mariage et famille... Tous ces serments, il les avaient reniés et je ne savais toujours pas pourquoi.

Depuis dix ans, je me posais les mêmes questions. Que s'était-il passé le 4 novembre 2005 ? Pourquoi avait-il disparu du jour au lendemain ? Pourquoi ne m'avait-il laissé aucune nouvelle ? Je me refusais encore à croire qu'il avait tout plaqué pour de l'argent, certainement par naïveté.

Mon père avait mis des semaines avant de m'avouer ce qu'il s'était vraiment passé ce jour-là. Il avait su que la disparition de Noah me ravagerait. Je ne lui en voulais pas d'avoir attendu pour tout me dire parce qu'il l'avait fait pour me protéger de la vérité.

Mon "presque" fiancé s'était évaporé pendant un casse de banque organisé par l'équipe de bandits de mon père. Ça aurait dû être son ultime coup. Le dernier truc malhonnête avant nos fiançailles. Il me l'avait promis. Après cette suprême mission tout aurait dû tout arrêter. Nous serions devenus des gens normaux, plus des brigands.

Mais rien ne s'était passé comme prévu. Le matin de son départ, Noah m'avait laissé une lettre, dans quelle il me jurait que c'était la toute dernière fois. Il m'avait dit qu'il participait au braquage uniquement pour faire plaisir à mon père et pour s'intégrer. C'était son obsession, l'intégration dans ma famille. C'était stupide, parce que je détestait qu'il participe aux embrouilles de mon père. Je n'avais qu'une envie à l'époque, c'était de nous sortir, Noah et moi, de cette maudite tradition familiale. Personne n'était obligé d'appartenir à la mafia. Je voulais faire ma vie comme je l'entendais : loin de Marseille et de mon père.

J'avais eu envie de façonner cette nouvelle vie avec Noah. De nous créer un chez-nous digne de ce nom et avoir des enfants qui seraient protégés des magouilles de mon paternel. J'aspirais à ce que mes enfants vivent éloignés de la peur de voir leurs parents jetés en prison. Ils ne devaient pas subir ce que mon propre père m'avait imposé pendant toute mon enfance.