Erdorin, c'est donc à la fois le nom que les Eyldar donnent à la Terre et le nom de la période pendant laquelle ces derniers étaient sur Terre. Erdorin, en eyldarin, signifie « arbre-monde »; on y reviendra.
Pour imaginer à quoi ressemblait la Terre à l'époque d'Erdorin, imaginez les Terres du Milieu, mais vues non pas par un conteur, mais par un historien. Ce qui est à peu près le cas, en y repensant.
Il y a donc des Elfes – les Eyldar, donc – et des Humains; il n'y a pas de Nains, ni de Hobbits. Il n'y a pas vraiment d'Orcs non plus, mais il y a les Ylech. Selon la Légende – qui est l'équivalent eyldarin de ce que les Terriens appellent l'Histoire, sans le côté scientifique, parce que c'est chiant – les Ylech étaient un peuple maudit, gouvernés par des Seigneurs noirs, qui cherchaient à détruire l'harmonie entre les « peuples de la Lumière » et qui, au final, ont réussi et plongé le monde dans les Ténèbres, ce qui a conduit aux glaciations et à l'Exil vers les Étoiles.
Ça, c'est ce qu'on raconte aux enfants sages. Et aux autres. À tout le monde, en fait: c'est la réalité officielle.
La réalité pas-officielle-du-tout, c'est que les Ylech étaient eux aussi des Humains et des Eyldar, mais qui rejetaient la tutelle que les Dieux – ou, à tout le moins, des créatures très puissantes se faisant passer pour des dieux – imposaient aux peuples d'Erdorin. En d'autres termes, il s'agissait d'une guerre civile entre religieux et agnostiques.
Les Dieux utilisaient pour cela l'Arbre-monde, un réseau capable de canaliser l'énergie psychique: plus ils étaient vénérés, plus l'Arbre-monde leur acheminait de pouvoir, qu'ils pouvaient redistribuer à leurs plus fidèles serviteurs. Les Ylech, eux, utilisaient des savoirs interdits – entre autres, du génie génétique, pour créer des animaux-armes. Ils cachaient aussi leur visage derrière un masque censé frapper l'imaginaire de leurs adversaires. Entre Ylech et Kelenari – traduction littérale de « peuples de la lumière » – c'était une guerre sans merci où chacun voyait le monstre dans son vis-à-vis.
Évidemment, dans ce genre de situation, rien n'est jamais complètement tranché et un certain nombre de petits royaumes vivaient dans les « marches » des deux blocs ou à l'écart du gros du conflit – l'Europe continentale, plus ou moins. Le royaume de Belisandar était de ceux-ci et Daeithil, pendant ses pérégrinations, rencontra, tomba amoureux puis épousa celui qui, quelques années plus tard, devint le roi Berangorn (deuxième du nom).
En soi, la chose aurait été anodine, si Daeithil avait été une simple Eylwen. Sans aller dans les détails, le couronnement de Berangorn et Daeithil a été le point de départ de la catastrophe qui a résulté dans l'Exil, le départ du plus gros de la population humaine et eyldarin d'Erdorin, vers les étoiles. Sauf pour les dirigeants du royaume de Belisandar, condamnés pour avoir déclenché tout le boxon à rester sur place et affronter les glaces.
Mais, comme mentionné précédemment, ce n'est pas ce que l'histoire officielle raconte. À vrai dire, hormis les Légendes épiques que même un joueur de D&D trouverait abusées, il n'y a pas d'histoire officielle sur cette période. Les dirigeants de l'époque ont tout fait pour cela: purges dans les chroniques familiales, effacement des mémoires à très grande échelle, traque impitoyable des témoins directs, etc. Le tout mené par une société secrète nommée Lorenui.
Lorenui – « ceux qui se souviennent » – a surtout été très active dans la période que l'on appelle la Royauté et qui a immédiatement suivi l'Exil. On cite souvent Hiriel Galadril – oui, celle que Tolkien appelait « Galadriel » – la légendaire première reine des Eyldar, comme sa fondatrice; ce n'est pas inexact, mais elle n'était pas seule. Au cours des quinze millénaires qui ont suivi, Lorenui n'a eu affaire qu'à des cas isolés: académiques trop curieux, familles qui en savaient un peu trop, etc. Les choses se sont compliquées avec l'arrivée des Terriens.
Les Terriens ont ce truc qu'ils appellent « Histoire » avec une majuscule, qui implique des recherches sérieuses, des archives, des sources, des questionnements pénibles et, de façon générale, de mettre son nez là où il ne faut pas. Or, le problème, c'est qu'étant sur Erdorin, ils ont plus ou moins mit le doigt sur des éléments qui ont tendance à péter immédiatement les genoux de la Légende officielle. Oh, bien sûr, les Eyldar ne les prennent en général pas au sérieux: ce sont des lubies de Terriens, ça n'intéresse personne d'autres. Mais, pour Lorenui, c'est de la provocation.
Sauf que si les méthodes de Lorenui fonctionnent encore pas mal avec les Eyldar, elles ont tendance à être contre-productives avec des Terriens. Ces rustres ont un sale caractère et, plus on leur met des bâtons dans les roues, plus ils insistent. Et, au final, ça finit par se voir – et ça, c'est la dernière chose que Lorenui souhaite.
Surtout que ce combat pour préserver le secret d'une histoire de plus de quinze mille ans, officiellement pour préserver l'unité des peuples stellaires et éviter que son évocation ne rattise les flammes d'une guerre civile, peine de plus en plus à convaincre les personne encore actuellement en charge de Lorenui. Parmi ceux-ci, beaucoup ne comprennent plus les enjeux, un certain nombre pense que c'est un gaspillage de ressources et d'autres enfin – parmi lesquels Galadril, toujours en vie – considèrent que c'est un combat perdu d'avance, qui n'a plus de raisons d'être.
Ce qui n'arrête pas un groupe d'irréductibles, prêts à continuer le travail, coûte que coûte!
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Codex diatribii Aliasis
RandomAmis drogués, bonjour! Moi c'est Stéphane Gallay, Alias pour les lecteurs. "Rantbook", ça fait jeune; je ne suis pas jeune. Sauf dans ma tête, où j'ai dix-sept ans. En vrai, j'en ai un peu plus. Donc, un titre en latin, pour faire mon intéressant et...