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Je ne comprenais absolument rien. Je partais en Normandie, avec Ethan. Mais comment était-ce possible ? Comment avait-il imaginé ce voyage ?

Nous étions toujours dans la même position, assit sur la chaise de ma cuisine. Il me dévorait du regard, un sourire démesuré s'affichant sur son visage d'ange.

Quant à moi, ma bouche et mes yeux grands ouverts, j'essayai de comprendre ce qu'il m'arrivait.

- Un voyage d'un peu moins qu'une semaine, rien que tous les deux. Tout est déjà prêt et normalement, ton médecin traitant ne s'oppose en rien à notre détour sur la côte, m'expliqua Ethan.

- Je... je n'arrive pas à y croire. Oh mon Dieu ! Ethan ! On va voir la mer ! Tu... tu imagines ? L'air salé caressant nos visages, et... et... une autre ville que Paris !

Il ria doucement en voyant ma réaction. J'avais en moi ce comportement enfantin lors d'annonces incroyables. Et à présent, je m'extasiai et ne réalisai pas l'énorme preuve d'amour qu'il m'offrait.

- Depuis des années je n'ai pas eu l'opportunité de m'évader d'ici, de marcher dans la mer et de rester sans ma famille. Es-tu certain que ma mère accepte de me laisser sans surveillance ?

- Je suis majeur, pesta t-il.

- Justement ! Elle le sait depuis longtemps ?

- Chérie, ça devient vexant. Je vais bientôt avoir vingt-ans, donc oui.

- Je ne parlais pas de ça. Le voyage. Elle est au courant depuis plusieurs semaines ?

Il acquiesça en pinçant ses lèvres et écarquillant ses yeux.

- Cela fait pas mal de temps que j'y ai pensé. Tu te souviens de notre promenade sur les quais de Seine ?

- Le soir où il y a eu le joueur de flûte ? demandai-je en me remémorant le contraste des émotions de cette journée.

- Oui, ce jour là. Tu m'as parlé de ton envie féroce d'aller voir le littoral. J'en ai parlé quelques jours après à tes parents et, malgré leurs craintes, ils ont pensé que cette semaine te ferait du bien.

Je sentis un nœud se former dans mon ventre. Indirectement, il me faisait comprendre qu'il savait. Il savait, c'était maintenant certain. Je me trouvais ridicule de ne jamais avoir eu la force de lui avouer.

- Papa n'a pas râlé pour payer ? Je veux dire qu'il travaille beaucoup plus ces derniers temps pour essayer d'améliorer mon quotidien, dis-je timidement, le plus bas possible, pour éviter qu'il se concentre sur cette partie de phrase.

- Tes parents n'ont rien à payer.

Je me figeai en l'observant.

- Ethan, non.

- Ma famille n'aura probablement jamais de dettes. J'ai hérité, en plus de cela, il y a peu de temps. J'ai suffisamment d'argent pour te chouchouter pendant des centenaires.

- Je ne vivrai pas autant, ironisai-je tout en réfléchissant à l'idée de vivre des siècles à ses côtés.

Il jouait avec une mèche de mes cheveux courts sans ne rien ajouter. Peut-être regrettait-il sa pointe d'humour.

- Même, dis-je finalement.

- De quoi ?

- Même si ta famille a les moyens, que tu as bien plus d'argent que ce que je pense, ce n'est pas raison. Je n'en vaux pas la peine.

- Tu vas arrêter de te dévaloriser ? demanda t-il avec une moue enfantine.

Je baissai le regard. Je ne me dévalorisais pas. J'essayais tout simplement d'abréger sa souffrance quand mon fil cédera.

Le décompteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant