Belle, Gracieuse et Redoutable. Tome 1

Chapitre 11 - Confessions

La jeune fille aime entendre ce vent dans les arbres, les feuilles se froisser sous une brise presque hivernale. Toujours assise sur la branche, l'écorce rugueuse sous les doigts, elle écoute. Au loin, un animal cherche une clairière pour brouter. Sans doute un petit chevreuil, avec ses pas silencieux qui ne déplacent que très peu de feuilles à chaque fois.

- Qu'est-ce que tu faisais ici ?

Kassia baisse les yeux sur ce pot de colle de Demon, qui la fixe d'un air inquiet.

- Je voulais être seule pour réfléchir. Mais apparemment c'est loupé, tu vois ?

- Quelle mauvaise humeur ! On pourrait discuter tranquillement, eh bien non, tu me reproches de t'avoir suivie.

- Parce que tu n'avais pas à me suivre !

Demon esquisse un sourire. "Cette fille a un de ces caractère !" pense-t-il.

- Kassia, écoute-moi. Je t'en prie, pour une fois, cesse de réagir à chaque mot que je prononce de travers, et écoute-moi jusqu'au bout.

Les yeux de chat se posent sur le garçon, qui ne peut réprimer un petit sourire d'admiration devant la beauté de la créature qui se tient devant lui. Ses cheveux de jais flottent au vent avec légèreté, tandis que ses prunelles le scrutent avec inquiétude.

- Va-y, je ne t'interromprais pas.

- Je trouve que tu te mens à toi-même. D'accord, jusque là tu as réussi à te débrouiller seule, mais maintenant que tu as des alliés, pourquoi ne pas te laisser aller à leur faire confiance ? Je ne parle pas au nom du clan, je parle pour toi. C'est tellement plus simple d'avoir des personnes qui surveillent tes arrières, des personnes qui sont là quand tu en a besoin.

Kassia ferme les yeux. Tout cela, elle le sait, elle l'a toujours su, vivre en groupe est mille fois plus sécurisant que vivre en solitaire.

- Et Zack t'as proposé de t'aider, de vivre avec nous, il fait ça pour ton bien, parce que tu as l'air d'une personne géniale. Et même si cela nous intrigue que tu sois différente, nous l'acceptons. Tu m'écoutes ?

Pour toute réponse, une larme roule sur la joue de la jeune fille. Demon, instinctivement, pose sa main sur celle de la jeune fille. Elle ne réagit plus.

- Kassia ?

Un léger murmure s'échappe des lèvres de la jeune femme, juste assez audible pour Demon.

- Autrefois, j'ai trop fait confiance. J'aimais tous les gens qui m'entouraient, ils comptaient sur moi et je comptais sur eux. Certains arrivaient dans ma vie étrangement, mais je ne m'en préoccupais pas, j'accordais ma confiance à n'importe qui ! Pour moi, tous les gens avaient un bon fond !

Une deuxième perle roule sur sa joue.

- Et puis, quand j'ai compris ce que j'étais... Je l'ai dit à la première personne qui a vu que je n'allais pas bien. Ma meilleure amie, Lara. Elle a eu terriblement peur... Elle a...

Demon sent les doigts de Kassia trembler. Il resserre sa prise sur sa main, comme pour l'encourager à continuer.

- Elle a essayé de me tuer...

Soudain, Demon n'entend plus rien autour de lui. Il se sent comme dans un silence de mort, les mots de Kassia lui pèsent.

- Je ne savais pas quoi faire pour avoir son silence. Et je n'avais personne à ce moment pour m'aider ! Ma transformation, je l'ai passée seule, dans ma salle de bains, à souffrir.

Demon se souvient lui aussi de sa première transformation. Une transformation se résume à cinq jours de torture, où tout l'organisme se transforme, le corps humain laisse place à des organes plus forts, plus résistants, à des muscles plus puissants.

Des questions brûlent les lèvres de Demon "Et tes parents ? Où étaient-ils ? Pourquoi personne ne s'est inquiété pour toi ? Qui savait ce que tu étais ? Personne ne t'avait dit que cela se passerait ainsi ?" mais il garde ses mots pour lui, ne voulant pas interrompre celle qui a tant de mal à se confier.

- Je ne sais pas comment c'est arrivé, mais on l'a retrouvée morte. A partir de ce moment, je me suis enfuie. J'ai tout laissé. Plus personne ne se dressera sur mon chemin, et je ne m'attacherais à personne. J'en ai fait la promesse.

Elle retire sa main de sous celle de Demon, et essuie rapidement ses joues. Avec ce qu'elle vient d'avouer, ils ne croiront jamais qu'elle est aussi innocente qu'elle en avait l'air. Parce que l'histoire semble illogique. Pas besoin d'inspecteur de police pour comprendre que Kassia était la seule personne capable de tuer Lara, celle qui allait la dénoncer. Et pourtant elle ne l'a pas fait. Mais il n'y a rien pour le prouver, à part sa parole.

Elle ne peut plus supporter le regard du jeune homme. Elle a tellement peur d'y voir de la pitié, de la haine, ou du dégoût qu'elle regarde ailleurs. Et puis pourquoi elle a raconté tout ça ? Elle n'a pourtant pas été manipulée ! Pourquoi les mots sont venus alors que les souvenirs refusaient de refaire surface ? Déboussolée, elle comprend que c'est le moment pour prendre la fuite, avant qu'il ne lui demande plus d'information. Elle commence à se relever, mais Demon agrippe son poignet. Elle refuse de croiser son regard, mais, sans un mot, il la force à se rasseoir et le regarder en face.

Elle le regarde et ce qu'elle lit dans ses yeux la bouleverse. Il ne la déteste pas, ne la juge pas. Elle peut voir une infinie tendresse à travers ses prunelles, ce qui la surprend. Il n'allait pas la chasser en croyant qu'elle avait tué une amie, mais il la... soutient ? Kassia ne sais pas quoi penser du jeune homme.

- On dirait que tu as honte de me raconter ça. Pourquoi ?

Tout en se mordant violemment la lèvre pour ne pas pleurer, Kassia regarde en l'air.

- Parce que n'importe qui croirait que j'ai tué mon amie. Et quelqu'un qui tue ses amis n'est pas fréquentable.

- Premièrement, si elle a voulu te dénoncer, te tuer, c'est qu'elle n'était plus ton amie. Et ensuite, moi je te crois.

La surprise remplace l'inquiétude sur le visage de la jeune femme.

- Je sais même pas pourquoi je t'ai dit tout ça.

- Arrêtes de t'interdire de croire en quelqu'un. Par exemple, je te promets que tu pourras toujours compter sur moi.

Kassia refuse de se l'avouer, mais ces mots la rassurent. Elle se sent étrangement bien depuis qu'il les a prononcés.

- Aller viens, je pense que le dîner est prêt.

- Attends, ce que je t'ai dit là, tu...

- C'est entre toi et moi. Les autres n'ont pas à le savoir ?

- Heu... Exactement.

"Tu lis dans mes pensées" a-t-elle envie de rajouter. Un étrange sourire et une sensation de soulagement l'envahissent tandis qu'elle descend de son perchoir.