automne 0.2

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« Bref, reprit-il, cette journée était longue. Et puis, tu me manques aussi. J'avais hâte de venir te voir. Tu sais, j'ai retrouvé ce vieil album photo, celui que nous avions fait la veille de tes quinze ans. Nous avions sillonné la ville et photographié tout un tas de choses, stupides comme merveilleuses. Il y avait la photo du magasin de bonbons que l'on aimait tant, la photo d'une grand-mère, un cliché de ce berger allemand que tu aimais caresser, une de ta mère qui préparait ton gâteau d'anniversaire. J'aime toutes ces photos. Mais il y en a une que je préfère. J'ai demandé à ta mère si je pouvais la prendre. Elle s'est mise à pleurer. Je n'ai pas compris pourquoi. Je l'ai quand même prise. Nous avions séché les cours pour la plage ce vendredi là. Tu es debout face à la mer, les bras et le visage levés vers le ciel d'un bleu dépourvu de nuages et tu souris. Tu as ce sourire lumineux, celui qui fait battre mon cœur depuis toutes ces années, ce sourire qui me donne envie de te serrer contre moi. Pourquoi est-ce que je ne t'ai pas embrassé, ce jour là ? »

Sa question resta sans réponse. La chambre se trouvait désormais plongée dans un noir angoissant. Seule la lueur de la lune éclairait le visage d'Harry, le rendant encore plus pâle, comme un corps dépourvu de vie.

« Veux-tu savoir où j'ai rangé cette photo ? Je l'ai placée dans un cadre en bois bleu, celui que tu m'avais offert il y a deux ans. Tu m'avais dit en riant « Tiens, Horan ! Dans ce cadre, tu pourras mettre l'image de ta nana, du moins, si tu en trouves une un jour »

Les lèvres de Niall s'étirèrent en un sourire.

« C'est ta photo qui s'y trouve, continua-t-il d'une voix tremblante. Si ce cadre est destiné à protéger l'image de la personne que j'aime le plus au monde alors, c'est la tienne qui doit s'y trouver. Ce vendredi particulier restera à jamais gravé dans ma mémoire, Harry. Je me souviens que ce jour là, je me suis dit que tu étais magnifique. Je regrette tellement de choses. Je regrette de ne pas t'avoir serré contre moi, je regrette de ne pas avoir partagé ma serviette de plage avec toi, je regrette de ne pas t'avoir embrassé, je regrette de t'avoir contemplé longuement avec les joues stupidement rouges, je regrette de ne pas t'avoir dit que je t'aimais »

Il reprit son souffle. Trop lourd de remords, son front tomba sur les draps blancs et tièdes. Une odeur médicamenteuse lui monta au nez, lui rappelant cette dure réalité. Il serra un peu plus fort la main d'Harry. Elle était chaude. Les siennes, toujours froides. Le corps du brun était chaud. Il respirait. Il vivait. Il n'était pas mort.

Il se réveillerait.

« Je le dis maintenant, Harry, reprit-il. Je t'aime. Je t'aime depuis toujours. Mais est-ce que ça a encore un sens aujourd'hui ? »

Il sentit comme une faible pression sur son index et il sursauta. Cette pression fut brève, vive, légère et à peine perceptible. Cela lui arrivait souvent, l'impression qu'Harry serrait sa main. Son cœur ne désirait qu'une chose : qu'il se réveille enfin. Dès lors, son cerveau soulageait sa souffrance en lui donnant de faux espoirs. Il rendait la situation encore plus cruelle. Fichu cerveau.

Quelque chose d'humide roula sur ses joues et Niall comprit qu'il pleurait. Larmes de haine et de joie, larmes acides et douloureuses. La haine envers cet alcoolique qui avait renversé Harry cet après-midi d'octobre, un mois après l'anniversaire de Niall.

D'un revers de manche, Niall sécha ses larmes.

« Pardon, susurra-t-il. Je ne veux pas que tu me voies comme ça. Si tu pouvais parler, tu m'insulterais sûrement de crétin ou de femmelette. Accroche-toi. Bat-toi. Reviens en arrière. Écoute ma voix, Harry, je t'en prie. Car depuis que tu as fermé les yeux pour plonger dans un noir infini, c'est mon monde qui est devenu obscure. J'ai besoin de toi alors... fais demi-tour »

Il se redressa pour déposer un doux baiser sur son front.

« Écoute ma voix »

les mots que je n'ai jamais su te dire➳narryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant