Chapitre 2

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L'incendie

Alice partit à la gymnastique – elle y allait souvent car elle préparait un championnat.

Maïa prépara le dîner pour remercier ses parents qui se reposaient dans leur chambre. Elle cuisina disposa des frites sur une plaque qu'elle enfourna, décidant d'attendre avant de cuire les nuggets.

Elle retourna dans le salon, où elle se plongea dans une passionnante lecture. Ainsi, elle n'entendit pas le "bip" qui signala la fin de la cuisson et ne se précipita pas à la cuisine pour éteindre le four, comme à son habitude.

La jeune fille se leva en sentant une désagréable odeur de brûlé qui n'avait pas lieu d'être. Elle entra dans la cuisine et constata que le four avait pris feu. Un torchon était dévoré par les flammes. Maïa voulut les étouffer avec un deuxième chiffon, mais n'obtint pas l'effet escompté. Effectivement, le tissu s'enflamma à son tour et elle le jeta contre le mur pour ne pas se brûler. Résultat, un pan entier de la cuisine s'alluma comme une torche sous ses yeux ébahis.

Qu'ai-je fait ? pensa t-elle. J'ai créé un incendie et j'ai fait brûler ma maison. Et pourquoi je ne brûle pas, ce n'est pas logique ! Que va t-il se passer ? Pourvu qu'Alice ne rentre pas maintenant ! Je ne comprends plus rien !

Et, comble du désastre, Alice choisit ce moment pour revenir de la gymnastique.

Quand elle vit sa maison, l'endroit où elle avait passé les seize premières années de sa vie, dévorée par les flammes, elle fut terrassée par une vague de désespoir. Sans penser aux conséquences, elle entra dans la fournaise et fut rapidement assiégée par le feu.

Les flammes m'entourent. Il fait au moins 40°C, se dit-elle. Je n'arrive presque pas à respirer. Mais ma famille, va-t-elle bien ? Suis-je la seule survivante ? Et les petites louves ! Je vais aller voir dans la chambre de papa et maman juste à coté de la cuisine. J'essaie d'ouvrir la porte mais elle est bloquée !

Alice se rabattit sur une autre solution. Elle courut dans la salle de bain pour ouvrir la douche et repousser l'incendie, coûte que coûte. La porte s'ouvrit et elle entra dans la pièce, encore laissée intacte par les flammes.

Soudain, la porte s'enflamma et le feu se propagea. Pour se protéger, Alice mit sa main devant sa tête et un miraculeux jet d'eau en sortit.

C'est moi qui est fait ça ? se demanda t-elle. Je peux faire de l'eau avec mes mains ?

Alice devait sérieusement songer à se trouver un endroit au calme et sans feu. Elle attendit sagement de l'aide et à chaque fois que les flammes s'approchaient trop près d'elle, ses mains envoyaient de l'eau, sans qu'elle ne sache comment elle faisait ni ce qui se passerait si elle n'arrivait plus à se défendre.

Au bout d'un certain temps, les pompiers, alertés par une voisine, arrivèrent. Un jet d'eau aspergea la grande demeure entièrement calcinée. Le feu battit en retraite face à la lance d'incendie.

Les pompiers enfoncèrent ce qui restait des portes de la maison pour sauver les éventuels survivants même si c'était très peu probable que quelqu'un survive à un incendie de cet envergure. Ils délivrèrent Alice des débris de la salle de bains et partirent car ils ne trouvèrent personne d'autre dans cette vision cauchemardesque. Il leur avait même été impossible de s'introduire dans la cuisine. Ils en conclurent donc que personne ne pouvait être restée dedans.

Tout d'un coup, Maïa apparut et sortit en titubant des ruines de sa maison.

"Où sont Papa et Maman ? s'angoissa Maïa.

- Je n'en ai aucune idée, répliqua Alice, sentant l'évidence monter en elle."

Ils ne pouvaient avoir survécu à cet incendie. Maïa vit le trouble de sa sœur et comprit ses inquiétudes. Alice ne croyait pas à l'idée que leurs parents s'en soient sortis.

"Allons vérifier ! commanda t-elle, s'accrochant au fol espoir de leur survie."

Elles se précipitèrent dans leur maison. En voyant tout ce qui avait construit leurs vies détruit et réduit en cendres, les pleurs envahirent leurs yeux. Les rescapées se rendirent dans la chambre de leurs parents. Les jeunes filles fouillèrent le lit en s'accrochant à l'idée de leur survie. Elles ne trouvèrent rien que des cendres éparpillées dans les draps, qui tombèrent en miette au seul contact de leurs doigts.

"Va me chercher deux de nos belles boîtes, s'il-te-plaît, réclama l'aînée avec beaucoup de peine dans la voix. Tu sais, les petits coffres que nous avions peints.

- Oui, acquiesça Maïa d'un air abattu."

Elle monta dans sa chambre et prit l'une de ses créations, puis sélectionna également la boîte préférée d'Alice. Elle redescendit apporter les réceptacles à sa sœur, qui réagissait à la perte de ses parents avec beaucoup plus de sang froid.

Alice regarda un long moment les cendres de ses parents avant de déduire que le côté de sa maman était celui de droite et que son papa dormait sur le côté gauche du lit.

Elle balaya les cendres de ses parents dans les boîtes, qu'elle serra longuement contre son cœur avant de les prêter à Maïa qui les fit rouler entre ses doigts comme du sable. Elle sourit au souvenir d'un bon moment passé avec sa famille, puis ferma les boîtes.

Ce n'est pas possible, ce n'est pas possible... se répétait Alice en boucle, moins calme mentalement qu'en apparence.

Quand elle s'arracha à ce macabre spectacle, elle rejoignit Maïa, qui s'affairait déjà chercher des affaires intactes dans ce désert de poussière. Malheureusement, il ne restait plus rien.

Alice s'interrogea à propos de la détermination de sa sœur, qui avait subitement repris espoir, sans qu'elle ne comprenne quand ni pourquoi.

Mais ce qu'elle ignorait, c'est que Maïa avait découvert des traces de pas ainsi que de l'essence près du four. Ce n'était pas la peine qui la tourmentait car elle était aveuglée par une colère sourde.

Quelqu'un avait allumé le feu pendant que la jeune fille lisait.

Je promets que j'attraperai celui qui a fait ça !

Les deux filles, firent le tour de leur ancienne demeure afin de lui dire adieu. Elles se dépêchaient, ne voulant pas s'attarder dans ce lieu qu'elles associaient désormais à la mort de leurs parents.

Elles traînèrent un peu dans le jardin pour sentir une dernière fois le parfum des fleurs étranges que leur mère cultivait et récupérèrent le panier qui contenait les louves.

Elles s'engagèrent dans l'allée pour quitter la maison, et se retournèrent une dernière fois pour contempler les ruines de leur habitat dans la lumière du soleil couchant. Désormais, il fallait se tourner vers l'avenir car le passé n'était plus que cendres et désolation.

Les Elues du CataclysmeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant