Le trac de la page blanche.
Je fixais, les yeux plissés et pressant mes doigts contre le plastique dur et inconfortable du stylo, soupirant de frustration alors que je bloquais, alors qu'un mur invisible se dressait devant moi et m'empêchait d'écrire, d'exposer mes idées, de continuer ma phrase. Fouillant dans mes pensées emmêlées, je cherchais encore quelque chose à écrire un début de phrase, un début de paragraphe, un début d'une idée étrange et insensée, mais qui me pousserait enfin à démarrer.
Cela ne faisait pas moins de deux heures que nous étions rentrés officiellement au lycée, pas moins de deux heures que les cours avaient officiellement commencé, pas moins de deux heures que nous nous étions retrouvés rassemblés tous ensemble dans une grande classe que nous n'aimions pas, que nous avions tiré des traits rouges sur les visages et les noms des personnes qui nous entouraient, que nous voilà, déjà en train de rédiger un court texte sur table pour le cours de Français.
«Me raconter n'importe quoi ayant un lien quelconque avec votre vie, telle est votre consigne !», avait annoncé le professeur, un homme plutôt âgé, dans la quarantaine, sans doute, avec ses cheveux bruns parsemés par quelques mèches grises et ayant un regard bienveillant.
Cette consigne se voulait simple, anodine, facile à comprendre et à exécuter. Néanmoins. Néanmoins, me voilà, qui regarde la feuille blanche, vierge, en plissant les yeux, me mordillant la lèvre, écoutant les tic-tacs réguliers de l'horloge négligemment accrochée au mur et regarder, fixer encore et encore la feuille blanche. Toujours blanche.
Pourquoi aussi blanche ?
Ce n'était pourtant pas difficile ! Il fallait juste que j'écrive quelque chose, n'importe quoi ayant un rapport avec ma vie.
J'approchais la pointe de mon stylo de la feuille, encore plus près, serrant ma prise autour de ce fin tube en plastique.
J'hésitais.
Je ne voulais pas écrire n'importe quoi. Je voulais écrire quelque chose de bien, d'épatant, quelque chose qui montrerait à mon nouvel professeur de français de quoi j'étais capable ! Après tout, c'était bien moi, Lucy Heartfilia, cette lycéenne un peu étrange, avec son regard toujours perdu dans ses pensées, ses doigts toujours posés sur un stylo, qui voulait être une auteure plus tard ! Et pendant tout l'été, j'avais écrit, je suis allée à des ateliers d'écriture, cherchant à m'améliorer encore plus, toujours plus, et retravaillant encore et encore le manuscrit d'un roman que j'avais rédigé l'an passé. Cette année je tenterais une maison d'édition, et avec un peu de chance, mon livre sera admis ! Avec un peu de chance, mon rêve se réalisera et je pourrais tenir ce pourquoi j'ai travaillé durant des heures et des heures enfin entre mes doigts !
Je savais très bien que je pourrais y arriver, après tout, j'avais du talent.
Toutes les personnes m'ayant lue m'avaient dit et redit la même chose.
Alors pourquoi n'arrivais-je pas à écrire une seule ligne ?
Soupir. Encore une fois. Un soupir lourd de frustration, de colère et d'amertume qui alla s'écraser dans cette salle où seuls les bruits des stylos qui écrivent se faisaient entendre.
Quelqu'un se leva, près de moi, alla déposer son chef d'œuvre avec un sourire satisfait peint sur les lèvres.
C'était une brune, plutôt jolie, plutôt petite, qui abordait une expression froide et hautaine tandis qu'elle traversait les rangées des élèves, ignorant les têtes et les regards qui se dirigeant lentement vers elle. Pas une seule fois, elle ne baissa le regard, pas même lorsqu'elle remit silencieusement son écrit sur la table du prof, ni quand ce dernier lui chuchota un bref ''merci''. Retournant rapidement à sa place et s'y installant confortablement, je l'entendis soupirer et je la devinais lever les yeux au ciel, regarder l'horloge accrochée au mur, cette horloge blanche et vieille, poussiéreuse, qui indiquait 13h50.
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À La Croisée Des Chemins
FanfictionC'est étrange, cette façon que le hasard a de mettre des personnes sur notre route. Les rencontres qu'on fait en étant au bon endroit, au bon moment. Étrange à quel point nos chemins se croisent et se recroisent, et que les amitiés affluent, le coeu...