Je tripotais rageusement le bout de ma chemise.
Le regard noir rivé sur ce tissus pâle, les doigts frivoles ne cessant de s'agiter et de virevolter autour de leur malheureuse proie, les joues gonflées, recroquevillée sur le sol froid, le dos adossé contre le mur dur et hostile, je ne cessais de regarder, encore et encore ce malheureux bout de chemise. Comme pour lui faire porter le chapeau, comme pour mieux faire de lui un coupable et mieux le désigner du bout d'un doigt moqueur, je le fixais, le tirais, le mordillais, l'enroulais, le chiffonnais.
J'avais envie de hurler.
Le silence autour de moi était lourd, pesant, avait pris une forme physique et palpable et me serrait contre lui, sous lui, me suffoquait, m'étranglait, me frappait et m'effrayait, il ne cessait de s'agiter, de m'attraper par les chevilles afin de me tirer vers son mutisme exubérant, m'emporter vers un monde fou et illusoire et me couvrir sous un drap beaucoup trop lourd à supporter, un drap qui ne laisserait aucune once d'air passer.
Je voulais tellement, tellement, tellement rompre ce silence.
Me lever, me mettre à hurler ou à frapper, me mettre à penser tout haut, oser faire et oser dire, oser défier et m'emparer d'un courage magique afin de mieux laisser cette peur, cette peur si collante et attachante, quelque part derrière moi. Je voulais me lever et rompre ces chaines qui m'enrayaient le cou, le ventre, les pieds et les mains, pouvoir me battre et sortir d'ici, de cette maison où un homme, l'homme au sourire de loup habite.
Je ne pouvais rien faire.
C'était surtout ça, cette impuissance qui me tuait à petit feu. Ne rien pouvoir faire, ne pas pouvoir parler ou même penser, la peur et le silence me clouant sur place et m'empêchant de bouger. Je levais un coup d'œil, un coup d'œil curieux vers la tête bleue de Levy, sa tête penchée en avant, ses sourcils froncés sous l'effet d'une intense réflexion, son regard doux et meurtri, rempli d'une culpabilité sans bornes, était rivé sur ses mains, sur ses ongles qui avaient toujours cette apparence parfaite.
Elle leva la tête subitement et intercepta mon regard.
Un mince sourire s'infiltra sur ses lèvres pâles, son visage sembla s'illuminer pendant quelques secondes, voler et s'approprier cette merveilleuse teinte que porte le sadique espoir.
Je détournais ma tête, rapidement, faisant virevolter quelques mèches de mes cheveux dorés, entraînés par ce brusque mouvement de tête que la surprise me força d'effectuer.
-Lucy..., je l'entendis murmurer, avec une hésitation infinie et une peine qui me creva le cœur.
Elle semblait au bord du désespoir, sa voix était noyée par le chagrin et elle avait l'air perdue, perdue par tout, perdue dans ce monde cruel, elle avait l'air de me demander mon pardon, d'espérer le pardon sans pour autant oser l'avouer tout haut ou tout bas, ayant trop peur de paraître hypocrite, comme si on pouvait réellement croire cela d'une personne telle que Levy McGarden !
Je me tournais de nouveau vers elle, timide, gênée, embarrassée, oubliant soudainement quoi faire avec mes deux pauvres petites mains pales et agitées. J'avais soudainement peur, peur de paraître gauche, peur de ce vide qui s'installait en moi et de mes mots qui commençaient à me manquer, tous ces beaux mots futiles que je pourrais lui adresser pour lui exprimer mon ressenti, ce que je pensais d'elle, de cette situation, me mettre à lui en vouloir ouvertement, lui passer un savon pour s'être montrée si peu réfléchie, si peu rationnelle !
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À La Croisée Des Chemins
FanfictionC'est étrange, cette façon que le hasard a de mettre des personnes sur notre route. Les rencontres qu'on fait en étant au bon endroit, au bon moment. Étrange à quel point nos chemins se croisent et se recroisent, et que les amitiés affluent, le coeu...