CHAPITRE 7 : Les souvenirs de Marie (1946)

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Plusieurs souvenirs s'écoulèrent ensuite. Mais l'un d'entre eux attira mon attention.


Les cinq corps étaient allongés dans la cave. Depuis ma cage de rétention, je les observais. C'était la première fois que Charles allait créer d'autres loups depuis moi. Depuis une cinquantaine d'année, il avait commencé à constituer une véritable meute avec la pire engeance de l'humanité.


La porte s'ouvrit sur Florian et Barthélémy. C'était les moins cruels de la meute. Au moins, ils ne me violaient pas, eux.


Ils prirent un corps chacun avant de repartir. J'avais entendu les membres de la meute parler de "comment fabriquer un loup-garou ?". La méthode était, en soi, assez simple. Il suffisait que l'humain choisit soit conduit aux portes de la mort par une morsure d'un garou. Alors, la magie prenait effet, le faisant passer pour mort alors que son âme restait coincée dans son corps. Mais il y avait un délais de trois jours. Durant ce délais, le corps devait être exposé sans discontinuité durant au moins une nuit de pleine lune. Le plus difficile étant la météo. Il ne devait pas y avoir un seul nuage qui cacherait le ciel, sinon, sans la lune pour alimenté la magie de transformation, même quelques secondes, l'âme s'échapperait du corps et celui-ci mourrait définitivement. C'était la Première Transformation.


Une fois que tout les corps furent remontés, Charles vint me voir.


J'étais sous forme de louve depuis plusieurs semaines car ma forme humaine était devenue trop faible pour supporter la souffrance physique continuelle. Sous forme de louve, ils pensaient que c'était mon côté animal qui contrôlait le corps, ils avaient raison mais pas tout à fait non plus, car ma louve avait tendance à les agresser bien plus facilement que l'humaine et supportait mieux la douleur, permettant à mon esprit humain de se reposer un peu.


Charles s'accroupit à mon niveau. Aussitôt, je lui montrais les crocs et grognais. Il passa la main entre les barreaux et je la lui mordis. Il ne tressaillit même pas. Il me sourit.

"Cela fait cent quatre-vingt ans que nous sommes ensemble, ma chérie. Et tu es toujours aussi coriace. Mais cela commence sérieusement à m'ennuyer de te voir toujours me défier. C'est pour cela que j'ai décidé de me trouver une nouvelle compagne. Plus... disons docile ?"


Surprise, je lui lâchais la main. Imaginer une autre femme que moi subir ces tourments étaient... horrible. J'étais habituée mais aucune autre femme ne devait vivre ce que je vivais avec ces monstres ! Pourtant, la voix de Jacob Blackwood raisonna dans ma tête comme le jour où il m'avait offert ma prophétie.

"Viendra un jour ou le mâle Alpha choisira une autre femelle que vous, madame. Les membres de la meute commenceront alors à vous ignorer de plus en plus. Et un jour, vous pourrez vous échapper. Voici ce que dis ma prophétie. Un dernier conseil. Fuyez vers le sud. C'est là-bas que vous trouverez votre salut."


Je me retransformais en humaine et lui attrapais la manche.

"Je t'en supplie, Charles, ne fait pas ça !

- Ne pas faire quoi ? Choisir une autre femelle ? (Il me prit le menton.) Tu veux donc rester à ce point l'unique ?!"


Je préférais me taire et le laisser que c'était ça. Il ne comprendrait pas que je préférais ne jamais retrouver ma liberté que plutôt forcer une autre que moi à subir ses tortures.

"Oui, c'est ça. Mais ma décision est prise. (Il me lâcha et j'en fis autant.) Quant à toi... Disons que la meute fera ce qu'elle veut de toi.

- Comme si ce n'était pas déjà le cas, me dis-je mentalement.

- Comme te tuer par exemple. N'est-ce pas ton vœux le plus cher ?

- Non, ce n'est plus mon vœux le plus cher depuis dix secondes, répondis-je mentalement."


Je me mis à rire à gorge déployé, comme atteinte d'une folie soudaine. Ma louve prit le dessus sur mon humanité comme elle ne l'avait jamais fait auparavant. C'était ses mots qui sortaient de ma bouche. Pour la première fois depuis sa naissance, elle s'exprima à travers moi.


Sa voix était aussi froide qu'un glaçon, aussi coupante qu'une lame aiguisée. Aussi cruelle que la voix de Charles.

"C'était bien notre premier vœux, Charles. Mais maintenant, notre vœux le plus cher... (Charles se retourna et se confronta à notre regard. Il recula devant la puissance de notre aura mais il ne pouvait pas bouger, comme s'il était hypnotisé par notre regard.) C'est de te tuer. Toi, et cette misérable meute. Jamais tu ne parleras de ça à qui compte, ni ne l'écrira. Tu auras peur de nous, à partir de maintenant, murmura-t-elle."


Elle rompit le contact et recula en moi pour laisser la place à l'humaine. Charles, lui, détala comme un lapin.


Pour la première fois depuis si longtemps que je l'avais oubliée, je me sentis forte et gagnante. Charles avait eut peur de moi, au point de fuir.


J'appuyais ma tête contre les barreaux, pleurant et riant à moitié.




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