Allya est trop gentille

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- Je ne suis pas comme toi.
Ni comme mon père d'ailleurs, lui aurait égorgé cet homme au lieu de le soigner. Avec raison. Mais je ne sais pas, je ne peux pas. Tuer quelqu'un est un acte trop fort, trop dur pour moi. Et pourtant celui-là le mériterait mille fois.
Il hurle lorsque je serre ce qui fut ma jupe autour de son abdomen, maigre vengeance pour ma maison détruite.
- Tu as un nom gamine ?
- Il faut qu'on te cache, quand mon père et ses ouvriers reviendront ils te tueront s'ils te voient. Et je ne suis pas une gamine.
Ils le penseront certainement, voire pire. Mes paroles le font rires, avant de le faire gémir de douleur.
- Tu as quoi seize ans ? A peine plus, j'ai cent trente ans et je suis à peine adulte alors pour moi tu es presque un bébé.
- Pourquoi as-tu détruit ma ferme ?
- Pourquoi pas ? On a ordre de tout détruire. D'ailleurs tu as raison sur un point, il faut se cacher, mes compagnon s vont revenir et s'ils te trouvent ils te tueront.

Je l'aide à se lever et à prendre appui sur un pan de muret encore debout tandis que je retourne vers les ruines. Il ne reste pratiquement rien mais je croise les doigts pour que mes affaires aient survécu. Après un moment à errer parmi les cendres, je vois enfin ce que je cherchais, complètement noirci par les flammes, illisible. Mon livre de sortilèges hérité de ma mère n'est plus qu'un souvenir.

---- pôle de correspondance des bus ----

Une petite voix dans ma tête me reproche de ne pas les avoir appris par cœur, une autre lui répond que la magie vient avant tout du cœur. Les sortilèges ne sont que des aide-mémoire. Ma baguette est là aussi, noircie mais intacte, j'ignore si elle fonctionne encore. Ce n'est qu'un morceau de bois mais plongé dans une eau sacrée par une nuit de pleine lune et lié par le sang. Long mais simple à refaire. J'espère qu'elle fonctionne encore.

Je reviens vers mon malade, dépitée et le cœur serré d'avoir perdu ce bien précieux.
- Tu devrais partir, les larmes coulent sur mes joues sans que je puisse les retenir, mon père va bientôt rentrer.
- S'il était au village il est mort.
Il me dit cela sans malice, mais sans prendre de gants, comme s'il m'avait parlé des nuages dans le ciel. Je le regarde et soudain ses paroles prennent leur signification dans ma tête.
Je m'écarte et je cours, je cours sans réfléchir vers le village.
Papa, Mia, les marmots. Je cours à en perdre haleine le long de la route de terre. J'entends du bruit derrière mais je ne m'arrête pas. Je n'ai jamais été aussi rapide de ma vie et j'arrive au pré à l'entrée du village, là où se déroulait la fête. Il n'y a plus un bruit, plus un chant, plus une parole, plus un cri. Plus rien. Ce n'est plus qu'une plaine stérile, brûlée. J'ai arrêté de courir, à côté de moi est recroquevillé un corps, calciné. Impossible de le reconnaître tant il est déformé par le feu qui l'a consumé. Les dragons sont plus loin, ils survolent l'autre bout du village, de l'autre côté de la rivière. Ici il ne reste rien.
J'avance encore, entre les cadavres mais je ne peux en identifier aucun, mes larmes brouillent ma vision et de toute manière rien n'a résisté aux flammes. L'espoir se meut en désespoir le plus total. Les larmes coulent à torrent et je ne peux plus réfléchir, seule demeure la tristesse. Lentement mais sûrement je traverse le pré lorsqu'une main se pose sur mon épaule. Le dragon m'a rejointe.
- Laisse moi.
- Si tu restes ici ils vont te tuer.
- Peu importe.
- Tu m'as sauvé la vie, j'ai une dette envers toi.
- Tu te serais régénéré de toute manière .
- Pas si je m'étais vide de mon sang, viens, partons.
Je ne veux pas partir, je veux rester et être l'un de ces cadavres. Je ne veux plus que cette douleur qui s'est répandue dans tout mon corps persiste.
Je ne bouge pas mais il insiste et finit par me tirer vers la lisière de la forêt voisine, il doit presque me porter tant mon corps et mon cerveau sont incapables de réagir.
Faites que la douleur s'arrête.
Tuez-moi.

AllyaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant