Loin d'ici...

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— Elle est ici !!

Adossé aux pieds d'un carton, la photographie que Julia cherchait désespérément. Elle s'empressa de saisir l'objet précieux, et y contempla chaque recoin. Ses lèvres formèrent alors un grand sourire capable, presque, d'illuminer notre petit salon. Ce que je venais de lui raconter me laissait un goût amer. En y réfléchissant, les institutions de cette ville avaient, vraiment, essayé d'avoir ma peau.

Avec entrain, Julia s'avança vers le mur où se trouvait l'un de nos tableaux. Celui-ci, en particulier, était un montage d'images qu'elle avait réussi à capturer, au fil de notre relation. Elle y accrocha sa nouvelle trouvaille, avant de reprendre ses aises sur le canapé.

— Tu as l'air fatigué.

— Oui. Je crois que c'est les cartons qui me font tourner la tête !

— Et peut-être le vin que tu as acheté, non ?

Elle bougea la tête de droite à gauche, lentement, avant d'éclater de rire un court instant. Elle revint vers moi en s'excusant d'avoir coupé la conversation, puis m'interrogea sur le fait que je ne buvais que très peu du vin qu'elle m'avait servi. Évitant de lui dire la vérité sur son ignoble boisson, je ne répondis pas. Très mauvaise idée. Julia saisit la bouteille et déversa ses dernières gouttes, à mon grand désespoir. « Il faut finir ! ». Soit. Je soupirai.

Il fallait que je trouve un moyen de ne plus subir ce calvaire. « Vite, réfléchis... », me dis-je précipitamment.

— Vu que tu es exténuée, Julia, nous continuerons de déballer les cartons demain.

— Mais tu me racontais...

— Je continuerai à l'occasion, ne t'inquiète pas.

Julia hésita d'abord, puis commença à marcher vers la chambre à coucher. Remarquant que je ne la suivais pas, elle m'adressa l'un de ses regards interrogateurs. Je pointai alors le doigt vers le verre qu'elle venait de me servir. Elle acquiesça, de toute sa naïveté. Profitant alors de son départ je le déversai dans l'évier, soulagé.

Je tournai la tête vers le canapé, là où Julia avait laissé ma vieille photo de famille. J'y repensai. Cette image avait été prise quelques semaines après cet entretien scolaire abominable. Ensuite... Le départ en Allemagne, ou plutôt, l'inconnu. Je me souvins alors de notre voyage, de l'ennui et surtout, du temps. Il pleuvait...

...

Et voilà, nous étions partis. Dans la voiture, je suivais du regard les petites gouttes de pluie. Elles virevoltaient sur le pare-brise puis, se multipliaient en sillons, s'évitant d'abord, avant de s'entrechoquer. J'en étais réduit à les observer, sur cette route interminable.

Nous nous dirigions vers une ville du sud de l'Allemagne. C'était là, que m'attendait la famille d'accueil soigneusement sélectionnée par ma mère. Six. Longues. Semaines. C'était tout ce qu'elle avait pu me faire comprendre. Je n'en croyais pas mes yeux. Moi. En Allemagne. Quelle idée ! J'étais si loin d'être capable de prononcer, ne serait-ce qu'une seule phrase correctement. Alors, dans ce cas, autant ne rien dire. Attendre que cela passe. Ce foutu voyage... Et dire qu'il fut un temps, où je pensais que tout irait mieux.

Les pneus grincèrent lentement. Nous y étions. Autour de nous, des maisons à l'ossature de bois, respirant le conservatisme et le pittoresque. Une petite ville allemande, que l'on voyait généralement dans les reportages télévisés. Les rues étroites rejoignaient de multiples petites places et, transperçant la cité de toute part, un fleuve, sinueux. Nous traversions les magasins locaux et les passants à peine souriants, dans une cité qui semblait avoir lutté corps et âme contre la modernité.

Six semaines en AllemagneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant