L'homme aux pièces

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L'homme ouvre la porte et observe ses enfants qui dorment. Ils sont 3 dans une même chambre. La pièce est petite, humide, un peu crasseuse, comme l'ensemble de la maison. Un vrai clapier, mais c'est déjà ça. Il referme doucement la porte, sort de la maison et s'en va au travail. Il pleut un peu dehors, l'homme n'a pas de capuche. Il s'installe dans la parking et attend l'arrivée des voitures. Il leur trouve des places, les guide, et les aide à se garer. Voilà son métier. L'homme cherche de petits boulots par-ci et par-là, mais ça ne dure jamais longtemps. Alors il se retrouve sur ce parking, pour payer une vie décente à ses enfants. Il tend la main, les pièces tombent dans sa paume poussiéreuse. Certaines personne ne le regardent même pas, comme s'il était un moins que rien. Comme s'il n'était personne, juste le fantôme d'un rêve qui s'est brisé.

L'homme aux pièces est en pièces, mais chaque jour il se lève le matin et affronte son destin.

Parfois, il engage un peu la conversation. Il aime beaucoup le contact avec les gens. Il leur parle de ses enfants, jamais de sa misère. L'homme aux pièces à froid mais ne se plaint jamais. De temps en temps, on lui sourit, et ça le réchauffe bien plus qu'un radiateur. Il demande parfois aux personne si elle n'ont pas par hasard quelques pièces un peu vieilles, qui sont rares. Il en a un bocaux entier, qu'il cache à ses enfants. Les gens les lui donnent de bon coeur. Ces pièces-là, bien qu'inutilisables, ont pour lui plus de valeur que l'or.

Le soir, il rentre chez lui et retrouve ses enfants en train de faire leur devoir. Il les aide, il leur répète sans cesse que les études c'est ce qu'il y a de plus important.

Ses enfants ne savent pas en quoi consiste ce métier.

Parfois, il travaille aussi la nuit. Il fait le ménage, range des cartons, des choses comme ça.

Puis un jour l'homme aux pièces s'est éteint. Sa fille ainée s'était mariée, et ses deux frères avaient réussi leurs études, tout comme elle. Ils mènent une belle vie, le genre de vie dont leur père rêvait pour eux.

Dans le testament, il leur a indiqué un placard, fermé avec un cadenas. La clef était collée à la fin du document. Les trois enfants partirent à la recherche de ce placard, et l'ouvrirent. Ils trouvèrent un immense bocal remplie de pièces de toutes sortes. Une lettre était scotchée dessus. Ils reconnurent l'écriture de leur père, qui leur raconta ses heures glacées qu'ils avaient gardées secrètes jusqu'ici. Il leur dit qu'il était fier d'eux, et que c'était pour ça qu'il avait fait ce métier. Parce qu'il les aimait et que cela valait tout l'or du monde. Malheureusement, le seul héritage qu'il pouvait leur léguer était sa collection de pièces. Il les embrassait, et il était heureux désormais. Heureux grâce à eux.

Les enfants pleurèrent beaucoup, puis ils mirent la collection bien en évidence sur une étagère, et la veillèrent comme un trésor.

Car elle était plus remplie d'amour que d'argent. 


Note de l'auteur : Cette histoire est inspirée d'une histoire vraie. J'ai rencontré un homme qui restait dans les parkings et il m'a dit qu'il collectionnait les pièces rares pour les donner à ses enfants plus tard. Il ne leur avait pas dit qu'il faisait ce métier pour les préserver. 



Un murmure dans le ventOù les histoires vivent. Découvrez maintenant