Elhadj

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-Franchement Leila, ta sauce mafé était trop mortelle. En plus j'avais une de ces faims!
-Merci Assia, mais ce n'est pas moi qui l'ai faite, c'est la petite Amina.
-Ah bon? On peut la donner en mariage alors! Fis-je en regardant Amina d'un air coquin. 

La pauvre Amina devint toute embarrassée, et si elle était blanche, elle aurait certainement rougi. Ne sachant plus où se mettre, cette dernière débarrassa la table à vitesse grand V, sous les éclats de rire de mon hôte et moi.

Nous nous sommes installées au salon, et après avoir fini de donner des nouvelles de tous les Zinderois qu'elle connait, je décide de lui relater la raison de mon départ si brusque en prenant un air des plus sérieux. 
-Leila, tu sais, depuis que mon père a décidé qu'il fallait que  j'épouse elhadj, ma vie et devenue un enfer.
-Elhadj? C'est qui ça?
-As tu oublié ce commerçant que j'avais rencontré pendant la semaine de formation des jeunes commerçants de Zinder sur les risques sanitaires des produits alimentaires importés? Nous étions hôtesses pendant cet événement. Et depuis ce jour là, il n'avait pas cessé de me harceler! 

-Oh oui! Je m'en rappelle maintenant! Il venait jusqu'au boulot attendre ta sortie sans que tu ne le saches! Et il voulait coûte que coûte te ramener chez toi tous les jours à la descente!

À ma mine déconfite face à ces souvenirs,  cette dernière se mit à rire à gorge déployée. J'avais oublié ces détails qui me mettaient pourtant mal à l'aise dans le temps! Tous mes collègues assistaient à la même scène après les heures de travail. Toutes les fins d'après-midi, il venait m'attendre devant l'entreprise afin que l'on puisse rentrer ensembles, alors que je ne lui avait jamais rien demandé. Face à mon refus, il insistait de plus belle.

-Oui voilà Leila, c'est lui même! Suite à ton départ de Zinder, j'ai fini par accepter sa proposition un jour, faute de trouver un taxi. Et depuis, j'avoue que  j'avais pris plaisir à le laisser jouer au chauffeur. Pendant nos trajets, nous discutions rarement, ou du moins, je parlais rarement. C'est plutôt lui qui tenait la conversation, et je me contentais de répondre à ses questions par oui ou par non. Il aimait me parler de ses activités, de son commerce, et même de ses biens, dans le but certain de m'épater et de m'attirer par son argent. Il ne faut pas se le cacher, les nigériennes sont vite intéressées par les hommes dès qu'ils sont riches.  Il me disait également  qu'il en avait marre de sa vie de célibataire et qu'il voulait d'une femme comme moi. Au fil du temps, face à mon refus d'accepter les grosses liasses de billets qu'il me tendait avant que je ne descende de sa voiture, il rajoutait à son discours que mon côté désintéressé lui faisait comprendre que j'étais celle que Dieu lui avait réservé, car il ne supportait plus toutes ces femmes vénales qui n'en voulaient qu'à son argent. Il disait qu'il avait besoin de mon accord pour aller voir mes parents et demander ma main. Je restais silencieuse pendant ses longues déclarations, puisqu'à chaque fois qu'il  sollicitait mon avis sur la question, je lui réitérait mon refus de me mettre en couple avec lui. Je lui proposais également d'arrêter de venir me chercher tous les jours, puisqu'il connaissait ma position par rapport à ses intentions. Au lieu de se décourager, il répondait que ce n'était pas parce que je disais non qu'il allait laisser tomber aussi facilement. Selon lui, il était convaincu que j'allais finir par céder en apprenant à le connaître. Il a fini par avoir mon numéro de téléphone. Et ne me demande pas comment Leila, je ne le sais pas. A partir de là, je recevais d'innombrables messages et appels tous les jours. J'en ignorais une bonne partie, et quand j'en avais assez, je ne décrochais que pour lui dire de me laisser en paix. 

-Mais Assia, c'est un fou ce type ma pauvre! et comment tu t'en est débarrassé? 

-Hum, m'en débarrasser? Impossible. J'ai pourtant essayé, en lui demandant de s'éloigner de moi parce que je prenais à nouveau le taxi pour rentrer à la maison. Il a fini par ne plus m'attendre devant l'entreprise, mais les appels et les messages continuaient. Même en le bloquant, il ne manquait pas de numéros pour me relancer. Je continuais à vivre ma vie sans lui prêter attention jusqu'au jour où il m'a vue au restaurant avec Issa. A partir de là... 

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