Partie 8 - Monaco

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Une bombe venait de tomber dans la salle commune de l'auberge. Le président des États-Unis, Georges W. Bush, annonçait qu'il allait attaquer l'Irak. Pour beaucoup de gens présents, c'était le début d'une nouvelle guerre mondiale. 


La situation m'inquiétait. Qu'est-ce qui allait nous arriver ? Après tout, dans ma tête, je n'étais pas si loin de l'Irak. Il n'y avait pas un océan qui me séparait cette fois. Est-ce que la France en subirait un impact ? Serais-je figé ici jusqu'à ce que l'opération militaire américaine se termine ? L'anxiété réalisa son œuvre avec excellence... Polluer mon esprit d'interrogations sans réponse, et d'un avenir compliqué. Éric, le soldat, ne semblait pas s'en préoccuper évidemment. Il savait que ce n'était pas aussi terrible que je pouvais le penser. 


Dans un ordre d'idée plus comique, une vieille dame parla en allemand à Martin. Étant trop timide pour lui avouer qu'il ne comprenait rien, il lui répondit : « Ya, ya ! » J'espère pour lui que la question n'était pas compromettante. Ça a eu comme bienfait de détendre l'atmosphère. 


Et puis, il fallut décider ce qu'on allait faire le lendemain. De là, le début d'un grand désaccord entre Éric et moi. Lui voulait continuer d'aller à la plage, moi, je rêvais de visiter Monaco. Martin resta muet, il n'était pas du genre à s'exprimer surtout lorsque le sujet est controversé. Donc, c'était un âpre combat entre le colosse et moi-même. On était fixé sur notre conviction l'un autant que l'autre. Il y avait peu de place à la conciliation. 


On tournait en rond ce qui forçait Martin à prendre position, même s'il n'en avait pas envie. Il se mit de mon côté : Monaco. Éric s'est fait rarement dire non dans sa vie, alors il prit ça plutôt mal. On décida d'aller se coucher pour calmer le jeu.


Malheureusement, la nuit n'avait pas diminué son sentiment de rejet. Il nous bouda pendant un moment. J'ai donc fait la seule chose logique dans ces moments-là : l'ignorer. Je crois que Martin se sentait mal à l'aise. J'avoue que je n'aurais pas aimé être à sa place. Être coincé entre deux écorces n'est pas des plus confortable.


On emprunta un wagon nous amenant vers la destination souhaitée en silence. Pour un instant, je regrettais ma décision de lui avoir tenu tête. Mais après tout, ce n'était pas juste à lui de tout décider. Je ne m'étais jamais imposé lorsqu'il nous proposa quelque chose. C'était la première fois que je tenais à quelque chose lors de notre traversée. Pour me changer les idées, je me suis mis à regarder le paysage. Ce n'était pas un TGV, un simple train. J'avais donc tout le loisir d'observer. 


C'était magnifique. On longeait la Méditerranée. J'avais l'impression d'être dans un paradis tropical, ou l'on voyait richesse et palmiers par milliers. 


Arrivé à Monaco, je n'avais pas l'impression d'être dans un nouveau pays. Dans ma tête, j'étais toujours en France. Il était dur à croire qu'une ville de 30 000 habitants puisse être considérée comme une nation alors que le Canada a de la difficulté à admettre les Québécois (qui sont 6 millions de francophones) comme tels. C'était pourtant la réalité. 


La contrée, bien que petite, avait un charme certain. Là où la modernité touchait à l'histoire. En effet, à l'est du centre-ville il y avait un immense fort au-dessus d'un rocher. D'ailleurs, c'est comme cela qu'on surnommait ce quartier « Le rocher ». C'est cet endroit en particulier qu'on a décidé de visiter, car il était le plus historique, il s'agissait un peu de notre Vieux-Montréal.


Pour s'y rendre, il fallut monter une longue route en pente raide. Combiné avec la chaleur, mon cardio en prenait pour son rhume, mais quelle vue ! J'avais réellement l'impression d'être en plein village médiéval sauf que les gens étaient propres et bien habillés. Martin et moi ne nous lassions pas de découvrir l'architecture unique du lieu. Ce ne fut pas le cas d'Éric. Enfin, c'est ce qui laissait croire. Il faisait de la mauvaise foi à mon humble opinion. Il nous ressassait les oreilles qu'il trouvait ça ennuyant et qu'on aurait été mieux avec son plan. Je commençais à en avoir assez. Je lui déclarai que s'il n'était pas content, il n'avait qu'à y aller lui-même, on ne le retenait pas. C'est là que la chicane* 1 est vraiment partie. Il me traitait de boss des bécosses* 2, moi je le traitais d'arrogant. Il fallut que Martin décide de s'interposer. Il nous dit d'arrêter immédiatement. C'était une des rares fois où je le voyais s'imposer ainsi. En tous les cas, ça avait fonctionné, car Éric et moi nous étions tus. C'était puéril et stérile. N'empêche qu'à ce moment-là, je l'aurais bien garroché*3 en bas de la falaise. Et dire qu'on était censé vivre en coloc* 4 lui et moi. Ce voyage avait mis un terme définitif à ce projet. 


On se rendit au palais. Bizarre, je l'imaginais plus grand, il était d'un beige drabe et une légère apparence de château. Cela ne ressemblait pas du tout à une demeure pour des monarques. Et puis, il y a eu les gardes. Aujourd'hui, je dois les remercier. L'entente est revenue grâce à eux. On partit tous à rire en cœur en les voyant. Désolé pour les Monégasques, mais leurs uniformes avaient l'air ridicules. On aurait dit des colonialistes en Afrique. Éric commençait à moins regretter sa venue.
Il était l'heure du dîner (le déjeuner pour les Français), et on se chercha un resto. C'était un véritable défi de trouver quelque chose dans nos moyens. On était à Monaco après tout. On a dû déclarer forfait et accepter que notre budget déséquilibre quelque peu. Ce n'était pas un grand sacrifice, car c'était délicieux.


On finit notre visite au fameux musée océanographique. Des aquariums nous encerclaient de partout. J'avais l'impression d'être dans l'océan. Éric avait retourné sa veste. Finalement, il était bien content d'être là. Preuve qu'il faut toujours essayer avant de juger. J'aurais pu en profiter pour lui montrer le fait aux yeux, mais je m'en suis abstenu. À quoi ça m'aurait servi ?


On repartit à Nice, donc en France par extension. Éric proposa qu'on aille visiter le haut de la montagne où, d'après notre guide, il y avait un quartier riche. Je n'étais pas contre l'idée de marcher. Alors pourquoi pas ?


Pour marcher, on a marché. Le mont était plus grand que je le pensais. Mais ça valait le coup. Les maisons, que dis-je les manoirs, étaient à couper le souffle. Sans compter les bagnoles. Je ne suis pas un grand fan de voiture, mais là il fallait avouer que c'était des bombes. Ne me demandez pas les modèles, je n'y connais rien. Tout ce luxe me faisait sentir petit. L'argent ne fait peut-être pas le bonheur, mais il en est certainement un collaborateur. En tout cas, le fait d'en manquer réduit substantiellement celui-ci, je peux vous en passer un papier, maintenant que j'ai une famille.


On redescendit du paradis artificiel pour retourner sur notre terre. On finit ce qui serait notre dernière soirée à Nice, dans la place principale de celle-ci, qui n'est pas bien loin de la plage d'ailleurs. On s'assit à une terrasse pour observer des artistes de la rue faire leurs numéros. Un en particulier m'est resté en mémoire. Il s'agissait d'un imitateur de Michael Jackson particulièrement talentueux. J'avais l'impression d'avoir le roi de la pop devant moi.


En chemin vers le retour, on vit une crèmerie qui apparemment était célèbre dans le coin. Ils avaient une multitude de saveurs. Il servait même un cornet spécial avec 15 boules. Éric, toujours téméraire, en prit un inévitablement. Et inévitablement, la majeure partie fut gaspillée. C'était dommage, car la glace était succulente.


Le lendemain, on se prépare pour aller à Marseille. C'est avec grande déception qu'on ne put pas dire « Au revoir » à notre vieil ami : Weird al, faute d'être là.


*1 Chicaneispute
*2 Boss des bécosses : expression québécoise pour désigner quelqu'un qui veut toujours mener les autres.
*3 Garroché=lancé
*4 coloc = colocataire  


Ma France à moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant