Chapitre 17

414 46 8
                                    


Ce sont les premiers rayons du soleil traversant le pare-brise de la voiture qui nous réveillent. J'accuse le coup comme une douce caresse signant la promesse d'un jour nouveau, un jour nouveau qui je l'espère sera aussi enivrant que la veille. J'ouvre les yeux sur le ciel déjà dégagé de la matinée éclatante et plisse mes paupières encore endormie pour m'adapter à la lumière du jour. Ce sont les grognements matinaux de Kaya qui me sortent de ma rêverie ininterrompue concernant la beauté d'un levé de soleil dans une voiture, sur un parking à l'abandon avec des courbatures me parcourant le dos. C'est à la fois ironique mais vrai. Elle cligne plusieurs fois des yeux comme pour prendre le temps de se rendre compte d'où elle se trouve et se redresse avec difficulté sur son siège. En effet, il n'est pas simple de procéder à des étirements dans cet espace confiné qu'est notre véhicule.

"Bien dormi?" Dit-elle en bayant avec lourdeur, à en perdre sa mâchoire.

"J'ai dormi comme on dort dans une voiture." Dis-je en me massant le dos avec un demi sourire.

Sourire qu'elle me rend volontier en rejetant ses cheveux légèrement emmêlés vers l'arrière. Ils retombent en ondulant dans son dos, avec moins de grâce que si ils étaient soignés peut-être, mais avec une classe éternelle. Dans un même mouvement nous ouvrons les portières grinçantes et nous glissons à l'extérieur. Qu'il est bon de s'étirer de tout son long à l'air frais! Une nuit là dedans m'a donné l'impression de suffoquer et d'aspirer tous l'oxygène présent à l'intérieur; j'inspire et j'expire comme si ma vie en dépendait, ce qui est un peu le cas. Mes articulations craquent comme pour me dire de faire plus attention à ma position la prochaine fois. Je profite du fait que Kaya se coiffe de l'autre côté de la voiture pour observer un peu l'endroit en plein jour. Comme tout à l'air plus beau loin de chez sois, même le temps nous paraît comme rayonnant! L'atmosphère est calme dans ce parking pratiquement vide, laissant flotter dans l'air une agréable vague de chaleur matinale pourtant trompeuses du début du printemps. Une de ces chaleurs anodines qui insite le premier naïf à retirer son blouson pour enfin finir malade pendant une bonne semaine. Chaque fois, je me fais avoir, trop pressée de me débarrasser de mes vêtements d'hiver trop lourds à porter. Nous nous regardons par dessus le toit noir, ou plutôt gris de poussière, du précieux de Dylan. Tout en démêlant les derniers noeuds dans ses cheveux, la brune prend une grande inspiration.

"On va prendre la route aujourd'hui et il est hors de question que je roule dans cette porcherie ambulante plus longtemps."

J'esquisse un sourire, je suis totalement d'accord avec elle. Alors dans un geste presque spectaculaire et sans demander mon reste, j'ouvre grand les portes de mon côté ainsi que celle du coffre. En regardant à l'intérieur de celui-ci, j'aurais presque pitié de toutes les précieuses affaire du brun qui seront sans plus attendre, laissées à l'abandon. Je sors en premier une vieille glacière vide qui ne fonctionne plus et nous est donc d'aucune utilité, des sachets de viande séchée et de chips au paprika. Ça ne m'étonne même plus d'y retrouver plus loins encore un pantalon, un vieux t-shirt blanc roulé en boulle et des chaussettes que je jette dehors à bout de bras tant elles sont répugnantes. Ph! Un carton de pizza. Étonnant, non? Non, pas du tout en effet. Je secoue dehors le tapis noir qui était posé dans le coffre; il dégage un incroyable nuage de poussière grise, des milliers de petites paillettes se dispersants dans l'air. Kaya lance sur le trottoir une bonne dizaine de bouteilles et cannettes de soda vides qui traînaient sur le sol de la banquette arrière, elles retombent lourdement dans un fracas de rebondissements et de métal plié. Nous vidons la voiture de ses immondices, papiers de barres énergisantes dans la boîte à gants, paquets de cigarettes vides dans les poches des sièges... Et secouons tous les tapis qui se trouvent au sol. Nous laissons le tout s'aérer un moment avant de remettre nos propres valises dans le coffre et ne nous privons pas d'installer sur les sièges arrières nos couvertures pour dormir. Kaya se permet même d'ajouter une touche féminine au tout en projettant un spray de son parfum favoris à l'intérieur pendant que je passe un coup sur la carrosserie poussiéreuse avec le t-shirt blanc de tour à l'heure. Maintenant l'atmosphère à l'intérieur de la voiture est fraiche, aérée, purifiée et il fait bon d'y vivre. Je jette les derniers papiers de chewing-gum trouvés entre les sièges dans une poubelle proche. Kaya pose une main sur mon épaule en m'adressant un sourire malicieux; je sais exactement ce qu'elle a en tête. Nous débarrassons d'un même geste les précieuses affaires restantes du brun sur le trottoir, elles y atterrissent lourdement. La petite figurine à la tête dansante sur le tableau de bord, les dés du rétroviseur, ses vêtements, sa glacière et ses fausse lunettes de soleil Ray-Ban en plastique noir. Tout y est.

London Calling [TBS/DOB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant