Chapitre 14

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La vie est un épouvantable cycle d'émotions, de sensations et de sentiments. Voyez-vous la mer au loin? Elle est bleue, elle est paisible et à sa surface réfracte les rayons doux du soleil. Ce n'est que du bonheur de regarder par dessus la digue le matin et d'admirer l'horizon qui s'étend à perte de vue sous sa couverture bleuâtre infiniment grande. Que de calme, que de plaisir, que d'air frais et de bien-être. Et puis ce soir, vous verrez le ciel prendre une teinte de gris et un odeur âcre flotter dans l'air, annonçant la pluie. Les nuages se feront noirs et le vent se lèvera, soufflant dans vos cheveux une rafale de sable piquante. Il sera bruyant, vous n'entendrez plus que son cris de désespoir, souffler et entrer par effraction à l'intérieur de votre crâne. La mer bleue sera noire et le vent la perturbera. L'agitation sera des plus puissantes et les vagues s'ecraseront dans un grands fracas sur le sable bouillant et humide. La tempête commencera et rien ne pourra l'arrêter si le vent ne se calme pas au plus vite. Alors oui, c'est une métaphore un peu longue mais qui résume ma situation de vie à Londres depuis le début. Et là, le vent vient de se lever, laissant dans son sillage des milliers de petits cristaux qui agressent vulgairement ma peau.

À vous de juger si durant votre lecture vous avez pu remarquer un changement dans l'ambiance de ma vie. Moi je le perçois et je regrette amèrement mon passé des plus facile. Une bonne et longue semaine s'est écoulée sans que je n'appercoive plus une mèche blonde de Thomas et que Dylan et moi filions le parfait amour. Du moins aux yeux des autres. Et à ceux de Dylan aussi, certainement. Pour ma part j'avais toujours un blocage inexplicable qui m'empêchait de l'aimer sans culpabiliser.

***

Je n'aurais jamais pensé un jour remercier l'école d'exister. Enfin reprend la routine scolaire. Non, je n'ai jamais aimé la routine scolaire, mais cette fois-ci c'est différent. Je serais enfin seule et tranquille sans Thomas, sans Kaya, sans Dylan, sans Will, sans Lee, sans Brenda qui viennent sans cesse me parler de conflits. Alors mon but pour la reprise; me faire toute petite et imperceptible. Comme ça, j'éviterai les autres et le problème est réglé! Par contre, la reprise veut dire que je dois retourner vivre dans mon appartement respectif; question de pratique. Mon appartement rime évidemment avec Thomas avec qui c'est sans mot dire, la joie de vivre. Il me dit à peine bonjour le matin, prend son déjeuner et part avec dans sa chambre. Pas besoin de vous préciser que ça m'attriste énormément. De plus que Kaya a un sérieux problème avec Will, je ne sais pas pourquoi et elle n'est pas prête de me le dire. Donc elle traine avec Brenda et moi. Lee et Will sont soit avec Dylan, soit avec Thomas, mais jamais les deux ensembles. C'est comme si jamais leur amitié sera comme avant. Et tout ça... À cause de moi. Non, mon sourire béat habituellement imprimé sur mon visage s'est transformé en ligne droite figée. Sauf quand je suis avec Dylan, c'est subitement mieux, malgré ce satané blocage. Je plains Lee dans cette histoire. Lui qui veut toujours que tour soit parfait et joyeux... Il est servit. Cette après-midi, je suis avec Dylan dans le parc du campus. C'est Ki-Hong qui nous trouve et nous propose d'aller au pont avec lui.

"Allez les gars, ça fait trop longtemps!"

"Une semaine, en fait." Dis-je pour ennuyer mon monde.

Ce qui me vaut un coup de coude de mon partenaire.

"Okay, tous au pont!" Dis-je en levant le poing en l'air, tirant le brun par la main."

Par la fraicheur du mois de Janvier, nous sommes tous bien au chaud dans d'épais manteau. J'ai d'ailleurs déjà adopté la manie de me blottir contre Dylan quand j'ai froid en plus de nos doudoune; il me compare avec un chat à longueur de journée et pas de la façon la plus subtile. Je vous laisse imaginer. J'arrive au pont, encore blottie contre lui au niveau de son épaule. Je vois avec malheur toute la bande réunie dans un malaise croissant, toussant et se grattant la nuque. Mon attention se rapporte directement sur Thomas qui, comme à son habitude, fume sur le pont en regardant la rivière. Il a l'air de se ficher pas mal de la présence des autres. Ça me fait une drôle de sensation de le voir fumer seul, j'avais pris l'habitude d'être à ses côtés lors de nos escapades au pont. Je resserre le bras de Dylan contre moi et détourne le regard en vitesse, j'observe mes amis avec une tristesse débordante. Kaya et Brenda sont côte à côte, la première fusillant Will du regard (Mais quand va-t-on m'expliquer bon sang?!) et la deuxième regardant le sol avec gêne. Will lui, envoie encore des textos; l'envie me prend de jetter son cellulaire dans la rivière où il pourra couler parmis les mégots flottants à la surface. Quand je nous revois tous accoudés sur le pont en fumant et riant de bon coeur, se passant une unique cigarette en faisait la course avec le mégot qui atteindra le chêne en premier... Et puis je vois cette ambiance désolante. Je n'ai qu'une envie; prendre une appartement avec mon conjoint et passer ma journée dans le canapé avec. Malheureusement nous n'avons pas énormément d'intimité, nous sommes constamment entourés de nos amis. Enfin, puis-je dire 'amis' à l'heure qu'il est. Kaya sort la cigarette de sous la racine d'un arbre qui est une tradition que l'on ne peut manquer. Elle l'allume, tire, et passe à Brenda. Celle-ci l'imite comme si elle voulait que ses poumons se remplissent de fumée et l'empêche de respirer. Ce que je veux dire pas là, c'est qu'il y a un tel désespoir dans sa manière de faire, on dirait qu'elle fume pour que tout s'arrête, jetant son dévolu sur le tabac. Le précieux passe de main en main avant d'atterrir entre les miennes, je fume la fin et m'avance vers le pont. Je me place à côté du blond qui ne se soucie pas de moi et jette le filtre à l'eau dans un geste professionnel qu'il m'avait appris. Je le jauge de haut en bas; il le remarque et crache une bouffée de fumée avant de lancer son filtre à son tour. Nous regardons alors les deux petits bouts flotter à la surface, emportés par le courant. Lequel arrivera donc le premier au chêne?

London Calling [TBS/DOB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant