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Statut : non corrigé

*

« Qu'est ce que tu vois ? »

Je serrais les poings d'agacement, et soufflai bruyamment. C'était la deuxième fois qu'il me posait la question. Je fixai une nouvelle le sac de farine en face de moi. Je ne savais pas s'il voulait une nouvelle fois se moquer de moi, ou s'il était juste complètement attardé. Ou bien les deux.
Je m'humectais les lèvres avant de souffler une nouvelle fois. Tiens, les mauvaises habitudes reviennent.

« Un sac de farine. » J'avais prononcé chaque mot avant une lenteur extrême pour ne pas avoir à répéter.

Le capitaine émit un petit rire avant de croiser les bras sur son torse. Nous étions toujours dans sa chambre et il était toujours à moitié nu. Il avait fait partir Louis prétextant que cela pouvait attendre et lui avait claqué la porte au nez. Je me demandais d'ailleurs ce que ce cela pouvait bien être.
« Fais un effort princesse, » susurra-t-il d'une voix mesquine.

« Je ne vois rien d'autre. »

Il s'approcha lentement avant de se positionnai derrière moi. Il se pencha à mon oreille. « Non, Adelaïde, tu ne veux pas voir, c'est différent. » Je ne bougeai pas d'un poil encore une fois intimidée par la proximité entre lui et moi. Je n'arrivais toujours pas à comprendre pourquoi il me faisait cet effet. Au château, lors des bals, jamais aucun gentleman ne m'avait intimidé. Serait-ce parce qu'il était pirate ?

Sa voix rauque interrompit mes pensées. « Imagine que, ce sac de farine comme tu dis, soit un pirate. Que verrais-tu alors ? »

Mes sourcils se froncèrent sévèrement. Je ne voyais pas où il voulait en venir, il n'y avait strictement aucun sens à sa question. Il était attardé, il n'y avait maintenant plus aucun doute.

Il marcha autour de moi et se mit enfin face à moi, le regard brulant. Ses pupilles vertes me toisaient fixement. Non, en fait, elles me transperçaient, comme si il parvenait à lire en moi en un seul regard. Tel un lion, rodant discrètement dans l'ombre, toujours prêt à sauter sur sa proie. Sa proie en l'occurrence, n'était à present nulle autre que moi. J'avalai difficilement ma salive à cette pensée.

« Un monstre. » Je n'avais pas réfléchi avant d'ouvrir la bouche, et je regrettai déjà mes paroles, guettant sa réaction. Ses fines lèvres roses s'étirèrent en un sourire mauvais et il passait délicatement sa langue sur celles ci. Maintenant que j'y repense, je comprenais pourquoi tant de femmes lui couraient après. Il était indéniablement et affreusement beau. C'en était frustrant. Puisse un être aussi incroyable trancher des têtes sans pitié ? J'avais étonnamment aucune envie de le croire. Mais tout ce que j'avais vécu sur ce navire ne faisait que confirmer la triste réalité. Il m'avait kidnappé, et si mon père ne me sauvait pas, je serais alors condamnée à rester. Pour toujours.

« Dis moi ma jolie, que fait-on à un pirate ? » Il avait toujours ce sourire espiègle, et sortit une nouvelle fois son sabre. « Ou plutôt, qu'est ce que toi tu ferais ? » Je passai nerveusement la main dans ma chevelure blonde sans répondre et fuyant son regard. Je ne savais pas ce que je ferais. Après tout, qu'est ce qu'une princesse aussi faible que moi pouvait contre un monstre ? Pas grand-chose visiblement. Il me l'avait d'ailleurs bien fais comprendre quelques instants auparavant en écrasant mon visage contre le sol.

Mais il m'avait dis qu'il voulait m'apprendre à me battre.

Au château, on m'apprenait à bien se tenir à table, et ne pas se tromper de fourchette en mangeant.
C'était ça, je n'étais qu'une princesse destiné à me marier à un prince digne de ce nom, avoir une descendance, et veiller sur mon royaume, jusqu'à la fin de mes jours. Fin de l'histoire.

« Regarde-moi. » La douceur étonnante de sa voix me fit lever la tête. Il plissait légèrement les yeux, et posa son doigt sur sa peau encore dénudé, au niveau de son estomac ou logeait une longue cicatrice. On dirait presque une griffure d'animal féroce, dans tout les cas, ça avait l'air d'avoir été grave.

« Les souvenirs. Ce sont eux qui te forgent Adelaïde. Être pirate veut dire tant de chose, tant de choses que tu ne connais pas. L'adrénaline, le danger, et toutes ces sensations. Veux-tu réellement passer à coté de tant de trésors ? » Il avait presque murmuré ces phrases, pourtant elles s'ancraient unes par unes au plus profond de mon esprit.
Au fur et à mesure que j'assimilais ses paroles, je comprenais peu à peu ce qu'il voulait dire.

Il fit quelques pas vers moi et je vis une lueur passait dans son regard émeraude. « Je veux t'apprendre à vivre. »

Il le savait. Il le voyait. Je n'aimais pas ma vie en tant que princesse. J'avais presque l'impression qu'il voulait m'aider. M'aider à aimer la vie. Mais comment aimer la vie en étant un pirate ? Sans que je ne m'y attende, il prit mon poignet dans sa large et chaude main et me tira vers lui. Mon visage heurta pratiquement le sien, n'étant qu'à quelques millimètres l'un de l'autre. Ses bouclettes brunes me chatouillaient le front, et sa respiration brulante caressant ma bouche. Il détaillait mon visage avec un sourire que je n'avais jamais vu auparavant. Un sourire d'émerveillement, peut être même d'admiration.
Je n'arrivais pas à sortir un seul mot d'entre mes lèvres. J'avais brusquement envie de partir, de m'enfuir, de m'enterrer loin de son regard hypnotisant. Je devais le repousser, faire quelque chose. Mais j'arrivais à peine à cligner des yeux. Le sabre qu'il me tendit remplaça sa main et il s'éloignait finalement de moi. Je fixai l'arme logeant dans mes paumes avec confusion.

« La vie n'est pas aussi simple que ce que l'on t'a appris. Il faut savoir faire des sacrifices. Savoir faire la différence entre le bien et le mal. Et faire ton choix. » Il passa sa main dans ses mèches rebelles et fit quelques pas de plus en arrière.
« Si ce qu'il y a en face de toi est ton ennemi, tu dois le tuer. Élimine-le. »
Il prononçait ces derniers mots comme une promesse.

Je marchai lentement vers le sac posé à quelques mètres de moi, fermai les yeux, et leva le bras. La lame s'enfonça dans le tissu. Tout doucement, la poussière blanche s'écoulait sur le sol.

Peut être qu'au fond, il avait raison. Peut être que je n'avais jamais pensé à avoir une vie autre que celle qui m'était destinée.

P D V Externe

La nuit tombait sur la petite île silencieuse, mais pas une seule étoile ne brillait dans le ciel plus noir que jamais. La lune argentée se reflettait sur les grandes vagues mousseuses s'écrasant avec grâce sur le sable doré, tandis qu'un navire flottait à quelques vingtaines de mètres sur l'océan. Ses voiles noires volaient à travers la légère brise du soir.
Une épaisse et fertile végétation demeurait sur ce petit bout de terre, et les bêtes sauvages étaient probablement toute plongées dans un profond sommeil.

Seulement de l'autre coté, à l'opposé de ce navire lugubre, il y avait un autre navire. Il était caché derrière de grand palmier. Celui ci avaient de grandes voiles blanches. Un navire royal. Et sur le pond de ce navire, se tenait un homme à la chevelure aussi noire que la nuit, le regard enflammé par son désir ardent. La vengeance.

Demain sera le jour de chasse.

Pirate || h.s. Où les histoires vivent. Découvrez maintenant